Le Monde des Pyrénées

Tout l'Est de la France occupée par les loups - 2012

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Après avoir cru un peu naïvement au début aux bonnes intentions de l’ONCFS et aux mesures de protection qui étaient proposées, voir même imposées pour pouvoir prétendre à une indemnisation, les éleveurs commencent à découvrir la réalité des prédations. Ici c’est la Bresse, Haute Saône et jusqu’au territoire de Belfort qui sont concernés. Et parions que ce n’est qu’un début vu la capacité de prolifération des loups. Il est néanmoins intéressant de suivre cette évolution, les réactions des éleveurs comme des pouvoirs publics et tenter de comprendre pourquoi la cohabitation éleveurs / prédateurs est impossible et qu’une réconciliation est assez peu probable, exactement comme ce fut le cas des siècles avant nous. Mais des bien-pensants y croient toujours autant que des citadins qui ne mettent jamais les pieds dans un élevage.

- «Je suis sûr qu’il va y avoir reproduction»

Jean-Yves Poirot est actuellement le seul éleveur de moutons à pouvoir faire des tirs de défense sur le loup. Mais pour lui, cette initiative n’est pas suffisante. L’éleveur fait aussi le point sur une année compliquée.

- La Bresse

«Il faudrait anticiper davantage… En ce qui me concerne, ces tirs au fusil ne sont pour moi qu’une autorisation à minima.» Jean-Yves Poirot n’est pas du style à tourner autour du pot. Depuis une quinzaine de jours, la Préfecture a autorisé l’éleveur bressaud à effectuer des tirs de défense en direction du loup. Titulaire d’un permis de chasse, il est le seul habilité dans les Vosges à tirer sur le grand canidé. Mais pour l’éleveur, cette décision est insuffisante: «Je ne suis autorisé à tirer que lorsque le loup est présent dans un de mes parcs ou à une trentaine de mètres. De plus loin, c’est impossible de l’avoir. Il faudrait que j’aie une carabine avec une lunette de visée.»

Pour Jean-Yves Poirot «les services de l’Etat ne font pas preuve d’anticipation». En filigrane, l’éleveur craint que 2013 soit synonyme de prolifération du loup dans le massif: «Je suis sûr qu’il va y avoir reproduction. Le loup va pulluler si rien n’est fait d’ici là!»

A l’heure actuelle, l’éleveur n’a pas encore fait le bilan des victimes au sein de ses troupeaux dispatchés aux quatre coins de La Bresse. La mi-novembre et le retour des ovins en bergerie sont attendus avec inquiétude: «J’ai eu 38 victimes l’an dernier. On en est presque au même score cette année. Mais tout n’est pas encore pris en compte. A cause du stress engendré sur les brebis, certaines naissances n’ont pas eu lieu. J’ai également constaté certaines disparitions au sein des troupeaux…»

L’heure des comptes est donc proche… Si le résultat final est négatif, Jean-Yves Poirot affirme qu’il prendra une décision on ne peut plus radicale: «L’hiver, je suis moniteur de ski. Si mon bilan au niveau des ovins est déficitaire, je n’irai pas remettre de l’argent pour éviter la faillite. J’arrêterai carrément l’exploitation des moutons et je me mettrai au RSA l’été!»

- «La cohabitation loup et élevage est impossible»

La décision envisagée peut sembler extrême mais l’éleveur l’explique point par point au regard des adaptations qu’il a dû faire mais aussi et surtout par les solutions proposées qui, pour lui, ne sont pas assez efficaces. «On a mis en place le cerbère: une machine qui émet des lumières et des sons pour effrayer le loup. Sauf qu’en terme de résultats, la différence n’est pas flagrante car l’animal s’est adapté à cette nouvelle configuration.» Concernant les fils de protection électrifiés en bas des clôtures mais aussi à 20  centimètres de hauteur, l’éleveur ne se montre pas convaincu: «Il y a des murets présents dans pas mal de parcs. Le loup n’aurait qu’à sauter par-dessus et franchir ainsi les clôtures pour attaquer les troupeaux. Le fil électrique du bas demanderait un entretien énorme de part les types de végétations qui y pousseraient. Sans parler de la remise en état au printemps après les dégâts occasionnés par l’hiver… Il s’agirait d’un investissement de 40.000 à 50.000 €. Je devrais mettre 8.000 à 10.000 € de ma poche pour des résultats qui ne sont pas garantis.»

Certains procédés sont à l’étude comme le collier qui préviendrait l’éleveur en cas d’attaque. Mais Jean-Yves Poirot, tout comme son père, Gilles, semblent septiques: «Le temps que je monte jusqu’à mes troupeaux, la brebis sera morte depuis longtemps. Ces colliers peuvent également provoquer la prolifération de myiases (des vers déposés par les mouches sur les moutons ce qui peut provoquer leur mort).»

En regardant de plus près le bilan dressé par l’éleveur, il y a tout de même des points positifs comme la mise en place d’un aide berger et la présence d’un chien Patou. Mais il subsiste malgré tout quelques zones d’ombre… «L’Etat m’a aidé à hauteur de 375 € pour l’achat du chien et de 600 € pour la nourriture sur un total de 3 300 € dépensés. La différence, je l’ai déboursée de ma poche. C’est vrai que les attaques ont été plus rares sur l’endroit où se trouve le Patou (une brebis tuée et une autre qui s’est échappée) mais cela reste efficace lorsqu’il n’y a pas trop de loups. Qu’en sera-t-il l’an prochain?» s’interroge Jean-Yves Poirot qui appelle de tous ses vœux une réelle prise en compte des spécificités du massif vosgien dans le cadre du plan loup 2013-2017. «Ce plan doit avoir des déclinaisons régionales si on veut qu’il soit efficace!» clame-t-il tout en affirmant que «la cohabitation loup et élevage est impossible. Financièrement, ce n’est pas viable. Ma position est claire: je suis pour zéro prédation.» On ne peut pas être plus clair…

Auteur: Sergio de Gouveia

Sandrine Gouat, éleveur à Auxelles-Haut, ne dort plus la nuit. Un prédateur (loup ou lynx) s’attaque régulièrement à son troupeau de mouton.

Sandrine Gouat exploite la ferme élevage des Champs Lambert depuis 2003 et elle n’avait jamais été confrontée à une attaque de son troupeau, qui compte aujourd’hui une cinquantaine de têtes. Les agressions ont lieu la nuit et se répètent depuis le mois d’août. Aujourd’hui, huit brebis et six chevreaux ont été attaqués et des agneaux ont également disparu. Il y a environ une quinzaine de jours, le ou les prédateurs ont tué quatre moutons dans la même semaine. Et ceux-ci ne font pas dans le détail. Ils égorgent le mouton pris pour cible, le dépèce, enlevant parfois un gigot que Sandrine Gouat ne retrouvera pas dans la pâture. La dernière agression remonte à il y a deux jours.

Vu la violence de l’attaque, le prédateur n’est pas un renard et la piste d’un ou plusieurs chiens semble être écartée.

Selon l’office national de la chasse et de la faune sauvage, un loup a été repéré entre le plateau des Mille Etangs, en Haute-Saône et le Territoire de Belfort où un chevreuil a été attaqué non loin du péage de Fontaine. Pour l’heure, les autorités restent prudentes. Le loup ne reste qu’une hypothèse: «Tant qu’on ne l’a pas vu, on ne sait pas» déclare Jean-David Daucourt, responsable du service garde nature au centre de gestion du Territoire de Belfort.

Source: Vosges Matin du 24 octobre 2012