Une des meilleures émissions, certes, et qui en dévoile plus d'un!
Les naturalistes aux manettes de l'environnement; je note quand même que le nom de la chargée de mission envoyée dans le var n'est pas cité, mais on la connait déjà.
L'ex du ministère et administratrice chez Férus ne répond pas bien clairement sur le manque
d'indices, et marboutin croit noyer le poisson avec sa formule magique!
On nous présente Royal sous le jour de celle qui veut diminuer la protection et qui annonce de "vrais chiffres" mais on dit pas qu'elle était aux manettes de l'environnement en 92.
(ni qu'elle a fait disparaître tous les documents de l'époque!)
La synthèse de Grandjean, ex directeur du pnm est apréciable mais on voit bien qu'ils n'ont rien retenu des preuves de bruno, faut quand même pas trop déranger!!
Concernant la présence dans le var: il faut attendre le bulletin du réseau loup n° 7 en 2001 pour trouver des constats sur canjuers, et le 8 de 2002 pour une observation visuelle. Mais dans l'Info Loup N° 4 de 1998, présence dans le var. je précise que l'Info Loup est le pendant "naturaliste" de Quoi de Neuf.
Quant aux preuves avancées du retour naturel, elles sont vraiment bien minces, et affirmées par des pro-loup, en particulier l’administratrice de Férus; et ça c'est plutôt pas mal, le journaliste n'a trouvé personne de plus crédible pour étayer ça, le vent tourne!!
bonne soirée à tous
C’est une petite révolution: Ségolène Royal souhaite que l’Europe abaisse le niveau de protection du loup pour pouvoir en tuer plus. Le ton a bien changé depuis l’époque où on célébrait son retour dans le parc du Mercantour en 1992. Il est désormais présent dans trente-trois départements. On lui attribue 9000 brebis tuées en 2015. Comment en est-on arrivé là?
Autant le loup se faisait discret les premières années, autant les attaques que connaissent aujourd’hui les bergers sont parfois impressionnantes. Guillaume Fabre, éleveur de brebis à La Roque-Esclapon dans le Var en témoigne:
"En décembre 2015, j’ai eu une des plus grosses attaques: en une nuit quarante-cinq bêtes. On en voit encore maintenant les conséquences avec des brebis déjà faibles et qui, du jour au lendemain, meurent, des agneaux dans le même état. Cette année on a eu pas mal d’avortements de brebis stressées, et tout ça, on en est certain, c’est à cause du loup. Si ça se reproduit deux fois dans le troupeau, il part à la poubelle!"
Un récit loin d’être isolé. Comme celui de Bruno Lecomte, qui élève des chèvres dans les Vosges. Il y a quelques années, il ne se sentait pas concerné, aujourd’hui, il doit revoir sa manière de travailler:
"Dorénavant, la nuit, je ne sors plus mes bêtes. Je les rentre à l’intérieur, mais elles ne peuvent plus manger de l’herbe alors que la chèvre est avant tout un herbivore. Si je subis encore des attaques sur mon exploitation - mon troupeau ne compte que 55 chèvres - je risque de perdre mon activité".
Et pour mieux comprendre ce qui risquait de lui arriver, Bruno Lecomte est allé voir ses collègues du Parc National du Mercantour. Il en est revenu stupéfait:
"Les gens enferment maintenant leurs bêtes dans des bunkers pour se protéger des attaques de loups. Les brebis dorment dans des tunnels, sans lumière, dans l’humidité et la saleté. Une situation désespérante pour les éleveurs, quand les bêtes restent là plusieurs mois. On se rend alors compte du drame qui arrive avec le loup".
En effet, les brebis tuées par des loups sont chaque année de plus en plus nombreuses: 4000 en 2010, 9000 en 2015. Le nombre de victimes a plus que doublé en cinq ans! Et pour Frédéric Denhez, auteur d’un essai sur les loups et intervenant régulier dans CO2 mon amour sur France Inter, c’est une catastrophe pour les troupeaux:
"Quand une brebis a senti et a vu une attaque, elle est stressée et veut fuir. Les troupeaux de brebis sont destructurés, et ça désespère les éleveurs. Plus la fréquence est importante - même si le loup repart bredouille - moins le pastoralisme est localement durable. Le problème n’est pas le nombre de brebis dévorées, mais la fréquence des attaques. Cette fréquence augmente et donne envie à beaucoup d’éleveurs de raccrocher".
