Fabrice Nicolino, avec son aobjectivité décalée habituelle, nous parle d'Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit à l’environnement et ancien porte parole de FNE. Ce qui est intéressant c'est qu'il met en évidence les relations privilégiée de Jean-Louis Borloo, Ministre de l'environnement d'un gouvernement de droite sous Nicolas Sarkozy et FNE, dans le cadre du Grenelle de l'Envioronnement.
Une merveilleuse poilade. M. Arnaud Gossement fait partie de la longue liste de ceux qui me font rire de bon cœur, et si tel n’était pas le cas, je dois bien reconnaître qu’il me laisserait indifférent. Mais qui est-il? C’est un avocat, spécialisé dans le droit à l’environnement, âgé de 35 ans. Pendant l’extraordinaire comédie du Grenelle de l’Environnement, au cours de laquelle tant d’«écologistes» officiels se sont déshonorés, M. Gossement était le porte-parole de l’un des principaux acteurs, France Nature Environnement (FNE).
FNE regroupe, selon ses chiffres en tout cas, 3 000 associations locales de protection de la nature, fédérées au plan régional dans des structures comme Alsace Nature, Frapna ou encore Bretagne Vivante, dont je suis adhérent. Beaucoup de membres valeureux de ces structures ont mené, depuis quarante ans, de vraies bagarres de terrain. Mais le temps a tout chamboulé, et FNE est aujourd’hui menée par une petite bureaucratie endogame, qui mange dans les mains du pouvoir, sauf ces derniers temps, allez savoir pourquoi. Environ 70 % des budgets de FNE sont d’origine publique, peut-être davantage. La gentillesse des hiérarques de FNE avec le ministère de l’Écologie, grand pourvoyeur d’argent, est disons intéressante.
Au temps du Grenelle, entre l’été 2007 et la fin de 2010, M.Gossement était un aficionadodu pouvoir. Rien n’était trop beau, rien ne paraissait trop grand. Citations de M. Gossement, tirées de mon livre Qui a tué l’écologie (LLL), certifiées authentiques. Et d’une: «Le 8 mai 2010, alors que la dernière ligne droite législative du Grenelle 2 est en vue, notre Ravachol tout en retenue déclare à l’AFP: «[La trame verte et bleue] est la plus grande avancée de cette loi. C’est la partie dont on se souviendra quand on parlera du Grenelle dans cinq ans». Et de deux: «Mercredi 16 juin 2010, juste avant le vote et loin des caméras, la Commission mixte paritaire (CMP) a réuni sept députés et sept sénateurs pour «finaliser» le projet [de loi du Grenelle de l’Environnement]. Et l’on a sagement décidé de faire disparaître toute obligation au profit d’une simple «prise en compte». Valeur concrète du dispositif retenu? Proche de zéro. Arnaud Gossement, déjà aperçu, ne retient pourtant plus son vaste lyrisme. Il jure à l’AFP qu’une «dynamique irréversible» est créée, et que «par rapport à la manière dont l’homme conçoit la nature c’est un changement complet de paradigme».
Donc, nous sommes face à une révolution. Encore faut-il qu’elle rapporte à l’un de ses artisans principaux. Troisième citation tirée de mon bouquin, un peu longue, mais ô combien éclairante. «De 2006 à janvier 2010, l’avocat a été, comme dit plus haut, le porte-parole de FNE, invité dans tous les débats. Ce qu’on peut appeler une belle promotion publique, à n’en pas douter. Mais pourquoi avoir abandonné un poste plutôt prestigieux? Je peux au moins fournir une explication possible, car je la tiens, comme on dit, d’une source sûre. Le printemps 2010 a vu se dérouler en France des élections régionales, une année après les Européennes, qui avaient marqué une sorte de triomphe des listes Europe Écologie, avec 16,3 % des voix. Les régionales de mars 2010 seraient-elles d’un cru comparable? Force est de constater que quantité de personnages jusque-là bien loin de l’écologie ont pour l’occasion trouvé d’excellents arguments pour figurer sur les listes d’Europe Écologie. Conseiller régional n’est pas le poste le plus prestigieux qui soit, mais il permet quand même de voir venir.
