- Il est désormais possible de croiser des loups autour de Berlin
- Fin novembre, un loup a été photographié pour la première fois dans la capitale allemande.
La presse locale berlinoise est en émoi: un loup a été localisé pour la première fois à l’intérieur du Ring, le périphérique qui entoure la capitale allemande et la ville de
Potsdam, au sud. L’animal a été repéré fin novembre au moyen d’un piège photographique installé par un chasseur à Glindow, une commune située à l’ouest de Potsdam.
Depuis quelques années, il y a à nouveau des loups dans le Brandebourg, la région qui entoure Berlin. Comme le rapportait à l’été 2015 le quotidien Berliner Morgenpost,
quatorze meutes et cinq loups solitaires vivraient
actuellement dans la région.
Le quotidien Der Tagesspiegel publie la photo du loup, flashé de nuit au croisement de la Langer Straße et la Plötziner Straße, aux abords d’un terrain forestier fréquenté par les chasseurs locaux et à 200 mètres d’une ferme, et a demandé à un spécialiste qui occupe le poste bénévole de délégué aux loups dans une commune voisine de décrypter le cliché:
«Kay-Uwe Hartleb pense qu’il s’agit d’un jeune animal au vu de ses courtes pattes [...]. Les loups nés cette année sont désormais âgés de six mois et explorent leur environnement. “Ils n’ont pas de plan en tête. Quand ils remarquent qu’ils ne peuvent pas aller plus loin ou que c’est trop agité, ils rebroussent chemin.” L’animal qui a été photographié est puissant et a déjà son pelage d’hiver. “On voit qu’il y a des pommes au pied des arbres. Ce que beaucoup de gens ne savent pas, c’est que les loups aiment bien manger des pommes.”
- Animaux sauvages
L’auteur de la photographie s’inquiète, lui, de ce que «le loup se rapproche de plus en plus des hommes». Les habitants de Glidow ont croisé des loups à quatre reprises cet été:
«La population augmente, les animaux vont là où il y a du gibier. […] Je me demande ce qu’il va se passer quand le loup n’aura plus de gibier à se mettre sous la dent.» Je me demande ce qu’il va se passer quand le loup n’aura plus de gibier à se mettre sous la dent (Le chasseur auteur du cliché)
Des propos que Kay-Uwe Hartleb nuance en rappelant que les chasseurs, qui de fait sont en concurrence avec les loups vis-à-vis du gibier, peuvent être tentés de répandre la panique au sein de la population et qu’en général les loups prennent la fuite quand ils croisent des humains. Le quotidien rappelle les règles de comportement à respecter:
«Croiser des loups est désormais possible partout dans le Brandebourg; dans ce cas, il faut faire du bruit pour se faire remarquer et partir lentement.»
Même s’il semble peu probable pour l’instant de croiser des loups en plein Berlin, la capitale allemande est pourtant pleine d’animaux sauvages. La nuit, il n’est pas rare de croiser des renards ou des lapins en plein centre-ville, et les habitants des quartiers périphériques doivent faire attention à ce que les locaux à poubelles soient bien fermés en raison de la présence de sangliers. «Berlin est un zoo sans barrières», déclarait la chaîne de télévision ZDF dans un reportage diffusé en octobre 2015, expliquant que la ville était considérée comme celle qui «compte le plus d’espèces en Europe», faisant le compte des animaux sauvages berlinois:
«À côté des 3,5 millions de personnes qui vivent à Berlin, il y a environ 5.000 sangliers, 3.000 lapins, 2.000 martres, 1.800 renards, 800 ratons laveurs.»
Auteur: Texte eepéré par Annabelle Georgen
Source: Slate du 8 décembre 2015
- Le loup est aux portes de Berlin
- Le prédateur a été repéré à l’intérieur du Ring, la voie ferrée circulaire qui ceinture la capitale allemande. Réapparu en 2000, il se reproduit à grande vitesse dans la région.
En ce matin de la fin d’hiver, Robert Franck est très excité. Cet expert du loup vient de faire une sacrée découverte: le loup solitaire qui vivait depuis des années près de Rheinsberg, dans le nord-est du Brandebourg, la région qui entoure Berlin, a sans doute trouvé une compagne. «C’est un collègue chasseur qui m’a appelé ce matin. Il avait vu des traces dans la neige! J’ai foncé. Et là, je n’en croyais pas mes yeux. Non plus une trace, mais deux! En pleine saison des amours! Ça veut dire que nous devrions avoir des louveteaux au mois de mai!», jubile-t-il.
Jusqu’ici, dans le nord du Brandebourg, les loups ne s’étaient pas beaucoup manifestés. Depuis leur retour dans la région, ils avaient plutôt investi le sud, la frontière avec la Saxe, jusqu’aux terrains militaires près de Potsdam. Berlin était une sorte de frontière. En novembre 2015, un chasseur a réussi, grâce à une caméra automatique, à photographier un loup à l’intérieur du Ring, la voie ferrée circulaire qui ceinture Berlin. Une petite sensation dans la capitale allemande, où l’on a déjà l’habitude de croiser renards, sangliers, ratons laveurs et autres martres dans les grands parcs de la ville.
- Renards, sangliers, ratons laveurs
La perspective de croiser un loup à Berlin fait sourire Robert Franck. «Où veux-tu en voir, sur Alexanderplatz?», plaisante-t-il dans son style direct et ironique, typique de la région. «Les loups marchent 40 kilomètres par jour. Cela peut bien sûr arriver qu’ils se retrouvent en bordure du territoire de la ville, où il y a beaucoup de bois. Mais le loup craint l’homme, un chasseur doit avoir beaucoup de chance pour en croiser un dans sa vie», assure-t-il.