Depuis 1993, on subventionne les éleveurs pour qu’ils investissent dans des clôtures, ou des chiens de protection. Mais beaucoup déchantent aujourd’hui car les loups ont appris à contourner ces dispositifs. C’est le constat de Michel Meuret, directeur de recherche à l’INRA, l’institut national de la recherche agronomique, à Montpellier:
"Les loups sont des animaux très intelligents. Opportunistes, ils vont au plus simple et s’adaptent. Depuis qu’on met des troupeaux en parc de nuit, clôturé et électrifié, sous la garde des hommes et des chiens, 40% des attaques se déroulent dorénavant le jour. Pas en fin de journée, mais à deux heures de l’après-midi! Les loups ont appris que la nuit c’était plus compliqué donc ils attaquent en journée".
Des attaques qui finissent par coûter très cher: rien qu’en 2015, les dépenses s’élevaient à près de 21 millions €, en cumulant le financement des mesures de protection et les indemnisations des bergers.
Par conséquent, le 27 avril 2016, la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a souhaité moins protéger le loup. Une déclaration qui s’apparente, au ministère, à un véritable changement de cap. En effet, depuis le retour du loup en France au début des années 90, la politique du ministère, était, au contraire, très protectrice.
Tout débute en novembre 1992, lorsque deux gardes du Parc National du Mercantour observent pour la première fois un couple de loups. Antoine Peillon, à l’époque journaliste au magazine Terre Sauvage, recueille leur témoignage. Ses interlocuteurs sont à la fois réjouis de ce qu’ils ont vu, mais en même temps assez inquiets:
"Ils ont ressenti un immense plaisir, et en même temps une grande angoisse avec le sentiment que, si la nouvelle se répandait, il y avait le risque que ces deux loups soient très rapidement éradiqués".
Pour éviter cette menace, on décide de cacher leur retour. Antoine Peillon y contribue aussi. Il sait donc que les loups sont revenus sur le territoire et souhaite l’écrire, mais ne veut pas leur porter préjudice. Le conflit intérieur est chez lui entre le journaliste et le naturaliste. Il consulte alors le ministère de l’écologie qui lui demande de taire l’information:
"En tant que journaliste dès qu’on a une information de l’ordre du scoop - le retour du loup en France -, on est tenté évidemment de la publier; mais étant aussi naturaliste, je me suis tourné vers la Direction de la protection de la nature du ministère de l’environnement et nous avons trouvé un compromis qui nous permettait de publier l’info mais en laissant le temps à l’administration de préparer le terrain au niveau de la communication".
Mais lorsque les bergers apprennent qu’on leur a dissimulé la vérité, ils n’apprécient pas du tout. En effet le retour du loup a forcément des répercussions sur leur activité. Une fracture s’installe alors entre éleveurs et pouvoirs publics. Pierre Pfeffer, président à l’époque du conseil scientifique du Parc National du Mercantour, le regrette encore:
"Le ministère de l’environnement a manœuvré de façon extrêmement malhabile. Lorsque ces deux loups ont été aperçus et identifiés, le ministère de l’environnement m’a tout de suite téléphoné. Ils m’ont dit: «surtout n’en parlez à personne. Il ne faut pas que ça se sache. On va dire qu’on les a réintroduits, etc…». C’était évidemment ridicule puisque les loups étaient là. On les avait vus. Au contraire, le fait de vouloir cacher leur présence, de mentir, a alimenté des soupçons"
Soupçons d’autant plus forts que ce secret n’a pas été gardé durant seulement six mois mais quasiment deux ans. Des indices existaient cependant - avant l’observation de novembre 1992 - montrant la présence de loups dans le Mercantour, tout comme du côté italien à Cuneo. Denis Grandjean qui dirigeait alors le parc national ne s’en cache pas:
"Nous avions des indications: à la fois des observations de canidés ressemblant beaucoup à des loups dont on retrouvait des traces, des poils, des carcasses, des éléments divers mais plus ou moins identifiables. Et puis aussi des correspondances d’universitaires de Cuneo qui nous indiquaient que logiquement l’expansion du loup de ce côté-là de l’Italie laissait supposer son arrivée en France côté Mercantour. On avait donc déjà depuis 1990 des indications sur la dynamique de l’espèce et son impact probable sur la France".
