L'entretien des pâturages grâce au pastoralisme permet le développement de la biodiversité en montagne
En 2014, une éleveuse de chevaux dans les Alpes-Martimes fait la grève de la Faim"
La Société Espagnole d'Etude des Pâturage (SEEP) a tenu ce printemps à Cordoue sa 47° réunion scientifique, plus de 70 communications de haut niveau sous le signe de ce qui est,
depuis le début, la caractéristique de cette Société:
l'interdisciplinarité dans l'étude d'une réalité relevant à la fois de la biologie, la botanique, la zootechnie, et des sciences humaines et politiques.
Nous traduisons ci-dessous la synthèse rédigée par le Président de la SEEP à partir des exposés présentés lors de cette réunion scientifique.
L'ADDIP a déjà fait référence aux travaux de la SEEP dans son bilan à mi-parcours du plan-ours, "Ecologie, un vrai problème manipulé de façon inquiétante": voir page 7 le traduction d'un trop bref extrait d'une recension des travaux scientifiques consacrés à "La notion de biodiversité dans les systèmes agro-pastoraux espagnols" publiée par la SEEP en 2001. Elle inclut la situation pyrénéenne et commence ainsi:
"De nombreux auteurs mettent en question la tendance simpliste à exclure le bétail des espaces protégés alors que c'est lui qui a créé les espaces que l'on prétend préserver. On doit abandonner cette idée selon laquelle ces espaces devraient uniquement être pensés en fonction des espèces les plus voyantes et de grande taille. Cet anthropocentrisme esthétique et d'échelle conduit très souvent à mépriser la biodiversité et les fonctions écologiques que jouent, par exemple, les espaces herbacés en général, et les pâturages en particulier".
Les spécialistes de ce milieu qui interviennent dans les travaux de la SEEP proposent en effet des analyses aux antipodes du discours réducteur des sectes du sauvage pour qui l'homme ne saurait être qu'un parasite, destructeur des milieux. Pensons à l'ADET, Ferus, au WWF qui confient la rédaction de leur propre bilan à mi-parcours du plan ours à un Carbonnaux pour qui il faut "revenir à la vraie nature comme il y a 2000 ans". Et Ferus fait encore mieux dans le récent éditorial du n° 29 de sa Gazette des grands prédateurs en écrivant: "Depuis le néolithique l'homme n'a eu de cesse d'éradiquer ce qui ne lui était d'aucun profit: il a conquis les territoires et éliminé l'animal sauvage".
Les scientifiques de la SEEP ne sont en rien naïfs, très conscients au contraire des excès et impasses où un mode de développement à sens unique a conduit nos sociétés, mais eux ne mettent pas dans le même sac ce mode de développement et le pastoralisme que, par ailleurs, il a marginalisé et souvent méprisé: "Bien gérés, écrit le Président de la SEEP dans sa synthèse, les systèmes d'élevage basés fondamentalement sur les pâturages, y compris pour une production laitière élevée, sont un exemple de développement durable face au productivisme à outrance, dont les nombreux échecs sont devenus une évidence."
On est d'ailleurs tout à fait fondé à penser qu'ours et loups ne fonctionnent jamais que comme un alibi face aux problèmes posés par ce mode de production: écran de fumée exhibé pour masquer une redoutable impuissance de nos politiques à agir sur les vrais problèmes de fond, voire, au delà des mots agités et des grands messes type "Grenelle", une absence de volonté de les poser et tenter de résoudre concrètement. Comme il est facile de faire joujou avec ces espèces emblématiques, d'envoyer les chiens - les citoyens en l'occurrence - sur cette fausse piste médiatique pendant que ... dans la cour des grands ... L'ours ou le loup "bouc émissaire" c'est en réalité cela ; alpins et pyrénéens, les éleveurs, eux, ne s'y trompent pas: ce leurre, ils refusent d'y être sacrifiés.
La synthèse ci-dessous montre à l'inverse comment la relance du pastoralisme est à la fois LA façon de préserver ces milieux que la directive Habitat place au centre de ses préoccupations, de construire des alternatives à ce mode de production intensif (dont on sait par ailleurs qu'il est nécessaire, mais à penser autrement), de continuer à placer l'homme au centre des préoccupations comme c'était déjà le cas lors de la Conférence de Rio, tout cela pour des milieux qui réussissent ce paradoxe d'être "naturels" tout en n'étant pas sauvages, mais le fruit de l'action des hommes et de leur culture, leurs savoirs:
"Nos paysages sont "culturels". L'immense majorité de la biodiversité qu'il est indispensable de conserver (paysages, habitats, espèces, biodiversités génétique, culturelle) est l'effet d'une influence anthropique très forte. Pour la conserver il faut la gérer."
B.Besche-Commenge - ASPAP/ADDIP - octobre 2008
Ces conclusions font uniquement référence aux questions qui, dans les exposés et communications présentés, ont été en relation explicite ou implicite avec le thème de ce congrès:
le pâturage, clef pour la gestion des territoires: recherches interdisciplinaires.
Comme toutes les activités agraires, et comme le reconnaît la PAC actuelle, l'utilisation des pâturages, outre son intérêt de base pour l'élevage, joue un rôle multifonctionnel,
notamment dans la gestion et l'aménagement du territoire, ce que l'on appelle aujourd'hui les "externalités".
Ces problèmes doivent alors être abordés dans le cadre interdisciplinaire qui a toujours caractérisé la conception des pâturages que se faisait la SEEP. Nous pouvons regrouper en
quatre domaines l'ensemble des disciplines concernées: Ecologie, Culture et Sociologie, Ethique, et Politique. Sous forme quasi télégraphique nous allons passer en revue quelques
unes des problématiques envisagées lors de notre Congrès.
Finalement on peut considérer que la SEEP, une fois de plus, a respecté son engagement annuel de maintenir vive la flamme de cette science: l'étude des pâturages. Une année seulement nous sépare de la célébration de ses "noces d'or" (3).
Auteur: Carlos Ferrer Benimeli, Président de la SEEP
Traduction et notes: B.Besche-Commenge, ASPAP/ADDIP, octobre 2008
Notes:
( 1 ) Notes du traducteur - L'excellent dictionnaire électronique "Ciencias de la tierra y del medio ambiente" propose cette définition: "En España se llaman dehesas a
los pastizales seminaturales que se extienden por amplias areas de suelos pobres del centro, oeste y suroeste de la peninsula Ibérica. Son ecosistemas muy interesantes porque son
muy buen ejemplo de equilibrio entre explotacion por el hombre y conservacion de los recursos naturales" =
pâturages semi-naturels qui s'étendent sur de vastes zones des sols pauvres du centre, de l'ouest et du sud-ouest de la péninsule ibérique. Ce sont des écosystèmes très intéressants
car ils sont un excellent exemple d'équilibre entre exploitation par l'homme et conservation des ressources naturelles.
Pour plus de détails
( 2 ) ce décret du 12 janvier 2001 établit un régime particulier d'aides en faveur de telles méthodes.
( 3 ) la SEEP a été fondée en 1960 à l'initiative et dans le but "d'unir les forces et les initiatives pour l'étude des pâturages envisagés de multiples points de vue".