Reste que le loup, réapparu en 2000, se reproduit à grande vitesse dans la région. Le ministère de l’environnement local dénombrait en 2012 neuf meutes dans le Brandebourg, ainsi que quelques loups solitaires, soit une centaine d’individus. Depuis le début de l’année 2016, sept loups ont été tués en percutant des voitures sur la route. Récemment, l’un d’eux a été retrouvé mort à moins de 500 mètres de l’aéroport de Schönefeld.
Le ministère de l’environnement local dénombrait en 2012 neuf meutes dans le Brandebourg, ainsi que quelques loups solitaires, soit une centaine d’individus
Dans sa fourgonnette chargée de matériel d’observation, Robert Franck avale les kilomètres qui séparent Zechow, où il réside, de la lande de Kyritz-Ruppin. Il s’arrête à la frontière de la zone d’exercice militaire où l’accès est interdit. Sur le chemin forestier, dans la neige encore fraîche, on distingue clairement les traces laissées par les pattes de deux loups, marchant côte à côte. Cinq coussinets surmontés de quatre griffes, très bien dessinés. Une trace est grande, l’autre plus petite. «Il lui montre son territoire, souffle Robert Franck. C’est une zone immense, giboyeuse, où ils pourront élever tranquillement leurs louveteaux. Un couple de loups reste ensemble toute sa vie.»
- Inquiétude des bergers du Brandebourg
Malgré son excitation à l’idée de voir une meute s’installer près de sa zone d’observation, il ne peut s’empêcher de s’inquiéter. Dans les environs, il y a de nombreux bergers qui élèvent des chèvres, des moutons ou des daims. «Tous ces gens n’ont pas l’habitude, ils n’ont pas de bonnes clôtures, pas de chiens gardiens de troupeaux, mon téléphone ne va pas arrêter de sonner!»
Robert Franck est l’un des deux experts du Brandebourg habilité à constater qu’un animal de rente a été tué par un loup, ce qui donne droit à une compensation financière. Agriculteur de formation, membre du bureau de l’association régionale de chasse et passionné de nature, il est très respecté par ses interlocuteurs. «Ils ne peuvent pas me raconter d’histoires! Mais je comprends aussi leurs soucis. Il y aura des conflits, c’est inévitable.»
En 2015, dans le Brandenbourg, une petite centaine d’animaux d’élevage ont été tués par des loups, principalement des moutons et des daims. Au total, 13 000 euros de dommages ont été versés aux éleveurs par les pouvoirs publics. Depuis le début de l’année, 14 moutons ont déjà été tués dans la région. En Saxe, où les loups sont installés depuis plus longtemps, on compte une dizaine de meutes. Cinquante-six attaques de loups contre du bétail ont été enregistrées en 2015, 140 animaux sont morts.
Pour un berger, l’arrivée du loup à proximité de son troupeau signifie une grosse charge de travail en plus. Un loup dans un enclos tue beaucoup de bétail plus qu’il n’en mange. Seuls la clôture électrifiée et le chien gardien de troupeaux sont des protections efficaces, la région aide à leur financement. Pour Jürgen Körner, qui élève 1 500 moutons à Borgisdorf, un village du sud du Brandebourg, la multiplication des loups reste une source de stress. «Bien sûr, la région vous rembourse les animaux tués! Mais il faut entretenir les clôtures électrifiées. Et j’ai 18 chiens, il faut aussi les nourrir et s’en occuper. Tout cela est très coûteux», soupire-t-il.
- Mode original de management
Pour éviter que les loups ne soient secrètement éliminés par les bergers ou les chasseurs, autres ennemis traditionnels du loup, les autorités du Brandebourg ont mis en place un mode original de management. En 2007, le Land a constitué un groupe de travail mixte, composé de représentants d’associations de protection de la nature, de chasseurs, d’éleveurs et de biologistes. L’idée: profiter de toutes les compétences pour effectuer un repérage efficace de la présence du prédateur, mais aussi assurer la crédibilité de l’organisme.
Chaque année, ces représentants se rassemblent pour échanger leurs points de vue sur invitation du Land du Brandebourg. «Ce management fonctionne très bien», estime Markus Bathen, expert du loup au sein de l’association environnementale NABU. «La région a développé ce système pour assurer une acceptation large du loup», explique Corinna Fittkow, du ministère régional de l’environnement. Chaque membre du comité a au moins dix référents qui l’informent.
A partir de ces informations, un plan régional de management du loup est déterminé sur un rythme quinquennal. Selon l’actuel, aucun abattage pour réguler la population n’est autorisé tant que celle-ci «ne se trouve pas dans un état de conservation suffisant» et dans la mesure où «aucun problème, qui ne laisserait aucune autre alternative, ne survient». Il en est de même en Saxe.
L’association de chasseurs du Brandebourg, reconnue officiellement comme association de protection de la nature, se montre très active: «Les chasseurs sont ceux qui passent le plus de temps dans la nature, ils sont très conscients de ce qui se passe», explique Robert Franck, qui anime chaque année des sessions de formation pour les chasseurs, afin qu’ils puissent reconnaître les signes de présence du prédateur. «Les chasseurs sont souvent des référents dans les villages. Ils sont très intéressés par le loup et peuvent beaucoup apporter. Pour que cela fonctionne, je les informe, ils m’informent. C’est comme ça qu’on peut assurer à terme une bonne acceptation du loup dans la région.»
Auteur: Cécile Boutelet
Source: Le Monde du 14 mars 2016