Au début de la décennie 90, on peut tuer les loups et leur tirer dessus sans risquer d’être poursuivi. La France a bien signé une convention européenne dite de Berne qui les protège en Europe. Mais sans arrêté ministériel, cette convention ne vaut rien. S’enclenche alors une course contre la montre pour faire passer l’arrêté, si possible avant que la nouvelle ne devienne publique. Martine Bigan travaillait à l’époque au ministère de l’écologie et s’en souvient très bien:
"On ne voulait pas que le loup soit tiré et effectivement à l’annonce de cette nouvelle on a essayé de mettre en place des dispositifs de protection juridique du loup jusqu’ici non protégé. Ca a pris du temps car le ministère de l’écologie n’était pas le seul concerné, il a fallu aussi convaincre le ministère de l’agriculture. Ca s’est fait relativement vite par rapport aux processus de consultation toujours longs. C’était peut-être une erreur, ou au contraire a-t-on eu raison, je n’en sais rien".
Résultat: l’arrêté tant espéré est enfin signé en juillet 1993. En France, le loup est dorénavant protégé par la Convention de Berne. Satisfaction au ministère de l’écologie, mais les éleveurs, eux, ont le sentiment d’avoir été abusés.
Car deux mondes se font face et ne se comprennent pas. Comme le constate à l’époque Paul Lapeyronie, zootechnicien. Il faisait alors partie du conseil scientifique du parc national du Mercantour. A l’époque, des bergers commencent à s’inquiéter de la présence des loups. Contrarié, le responsable du dossier au ministère de l’écologie, convoque Paul Lapeyronie à Paris:
"Le premier contact ne s’est pas bien passé. Sa première réflexion a été: «Je vous ai fait venir car le loup a des problèmes avec les éleveurs». Sans doute un peu jeune et naïf, je lui ai alors répondu: «Non, ce sont les éleveurs qui ont des problèmes avec les loups». A ce moment-là il s’est brusquement levé, a tapé des mains sur la table, et m’a répété plusieurs fois: «Pour l’instant on ne touche pas au loup. Il faut que le loup puisse s’installer et revenir de façon permanente et durable en France»".
"Les éleveurs on les indemnise pendant quelques années pour les calmer, et après on les laisse se débrouiller".
Au ministère de l’environnement on a donc clairement choisi son camp: le loup avant les moutons. Mais à l’époque, on croit vraiment qu’une meilleure présence des bergers auprès de leurs troupeaux, combinée aux chiens de protection, va suffire à régler le problème. Des postes clés du ministère sont tenus par des naturalistes dont certains, par la suite, prendront des responsabilités dans des associations de protection du loup. Un lobby pro-loup était donc aux commandes, ce qui ne surprend pas le journaliste Frédéric Denhez:
"Jusqu’à récemment, il y avait peu de monde pour défendre la nature ce qu’on appelle aujourd’hui biodiversité. Et ce sont parmi ces rares défenseurs de la nature que tous les organismes de protection de la nature recrutaient forcément. Le sujet embarrassait à la direction des services de l’Etat, ils l’ont donc laissé aux bons connaisseurs de la nature: les gens des Parcs nationaux. Il n’y a donc rien d’illogique à que ces personnels aient voulu absolument protéger - ce qui pour eux était impensable - le retour du loup".
Voici comment on est passé du grand méchant loup du XIXème siècle, à un animal idéal, symbole du retour du sauvage dans un monde urbanisé et pollué. Bref, un loup devenu quasi sacré.