«Arnaud Gossement a voulu lui aussi embarquer. Ce n’est ni une honte, ni même une faute. Après tout, il n’était pas plus mal qualifié qu’un autre. Cette négociation discrète, étendue sur des mois, expliquerait son départ du porte-parolat de France Nature Environnement. Mais ensuite? Mais ensuite, Gossement s’est rapproché, sans jamais le reconnaître publiquement, du pouvoir d’État représenté par Jean-Louis Borloo. Ce n’est pas infamant, juste significatif. Le 27 juin 2009 [texte de M. Gossement]: «Mercredi après-midi, de passage à l’hôtel de Roquelaure – siège du ministère de l’Écologie –, je croise un Jean-Louis Borloo particulièrement heureux et monté sur ressorts. Il venait de présenter aux photographes la nouvelle équipe du ministère dont le titre vient de s’allonger: ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.»
«Je passe volontairement sur quantité d’autres citations à la gloire du ministre, ou de madame Kosciusko-Morizet, ou de Chantal Jouanno, qui n’intéresseraient qu’une poignée de lecteurs. Le 7 mai 2010, alors que se bricolent entre amis des amendements à la loi Grenelle 2, pour la rendre plus suave encore à l’industrie, Chantal Jouanno et notre héros Jean-Louis Borloo refusent, devant l’Assemblée, que l’on touche à l’article 36 bis A. Lequel prévoit une gâterie pour l’industrie des pesticides, en assujettissant la restriction ou le retrait d’un de ces poisons à «une évaluation des effets socioéconomiques» d’une éventuelle mesure. Commentaire de François Veillerette, président du Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF), meilleur connaisseur en France, chez les écologistes, du lourd dossier des pesticides: «Le gouvernement se couvre de honte en défendant des positions dictées par les lobbies des pesticides». Clair et net. Mais on voit alors monter en ligne Arnaud Gossement. Il déclare sans état d’âme: «Il n’y a pas de recul. On ne pourra pas refuser un retrait au motif que ça coûterait trop cher. La jurisprudence européenne montre qu’on ne peut mettre en balance les intérêts économiques et la santé».
«N’est-ce qu’une affreuse boulette? Pas du tout. On le verra après l’été 2010. Le 11 novembre 2010, alors que l’on attend le remaniement du gouvernement Fillon, Gossement écrit: «Si un bilan doit être déjà fait, je pense que Jean-Louis Borloo a, dans l’ensemble, “fait le job” ». Et après une autre brassée de compliments destinés bien sûr à Borloo: «D’autre part, héritier de la pensée radicale valoisienne, il a ce souci du consensus et du dialogue qui a réussi au Grenelle en 2007 de l’avis de tous les acteurs présents à cette occasion. En cette époque de tensions et de montée des populismes, où l’on monte les citoyens les uns contre les autres, j’ai moi aussi l’idée que le dialogue et la recherche du consensus sont choses importantes». Cela se précise. Le 14 novembre, alors que Borloo quitte le gouvernement dans les conditions qu’on verra plus loin [M. Gossement, de nouveau]: «Jean-Louis Borloo en effet a annoncé avoir “choisi de ne pas appartenir” au futur gouvernement, ajoutant: “Je préfère retrouver ma liberté de proposition et de parole au service de mes valeurs, au premier rang desquelles je place la cohésion sociale.” Déclaration particulièrement forte et qui laisse supposer que Jean-Louis avait perdu sa liberté de parole ces derniers temps».
«Si Arnaud en est au stade d’appeler Borloo Jean-Louis, c’est que des relations très privilégiées se sont nouées. Sans que personne ne le sache, ce qui est une bien mauvaise
manière. Rappelons que Gossement est, quoi qu’on en ait dit, l’une des figures principales du Grenelle, officiellement sur le banc écologiste. Je ne trahis aucun secret en
écrivant ici qu’il a plusieurs fois déjeuné avec Borloo, à la mode «radicale» qu’affectionne l’ancien ministre. Ce dernier a même invité Gossement à Lyon, le 4 septembre 2010,
pour l’université d’été du Parti radical, au cours de laquelle notre deep ecologist
a planché sur “une nouvelle société plus écologique”».
