Faciliter l'abattage de loups, la protection des troupeaux et l'indemnisation des éleveurs pour permettre la cohabitation entre le prédateur et l'homme. C'est toute l'ambition du plan loup 2013-2017, dont les bases ont été présentées par le gouvernement, mardi 5 février. Un plan qui intervient après des mois de forte tension entre éleveurs et associations de défense du grand prédateur. La grogne a même conduit le Sénat à voter en première lecture, mercredi 30 janvier, contre l'avis du gouvernement et sans attendre le nouveau plan, un texte de loi "visant à créer des zones de protection renforcée contre le loup".
Le Sénat vote une loi créant des zones d'exclusion du loup
Lors d'une conférence de presse, mardi, les ministres de l'écologie et de l'agriculture, Delphine Batho et Stéphane Le Foll, ont dévoilé les conclusions de quatre mois de concertation au sein du Groupe national loup, une instance réunissant parlementaires, élus, agriculteurs, chasseurs, associations de protection de la nature et représentants des services de l'Etat.
Garder le loup sans perdre l'agneau
Le loup fera désormais l'objet d'une gestion différenciée selon les régions et la pression exercée localement par l'espèce. Une approche à géométrie variable déjà mise en œuvre au cas par cas par les préfets, mais qui devient l'orientation générale du plan.
Celui-ci entend faciliter la défense des troupeaux par les éleveurs. Le dispositif restera le même que dans le précédent plan loup, mais en renforçant chaque degré de réponse: tout d'abord, l'effarouchement, puis les tirs de défense à proximité immédiate du troupeau et, enfin, les tirs de prélèvement visant à abattre les bêtes sur un territoire plus large, si toutes les autres mesures ont échoué.
Le nombre de prélèvements autorisés sera désormais indexé sur la croissance de l'espèce, de manière à relever le nombre maximal de prédateurs pouvant être abattus chaque année. "Le loup est et restera une espèce strictement protégée. Il est néanmoins possible de tenir compte de la bonne dynamique de population de l'espèce afin de mettre en place une gestion plus fine", estiment les deux ministres.
Alors qu'une limite de onze loups avait été fixée à l'échelle nationale en 2012, trois animaux seulement ont été tués. Pour améliorer l'efficacité des tirs, des formations seront donc dispensées aux éleveurs et aux agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
"La hausse des prélèvements peut s'avérer contre-productive, prévient Jean-François Darmstaedter, secrétaire général de l'association de protection des loups Ferus. En tuant un loup, on risque d'éliminer un individu majeur de la meute et d'augmenter les attaques."
"Cette gestion plus stricte de l'espèce se justifie par la constante hausse des attaques de loups malgré les efforts de protection des troupeaux", rétorque Delphine Batho. La population lupine, revenue naturellement dans les Alpes il y a vingt ans, étend son territoire chaque année à la faveur de lois protectrices – la convention de Berne de 1979 et la directive européenne Habitat-faune-flore de 1992.
Pour limiter les dépenses d'indemnisation des éleveurs, le gouvernement souhaite également explorer des pistes alternatives en expérimentant, dans onze parcs naturels régionaux, des mesures de capture de loups. Le but: "éduquer" les bêtes et les dissuader de revenir où elles ont déjà été capturées.
Pas question, pour autant, d'exclure le prédateur de certaines zones où il pourrait être abattu sans autorisation, comme le prévoit la proposition de loi d'Alain Bertrand, sénateur (PS) de la Lozère. "Ce texte contrevient à nos engagements européens et internationaux", argue Delphine Batho. Prise à contre-pied par sa propre majorité, elle tempère: "Je l'ai davantage perçu comme une interpellation. Je ne suis pas certaine que cette loi sera votée."
D'autant que la proposition fédère contre elle éleveurs et associations écologistes. "Elle représente un recul d'un siècle, quand on pouvait tuer le loup sans sommation, s'insurge M. Darmstaedter. Sans compter que le loup est un animal mobile: on ne peut pas lui dire où aller." "La mesure créerait des discriminations envers les éleveurs qui ne seront pas situés en zone d'exclusion", s'inquiète Yves Derbez, président de l'association Eleveurs et montagne.
Face aux craintes des éleveurs, le plan loup accélère et simplifie le dispositif d'indemnisations: des montants qui incluront les pertes dites indirectes dues au stress des bêtes (avortements, moindre prise de poids, diminution de la lactation, etc.).
Lire: La politique de protection du loup dans l'impasse
Les conclusions du groupe national loup feront l'objet d'une consultation du public pendant un mois et d'une consultation de la commission faune du comité national de protection de la nature début avril. Le nouveau plan entrera en vigueur peu après, avant l'estive.
Auteur: Audrey Garric
Source:
Le Monde Planete du 5 février 2013