Un autre épisode a aggravé la fracture opposant une partie des bergers aux pouvoirs publics. Nous sommes toujours dans les années 90 et la version officielle est donc d’affirmer que le loup est revenu dans le Mercantour. Mais on ne dit pas tout: car au même moment, il se trouvait aussi dans le Var, au camp militaire de Canjuers, à 150 kilomètres de là. Il faudra sept ans pour que sa présence y soit reconnue. Et dix pour que les éleveurs perçoivent enfin leurs premières indemnisations. Un décalage énorme constaté par Wadji Daili. Il élève des brebis à Trigance, près des Gorges du Verdon, et dès 1991, il a retrouvé ses brebis mortes avec d’étranges morsures:
"La brebis avait des trous à la gorge. C’était un loup. Certains disaient que c’était des chiens mais ça n’avait rien à voir. Les attaques de chiens sont très rares et ne ruinent pas les exploitations. A partir de 1991, les attaques de loups sont régulières, une à deux fois par mois. Au début c’était des chèvres, puis des brebis noires. Nuit et jour. Au moins un cheptel de 1000 brebis y est passé depuis les années 90…"
Le désarroi de ces éleveurs est d’autant plus fort que le responsable des attaques n’est jamais nommé: le loup. On explore d’autres hypothèses de prédateurs: lynx, puma, lion. Les gendarmes et les gardes de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) affirment qu’il ne s’agit pas de loups. Un autre éleveur du secteur, Patrice Garron, se souvient:
"Les deux ou trois premières années, les autorités n’acceptaient pas que l’on dise que c’était des loups, ou qu’on pose des questions sur le sujet. Mes parents qui s’occupaient du troupeau se sentaient totalement incompris. Mais c’était alors quelque chose de totalement inconnu de la part des vétérinaires aussi bien que des bergers".
Parler de loup, n’était pas pris au sérieux. Philippe Fabre, éleveur à la Roque-Esclapon, raconte que son propre vétérinaire préférait ne rien dire de ce qu’il avait vu:
"Un jour, alors qu’il était venu faire la prise de sang sur mon troupeau, il m’a dit qu’il était quasi certain d’avoir vu un loup sur le col du Belhomme à côté de mon troupeau de moutons. Le genre de truc qu’il ne fallait pas répéter car tu passais pour un gaga!"
En 1993, la décision d’attribuer au loup la responsabilité de l’attaque d’un troupeau, se basait sur des observations faites par une chargée de mission envoyée à l’époque dans le Mercantour. Mais, par manque de recul, elle en a tiré des conclusions erronées. Selon elle, le loup ne pouvait pas être le coupable si plus de trois brebis étaient tuées dans un troupeau. On pensait alors que le prédateur était incapable de tuer autant de bêtes à la fois….ce qui était faux. De même: si l’écartement entre deux morsures était inférieur à 38 millimètres, ce n’était pas une morsure de loup. Or on sait aujourd’hui que c’est inexact. Résultat: pendant des années on a répété aux éleveurs qu’il n’y avait aucun loup dans le Var, or ils étaient bien là. Et il faudra attendre 1998 pour qu’une analyse ADN soit enfin réalisée sur une déjection. L’Office de la Chasse et de la Faune Sauvage écrit alors au ministère de l’environnement, un courrier:
"Je vous informe que la preuve de la présence du loup vient d’être faite dans le département du Var à proximité du camp militaire de Canjuers. Sa présence dans cette région crée donc une situation particulièrement délicate d’autant plus que des attaques continuent à être signalées par les éleveurs concernés".
Ce retard de huit ans est-il uniquement dû à des erreurs d’analyse? Les scientifiques chargés de reprendre le dossier après 1993, expliquent qu’il était difficile d’être formel dans le Var. L’animal se cachait dans le camp militaire de Canjuers et était donc peu visible. Ensuite, il ne laissait pas de trace de son passage dans la neige, contrairement au constat fait dans les montagnes du Mercantour.
Mais les éleveurs sont convaincus qu’on leur a menti. Un mensonge d’Etat pour empêcher la révélation d’un secret. Selon eux, le loup n’est pas revenu naturellement par l’Italie, mais aurait été réintroduit artificiellement par l’homme. L’enjeu est énorme. Si démonstration était faite que l’homme a bien réintroduit le loup, sa protection tomberait. Les explications de Denis Grandjean, l’ex-directeur du parc du Mercantour:
"Le statut de protection du loup au terme de la convention de Berne n’est pas le même à partir du moment où il y a eu réintroduction artificielle ou pas. On considère que puisque l’homme est intervenu sur la nature, il peut reprendre à la nature ce qu’il lui a redonné. Cela a une traduction juridique. Derrière cette question de la réintroduction artificielle du loup se profile la question de la protection du loup car alors celui-ci redeviendrait chassable et la réouverture de la chasse serait plus aisée."
