Le Monde des Pyrénées

Loups dit de Castérino: 4 ans de secret, pourquoi?

Le 3 octobre 1996 (publié le 10 octobre 1996), le journal "Vie agricole et coopérative" fait part de sa découverte d’un élevage de loups à Castérino et à Murazzano. Castérino est un hameau de la commune de Tende, tout proche de la zone centrale du Parc National du Mercantour. Voilà un élément qui pourrait accréditer l’hypothèse d’une introduction artificielle dans un secteur pas très lointain: Mollières. C’est en effet dans ce lieu qu’officiellement un couple de loups est apparu en novembre 1992. Le secret aura duré 4 ans.

- L'Affaire

Nous savons aujourd’hui qu'une louve noire et un loup gris étaient élevés en captivité, dans un enclos de 100 m2. Tout est consigné dans un rapport de constat d’agent assermentés de l’ONC (aujourd’hui ONCFS) établi le 11 janvier 1993 pour un constat observé le 5 septembre 1992.
Il aura fallu du temps à ces fonctionnaires pour enquêter et établir un document officiel d’autant qu’entre temps, en novembre 1992, on déclare officiellement le retour du loup.

Vraiment troublant!

Tout aussi troublant, le contenu du rapport de l’ONC. C’est ainsi que nous découvrons la présence, sur les lieux, Geneviève Carbone à la demande du propriétaire des loups, M. Defalle. En effet, comme par hasard, et dans cette affaire les hasards sont nombreux, Geneviève Carbonne est devenue par la suite, chargée de mission de la direction de la nature et des paysages auprès du Parc National du Mercantour afin d’assurer le suivi scientifique des loups aperçus a Mollières en novembre 1992 par des agents du Parc. Mais à cette époque, en 1993, l’existence de cet élevage n’était pas connue du public. Tout était tenu secret autant par le Parc National du Mercantour que par l’ONCFS et la Direction de la nature et des paysages du Ministère de l'Environnement. Mieux encore, en mai 1993, elle publie un article dans la revue "Terre sauvage" qui divulgue, avec photos, la présence des loups. Mise ne scène médiatique?

La question peut être posée

Tout aussi troublant, Geneviève Carbonne est l’auteur de plusieurs ouvrages à partir de 1991 dont un en collaboration avec l’universitaire Luigi Boitani par ailleurs Président de la LCIE dont le rôle dans la conservation du loup tout autant que les méthodes recommandées par la Convention de Berne sont discutables (Recommandation n° 17). On notera également qu’en avril 1995 elle sort un ouvrage sous le titre "Le loup, son retour en France", réalisé par la Société nationale de protection de la nature, avec le concours technique et financier du Parc National du Mercantour et de l’Office National de la Chasse. Petits arrangements de famille pendant que l’élevage est toujours tenu secret? Là aussi, la question peut être posée.

Mais ces loups de Castérino ne sont pas secrets pour tout le monde. Nous apprendrons ainsi que lors d’un stage sur les loups organisé à Saint-Etienne de Tinée les 15 et 16 juin 1993 à l'intention des gardes-chasse français et italiens, Geneviève Carbone a présenté des diapositives des loups de Castérino... Etonnant lorsque nous savons maintenant que, le 12 janvier 1993, elle affirmait aux gardes que le couple de loups captifs était des chiens hybrides malamut/loup (Cf. Compte rendu de l’ONC).

Quand a-t-elle menti?
Le 12 janvier 1993 devant les gardes de l’ONC ou au cours du stage des 15 et 16 juin 1993?
Et qu’a-t-elle dit au cours de son audition sous serment devant la commission parlementaire de 2003 (Cf. Compte rendu d’audition).
Qui cherche-t-elle à couvrir?
Quel rôle a joué et continue de jouer le Parc National du Mercantour?
Quelle valeur scientifique pouvons-nous accorder aux propos de Geneviève Carbone?
Encore des questions sans réponse. Mais il faut admettre que la situation est troublante.

Même si nous ne pouvons pas tirer de conclusion définitive, il faut admettre que la présence de ce couple de loups, dont la louve n’était pas stérilisée, peut laisser planer un doute possible quant à l’hypothèse d’une introduction artificielle, que celle-ci soit volontaire, par imprudence ou par négligence. Néanmoins, le développement des loups, comme nous l’avons connu, ne peut pas provenir d’un seul couple pour des raisons purement génétiques. Il faut entre 6 et 12 loups pour envisager une prolifération de l’espèce.

- Un élevage en Italie

Les italiens ne sont pas en reste pour l’élevage de loups. Il faut rappeler que le parc Alpi Marittime a la même politique, dans ce domaine, que le Parc National du Mercantour. Des liens historiques existent. La recommandation n°17 de la Convention de Berne recommande même d’élever des loups afin des relâcher exactement comme pour les rapaces, vautours fauves, gypaètes barbus, etc… par la LPO et ses «associés».
Dans son édition du 3 décembre 1996, le journal Le Monde, qui, à cette époque, avait été en faveur des introductions d’ours dans les Pyrénées, fait remarquer que des loups sont élevés en captivité à Murazzano, près de Cunéo, en Italie.

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Louis Dollo, le 25 avril 2014

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