Ici se clôt la citation venue de Qui a tué l’écologie? Je reprends mon propos de ce samedi 28 avril 2012.
Il me semble nécessaire de résumer. (Tout) petit Rastignac de l’écologie, M. Gossement a failli être élu sur une liste Europe-Écologie, puis s’est rapproché de près de Jean-Louis Borloo à un moment où cet homme pouvait prétendre à de hautes fonctions politiques. M. Gossement a-t-il rêvé d’un maroquin dans un gouvernement de droite? Je crois cela plausible. Seulement, la roue a tourné dans le mauvais sens. Nicolas Sarkozy est plongé dans le pastis que l’on sait, et paraît plus proche de la porte de l’Élysée que d’un nouveau bail de cinq ans. Alors, alors [on entend un soudain roulement de tambour, car l’événement est majeur], M. Gossement se souvient brutalement qu’il est écologiste. Et un écologiste ne saurait ajouter sa voix à celle, tonitruante, du président en titre. On assiste sur le blog de M. Gossement à un saisissant sursaut républicain.
Tout ce texte est merveilleux, mais je vais droit au passage clé. De quoi sera fait l’avenir après le 6 mai? Eh bien, après avoir salué son ancienne idole, madame Kosciusko-Morizet – sait-on jamais? – et une responsable d’Europe-Écologie – idem -, voici venir les choses sérieuses: «Retenez également ce nom: Diane Szynkier. Dans les prochains mois et années, malgré sa modestie et sa discrétion, vous entendrez immanquablement parler, et de plus en plus, de cette personne – aussi douée qu’intelligente et compétente – animatrice du pôle écologique de l’équipe de campagne de François Hollande aux côtés de Marie-Hélène Aubert. Rares sont les personnes qui m’impressionnent autant par leur capacité à penser l’écologie dans ses multiples problématiques, parfois trés techniques, tout en faisant toujours le lien avec l’humain. A n’en pas douter, l’avenir de Diane Szynkier sera brillantissime et je m’en réjouis par avance, dans l’intérêt général».
Ah! une telle sincérité fait chaud au cœur. Je ne sais pas si cela suffira pour replacer M. Gossement dans le jeu politique autour de l’écologie, mais au moins, c’est bien tenté. Au fait, qui est cette madame Szynkier? D’abord, une photo:
Madame Szynkier ne sera peut-être pas ministre cette fois, mais elle anime dans la campagne de François Hollande le pôle Environnement, développement durable, énergie. Elle me fait penser à Nathalie Kosciusko-Morizet. Non? Si elle va aussi loin que le lui souhaite M. Gossement, je ne doute pas qu’on lira dans les gazettes des dizaines de lettres enamourées, vantant sa joliesse, sa jeunesse, et bien entendu ses extraordinaires compétences. D’ailleurs, cette polytechnicienne est ingénieure des ponts, des eaux et des forêts. Un corps de la noblesse d’État qui résulte de la fusion de celui des Ponts et Chaussées et celui des Eaux et Forêts, dont est précisément issue madame Kosciusko-Morizet.
Que penser de ce dernier point? Évidemment que François Hollande fait confiance, comme toujours chez les politiciens professionnels, à la technostructure. Celle qui a mené à la hussarde la destruction de la France de l’après-guerre. Je veux dire: l’enrésinement par monocultures industrielles, l’assassinat de la civilisation rurale – dont le remembrement, l’assèchement des zones humides, l’explosion des pesticides -, les routes, autoroutes, aéoports et ronds-points, le nucléaire, demain les forages de gaz de schiste. C’est dans un gouvernement de cette sorte que les écologistes officiels s’apprêtent à siéger si le parti socialiste l’emporte le 6 mai prochain. C’est de ce gouvernement que M. Gossement souhaiterait tant se rapprocher, et il a bien raison de miser sur la capacité illimitée d’oubli et de recyclage de l’univers politique.
En somme comme en résumé, M. Gossement est un authentique comique-troupier. Aussi bon que le défunt – et regretté – Gaston Ouvrard. Mais, la justice ne régnant pas sur le monde, contrairement à ce qu’on tente de faire croire, je redoute pour lui qu’on ne le voie qu’en bouffon. C’est aussi drôle, c’est plus cruel.