Quelques exemples sont troublants. Comme ce cas remontant à 1987: près de 400 brebis sont mystérieusement tuées près de la commune de Fontan dans le Mercantour. Lors d’une battue, un loup est finalement tué. Pierre Pfeffer, qui travaille alors pour le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, fait son autopsie. Il raconte sa découverte:
"C’était un animal manifestement issu de la captivité avec des coussins plantaires tout rapés et usés, et portant les traces d’un collier. Mais d’où venait-il? Je ne sais pas."
Quoiqu’il en soit, il était possible d’acheter des loups. Jean-Pierre Laborde, correspondant en 1995 du journal Le Monde à Nice, découvre l’existence d’un parc à loups de l’autre côté du parc du Mercantour, à Cuneo, en Italie. Et il n’est pas au bout de ses surprises:
"J’ai appelé un l’élevage et me suis fait passer pour un fan de nature sauvage. J’ai demandé à la responsable s’il était possible d’avoir un loup en captivité chez moi pour mieux en étudier les comportements. Elle m’a répondu: «venez me voir et on va en parler» «Vous avez déjà eu des gens venus acheter des loups chez vous?» «Oui ça arrive avec des gens que je connais et dont je suis sûre». Un témoignage qui accréditait la thèse selon laquelle soit il y avait eu une erreur dans l’élevage de loups, - certains avaient pu s’enfuir - ou alors il y a avait des gens qui achetaient des loups pour les réintroduire".
Peut-être était-il possible de se procurer des loups, mais rien ne prouve qu’on en ait relâché volontairement. Pourtant, le zoologiste Pierre Pfeffer raconte avoir fait en 1993 la rencontre d’un passionné de loups, Jacques Delperrié de Bayac, qui a un secret à lui confier. Rendez-vous est pris en plein Paris:
"Nous devions nous retrouver Boulevard Saint Michel, je devais tenir un journal à la main. Cela n’a pas été facile, il fallait qu’il ait confiance en moi. Lorsqu’il a vu que mon projet n’était pas de le trahir, il m’a emmené chez lui où il avait en effet trois grandes cages dans lesquelles il avait eu des loups. Et lorsque le scandale du loup a éclaté, il a décidé de ne pas garder les deux qui lui restaient mais de les lâcher dans la région du Mercantour".
Ce couple correspond-t-il au tout premier couple de loups repéré dans le Mercantour? Impossible car les loups de Delperrié de Bayac venaient d’Europe de l’Est, alors que le premier couple aperçu dans le Mercantour était de lignée italienne.
A la fin des années 80, plusieurs projets de réintroduction ont circulé. Laurent Garde, coordinateur d’une association d’études du pastoralisme, le CERPAM à Manosque, en a répertorié certains, y compris dans des sphères très officielles:
"Le cadre réglementaire de la convention de Berne gérée par le conseil de l’Europe recommandait officiellement aux Etats signataires d’élever des loups en captivité et de procéder à des lâchers. On était donc au cœur de la politique de protection du loup. Les scientifiques italiens publiaient des articles savants décrivant l’élevage de loups italiens en captivité. Ils soulignaient le double objectif de ce type d'élevage: retrouver la pureté de la race; repeupler et accélérer la colonisation du loup."
Il y a eu aussi les projets de Gérard Ménatory, un ami de Brigitte Bardot. A l’époque, il dit alors clairement qu’il travaille à réintroduire des loups.
L’ancienne fonctionnaire du ministère de l’écologie, Martine Bigan, dément toute politique officielle de réintroduction:
"Il y avait légitimement de la part de certains le souhait de réintroduire le loup tout comme il y a eu des projets de renforcement de la population d’ours. C’était des souhaits, des intentions, une volonté mais qui ne se sont jamais traduit dans les faits".
