La chasse au loup est une question sensible en Suède, comme dans les autres pays d’Europe où le carnivore a été réintroduit ces dernières décennies et bénéficie de la protection de l’Union européenne. Les chasseurs accusent les loups de décimer le gibier et de blesser leurs chiens. En l’absence de politique de réduction du nombre de loups, le braconnage risque d’augmenter, prévient Gunnar Glöersen, qui organise les chasses dans les environs de Karlstad. - Photos Olivier Morin/AFP
Les agriculteurs et les chasseurs de Suède crient au scandale après l'interdiction de la chasse au loup, qui selon eux menace leur mode de vie et risque d'inciter au braconnage.
«Je pense que l'on pourrait vivre à proximité de quelques loups, mais pas s'ils sont aussi nombreux que maintenant. Ils se rapprochent trop des gens», explique Elsa Lund Magnussen, dans sa petite ferme d'élevage de moutons et son abattoir près de Karlstad. «Un loup a tué un petit élan ici il y a une semaine», dit-elle en montrant une zone boisée à un jet de pierre de sa propriété. «Quand on sait qu'un loup peut apparaître sur nos terres n'importe quand, ça bouleverse toute notre qualité de vie. On n'ose plus laisser les chiens dans la cour (...) et des gens disent qu'on doit se munir d'un fusil pour une promenade en forêt!»
La chasse au loup est une question sensible en Suède, comme dans les autres pays d'Europe où le carnivore a été réintroduit ces dernières décennies et bénéficie de la protection de l'Union européenne. La convention de Berne établie en 1979 fait du loup une espèce protégée dans toute l'Europe. La Commission européenne a menacé le pays nordique de sanctions en 2013, quand le gouvernement a autorisé un abattage de loups, interdit finalement par un tribunal suédois. Le débat a repris en janvier lorsque le tribunal administratif de Stockholm a suspendu un arrêté permettant aux chasseurs de tuer 30 loups cet hiver. Les trois organisations de défense de l'environnement qui l'avaient saisi, dont le WWF Suède, ont jugé cette décision conforme à la réglementation européenne sur les espèces menacées.
Désormais, la chasse au loup n'est autorisée que dans des cas spécifiques quand les canidés attaquent les troupeaux ou représentent une menace évidente.
La décision du tribunal est intervenue un mois après que l'exécutif ne fasse connaître son intention de réduire de 400 à 270 le nombre de loups dans le pays. «La Suède n'a jamais eu autant de prédateurs qu'aujourd'hui», a déclaré la ministre de l'Environnement, Lena Ek, lors du lancement d'un rapport affirmant que le pays devait réguler la population des loups afin de «prendre en compte les gens qui vivent et travaillent dans les zones où les prédateurs se concentrent».
Les écologistes ont rejeté l'argument fondé, selon eux, sur des bases scientifiques peu solides. Leur victoire juridique a provoqué la colère des petits agriculteurs comme Lund Magnussen, qui pointe l'augmentation du nombre de moutons attaqués par des loups à travers le pays: 411 en 2012, contre 292 en 2008. «Je ne suis pas une ennemie des loups, mais si mon troupeau est attaqué, je perds beaucoup d'argent et ça pourrait me mettre sur la paille», prévient-elle. Mettre des clôtures partout pour garder les loups à l'écart est très difficile et coûterait trop cher, selon elle.
Les chasseurs, dont 500 vivent dans cette région du Värmland, sont aussi virulents, accusant les loups de décimer le gibier et de blesser leurs chiens. «Bien sûr que les loups doivent manger aussi, la question c'est à quel point?» demande Gunnar Glöersen, qui organise les chasses dans les environs de Karlstad. En l'absence de politique de réduction du nombre de loups, le braconnage risque d'augmenter, prévient-il. «Si les règles démocratiques établies par le Parlement ne sont pas appliquées, je suis convaincu que le braconnage va exploser», affirme-t-il.
Pour Jan Bergstam, militant écologiste, les chasseurs et les agriculteurs exagèrent dans le but d'obtenir des subventions. Il estime le problème facile à résoudre, avec des chasses limitées aux quelques cas où les loups ont attaqué à plusieurs reprises les fermes, ou laissent trop peu d'élans pour les chasseurs. «On a aidé les fermiers à installer des barrières, et aucun de leurs troupeaux n'a été attaqué par les loups, rappelle-t-il. C'est bien que l'on ait arrêté la chasse autorisée. Si on ne veut pas que les loups deviennent une espèce en voie de disparition, il faut qu'ils aient la possibilité de se répandre en Suède.» M. Bergstam souligne que les menaces des opposants au loup ne sont pas nouvelles, mais qu'elles doivent être prises au sérieux. «Elles encouragent les gens à sortir et à tuer autant de loups qu'ils le souhaitent», dénonce-t-il. La résolution du contentieux pourrait prendre des années, avant peut-être un épilogue devant la Cour de justice européenne. Bruxelles a peu de raisons de rouvrir les discussions sur la directive «Habitats» de 1992 durement négociée, qui protège plus de 1 000 animaux et espèces végétales à travers le continent.
À la campagne, on aimerait hâter les choses. «Pendant que le processus judiciaire est en cours, je veux continuer à vivre et à tenir ma ferme ici (...) Je n'irai pas tuer des loups pour en déposer les dépouilles à la porte du Parlement, mais je défendrai mes bêtes», confie Mme Magnussen.
Source: AFP du 26 février 2014