Le loup serait encore présent, en 2012, sur les Pyrénées-Orientales. Il serait également dans l’Aude et l’Ariège. Curieusement nous n’entendons jamais parlé de prédations. Y a-t-il des troupeaux? Y a-t-il vraiment encore des loups? D’autant qu’aucune meute n’est constituée.
Un loup aurait été vu et photographié cet hiver dans le massif du Carlit par l’animateur du réseau loup. Serait-ce, là aussi, un militant associatif qui aurait tout simplement besoin de justifier un emploi et des subventions inutiles à des associations qui en ont besoin? Beaucoup de questions pour un sujet qui sort opportunément à un moment de restrictions budgétaires et alors que nous n’avons jamais autant parlé du loup dans d’autres régions.
Encore une fois, où est la vérité?
Alain Bataille a vu le loup. Dans le Carlit, une fois. «Furtivement. On avait eu une prédation de biche. On a installé un piège photographique, et on a un peu fait le guet. Il est passé près de la biche, puis est reparti», dit l’animateur du réseau loup à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Dans la partie orientale des Pyrénées - P.-O., mais aussi Aude, Ariège et Catalogne, l’animal se fichant évidemment des frontières - le Canis Lupus est pourtant revenu depuis plus de dix ans. Depuis 1999 très exactement, quand les premières «pistes hivernales» ont été découvertes.
Surprise, à l’analyse: elles ont montré que les deux loups localisés étaient de lignée italienne, et non originaires d’Espagne, où un berceau niche au Pays Basque. Ils auraient donc fait le chemin depuis les Alpes, colonisées dès 1992 par des spécimens transalpins. «Ce n’est pas impossible, un loup peut faire 600 à 700 kilomètres par an», explique Alain Bataille, qui prend l’exemple de cet animal italien, à qui on avait installé un GPS en avril. En octobre, lorsqu’on l’avait retrouvé mort, il avait avalé 300 kilomètres.
Les éléments «dispersants», chassés d’une meute devenue trop grande et poussés par leur faim de colonisation, peuvent ainsi franchir bien des obstacles.
Le passage du Rhône? «En Russie ou au Canada, il y a des fleuves beaucoup plus grands», dit l’animateur du réseau loup. Le franchissement des routes? Alain Bataille évoque cette meute qui, du côté de Léon en Espagne, s’était installée de part et d’autre d’une autoroute. En revanche, la distance explique sans doute un fait jamais démenti jusqu’à présent par le suivi du réseau loup: dans les Pyrénées, le turn over semble important et aucune meute n’est établie. Même si, sur les six individus identifiés depuis 1999, deux étaient des femelles.
Ainsi, cet hiver, on a seulement attesté la présence de deux mâles. Le premier est un vieil habitué. Il rôde depuis 2006 du côté du Carlit, déclaré «Zone de Présence Permanente» (ZPP) du loup. «Il doit avoir dans les 9-10 ans, ce qui est un âge avancé: en milieu sauvage, ils ont une vie difficile», dit Alain Bataille.
L’autre a été identifié dans le secteur Madre-Boucheville. «Les analyses ont montré qu’il s’agissait d’un individu différent de celui du Carlit», souligne l’animateur du réseau de suivi. Des empreintes ayant été relevées deux hivers consécutifs dans ce secteur qui empiète sur l’Aude, il est à son tour devenu ZPP, la deuxième des Pyrénées. Deux mâles identifiés, plus un qui traîne sans doute côté catalan: dans le coin, il n’y a pas de quoi crier au loup, pour l’heure... «En Lozère (NDLR: où l’animal a aussi réapparu), ils pensent qu’une meute sera bientôt constituée. Nous, on s’est dit ça dès 1999. Et ce n’est toujours pas le cas», témoigne le responsable de l’ONCFS. Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours...
Raquettes aux pieds, ils marchent dans la neige - lorsqu’il y en a... - à la recherche d’indices de la présence du loup - empreintes, poils, fèces, urine, sang - qui sont ensuite analysés. Pour l’équipe du réseau loup pyrénéen, le suivi hivernal est une étape clef. «L’hiver est le moment de cohésion d’un groupe, qui se disperse au printemps», explique Alain Bataille. Les suiveurs du loup peuvent aussi s’appuyer, comme pour l’ours, sur des dispositifs de photographies automatiques (cliché ci-contre).
L’été, le suivi peut être réalisé avec une technique originale: le hurlement provoqué. Il s’agit de hurler avec les loups, afin d’écouter l’écho... «A l’oreille, on ne peut pas les compter au-delà de trois, précise Alain Bataille. Mais on peut déterminer la présence de louveteaux, et donc savoir s’il y a eu reproduction». Cette technique, très utilisée dans le Mercantour, ne l’a été que deux étés dans les P.-O., «parce que nous avions eu des pistes doubles», qui laissaient penser à la présence d’un groupe. L’observation visuelle compte aussi beaucoup. Car ils ne sont pas rares, ceux qui ont vu le loup.»
Lorsqu’il voit un homme, il continue son chemin, se retourne souvent, le regarde, mais il n’attaque pas.
Depuis le début de l’été, le réseau a été informé d’observations de ce type, mais aussi de témoignages sur des hurlements. Des empreintes ont aussi été découvertes, de même que des proies sauvages. Mais pour l’instant, pas de prédation sur des troupeaux. En 2011, 2 attaques de loups ont été indemnisées dans les P.-O., sur un total de... 1414 en France.
L’hiver dernier, 29 Zones de Présence Permanente (ZPP) ont été recensées en France, parmi lesquelles trois nouvelles, dont la ZPP de Madre-Boucheville, dans les P.-O, qui s’ajoute à celle du Carlit. Un secteur est déclaré ZPP lorsque les loups occupent le territoire pendant deux hivers consécutifs. L’ensemble des massifs français semble désormais concerné par le retour du loup, depuis que sa présence a été avérée dans les Vosges, en 2011.
La date de son retour est fixée à novembre 1992, quand deux individus ont été aperçus dans les Alpes-Maritimes, dans le Parc du Mercantour. Des analyses ont montré qu’il s’agissait de loups italiens ayant franchi la frontière.
En 2009, on estimait qu’il y avait environ 200 loups en France. Ils avaient disparu en 1940, exterminés par l’homme.
En mai, un arrêté du précédent gouvernement a fixé à 11 le nombre de loups qui peuvent être abattus sur la période 2012-2013. L’association de défense du loup Ferus a dénoncé l’augmentation par rapport à 2011 (6 loups pouvaient être abattus), et a regretté la présence des P.-O., département en voie de colonisation où les loups sont peu nombreux, dans la liste des 12 départements où l’arrêté peut être appliqué.
Auteur: Myriam Galy
Source: L’Indépendant du 21/08/2012