Par ailleurs une étude montrera en 2004 que des loups Italiens pouvaient très facilement venir en France. Marie-Lazarine Poulle, docteur en comportement animal en détaille les conclusions:
"Un jeune loup immature avait été blessé. Ils l’ont récupéré puis équipé d’un collier GPS, l’ont lâché et ont pu suivre ses déplacements durant plusieurs mois. Ce loup allait du nord des Apennins jusqu’aux Alpes du Sud faisant ainsi le trajet qu’on imaginait être celui des premiers individus colonisateurs des Alpes françaises.Durant son trajet il a traversé des autoroutes, des plaines agricoles et pas mal d’endroits où des personnes n'imaginaient pas qu’il puisse passer".
Par conséquent: le loup, à une ou quelques exceptions près, est bien revenu naturellement en France. Depuis, il n’a cessé de coloniser de nouveaux territoires: on trouve aujourd’hui sa trace dans trente-trois départements, dont peut-être la Seine et Marne, aux portes de Paris.
Officiellement, on en connaît le nombre via un organisme appelé le Réseau Loup-Lynx qui publie des statistiques à partir d’observations faites par des gardes ou des bénévoles sur le terrain. Problème: des associations de protection du loup appellent leurs adhérents à boycotter ce réseau. Voici ce qu’on peut lire sur le site officiel de FERUS, l’une d’entre elles:
"Nous demandons dès aujourd’hui à tous les adhérents et sympathisants de «Ferus» et à tous les amis du loup, dont certains sont des correspondants officiels du réseau loup, de ne plus transmettre aucune de leurs données à l’ONCFS et donc au gouvernement. Nous leur demandons également tous les indices de présence du loup: recouvrement de pistes de loups dans la neige, enlèvements des crottes trouvées sur les chemins, etc…"
Martine Bigan, l’ancienne fonctionnaire du ministère de l’environnement, devenue aujourd’hui administratrice de FERUS, assume cette décision:
"On s’est aperçu que la fourniture d’indices par les bénévoles de «Ferus» ou d’autres associations, servait pour tirer des loups. Etant actuellement opposées aux tirs de loups autorisés par le ministère, les associations ont donc décidé de ne plus fournir les indications sur la présence de loups.
- Secrets d'Info: Quelle fiabilité peut-on accorder à des chiffres reposant sur des indices de présence qui sont faussés de fait?
-M.Bigan: Ils ne sont pas faussés car l’ONC, via son réseau, fournit le suivi du loup
-Secrets d'Info: Et dans ce réseau, il y a aussi des gens qui sont sensibles à votre message?
-M. Bigan: Non je ne pense pas qu’on puisse suspecter l’ONC de cacher des infos
-Secrets d'Info: Mais ne minimise-t-on pas la population loup pour éviter qu’il y ait plus de tirs?
-M. Bigan: Non on cherche surtout à ce que les données sur la présence de loups ne servent pas à tirer des loups."
La situation est donc paradoxale: d’un côté, des loups gagnent du terrain en tuant de plus en plus de brebis, et de l’autre, le nombre de loups est officiellement en baisse. En 2014, on en recensait 300, et en 2015, seulement 280. Pour le président du parc du Mercantour, Charles-Ange Ginesy, ces chiffres sont fantaisistes:
"Le nombre de loups n’est pas aujourd’hui stabilisé. Il régresse même dans certains secteurs quand il gagne un département par an. Là où il est, il laisse de l’espace, de nouvelles meutes se créent, de nouvelles naissances ont lieu, et le loup se propage. Ce qui est naturel et normal. Il est faux de dire que le comptage entraîne la stabilisation du nombre de loups. Je n’en crois pas un mot."
Et il n’est pas le seul à être sceptique. Au CERPAM, Laurent Garde s’interroge lui aussi sur la fiabilité de ces chiffres:
"En explorant la littérature scientifique européenne, et en prenant les surfaces occupées de façon permanente par les loups en Espagne, en Italie et en France - trois pays comparables - j’obtiens des densités doubles de loups en Italie et en Espagne par rapport à la France".
"En regardant ce qui conditionne l’augmentation du nombre total d’attaques attribuées au loup en France, on s’aperçoit que c’est davantage la progression géographique de l’espèce que l’augmentation numérique Secrets d'Info: l'association Ferus demande qu’on ne fasse pas remonter les indices de présence voire qu’on les supprime. Il y a forcément dans votre réseau des gens sensibles à ce message-là. N'y at-il pas un risque d’information faussée? -E.Marboutin: Evidemment, toutes les infos ne sont pas détectées mais la force de notre système est d'utiliser des traitements mathématiques pour compenser ces carences."
Pourtant même le ministère de l’environnement doute de ces chiffres. En novembre 2015, dans une réunion du Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité, Ségolène Royal, interrogée sur le nombre de loups en France, affirme qu’il y aurait entre 500 et 600, et non pas 280, le chiffre officiel du Réseau Loup-Lynx. Elle passe du simple au double! Un écart qui fait la différence. En effet, avec 280 loups, on peut considérer que l’animal est menacé et qu’il ne faut donc pas y toucher. Mais avec 600 loups, ce n’est plus forcément le cas. Dans ces conditions, l’Etat, comme il le fait depuis avril 2016, peut justifier l’abattage d’un quota de loups chaque année.
En attendant, la pression sur les éleveurs continue de monter. A tel point que Charles-Ange Ginesy, le président du parc du Mercantour, redoute des dérapages:
"Pour se débarrasser du loup au siècle dernier, les éleveurs ont eu recours à une seule technique: l’empoisonnement du loup et donc de toute la chaîne écologique. Résultat: un dégât dévastateur sur l’ensemble de la faune de nos territoires. Ce jour-là tout le monde aura perdu. Il faut donc absolument trouver la solution."
Et il existe un autre risque que Pierre Bracque, ancien inspecteur général de l’agriculture, soulignait déjà dans un rapport rédigé en 1998. Selon lui, si les loups s’installent aussi dans les plaines, les indemnisations exploseront et les dégâts deviendront ingérables:
"Dans l’arc alpin on est en système extensif - en zone de liberté. Mais lorsqu’on arrive en moyenne montagne, on trouve des élevages bovins, des équidés, parfois de grande valeur marchande. En cas d’attaque, les indemnisations seront alors considérables. La menace sur les troupeaux de bovins est donc réelle car plus le loup descendra, plus il ira dans ces régions de moyenne montagne et plus il y aura de prédation".
Pour Michel Meuret, le spécialiste du loup à l’INRA de Montpellier, la solution idéale serait que chacun reste chez soi:
"De nos jours, il est frappant de constater que dans certains massifs lorsqu’on tire au fusil les loups ne bougent pas! Ils se sentent en totale sécurité même face à des humains armés. Ces derniers sont là pour protéger leur bétail. Les loups doivent donc réapprendre à se nourrir sur la faune sauvage, et ne pas venir dans les cours de ferme pour se servir impunément dans les troupeaux".
Au final, il faudrait aussi sortir de ce clivage passionnel opposant toujours les pros et les antis loups. Denis Grandjean, l’ex directeur du parc du Mercantour, pense qu’il est temps de désacraliser le loup:
"L’espèce n’est absolument pas en voie de disparition ni en Europe ni en Amérique. Par conséquent le prélèvement sur les populations de loup, si on veut maintenir un pastoralisme dans certaines zones – tout en considérant qu’il contribue à l’équilibre des milieux et à la gestion des paysages – est un choix qu’il faut assumer clairement et franchement. Et en finir avec les débats habituels du type: ne pas toucher au loup pour ne pas ébranler l’édifice sacré de la protection de l’environnement en France. On ferait mieux de s’interroger sur la prolifération des lotissements en France en milieu rural. Une question certainement plus propice au maintien de notre environnement que d’éliminer quelques loups là où on considère qu’il pose problème."
Certains membres des Verts se demandent même si les loups ne finiront pas par mettre en danger la biodiversité, au cas où les troupeaux devaient déserter les montagnes. N’est-il pas temps de dépassionner le débat et de prendre des décisions rationnelles si on veut que bergers et loups puissent un jour vivre tranquilles, chacun de leur côté?
NB: La ministre de l’écologie Ségolène Royal n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.
Source: France Inter du 27 mai 2016