Après avoir interdit la chasse à courre, la Grande Bretagne découvre une invasion de cervidés qu'il faut réguler. Ils ne trouvent rien de mieux que d'y introduire un grand prédateur, le lynx. A quand le loup?
Le lynx va faire son retour dans le nord de l'Angleterre, 1.500 ans après sa disparition. Il aura une mission assez particulière.
Les Britanniques vont bientôt croiser un félin disparu de chez eux depuis la nuit des temps. Les derniers témoins à avoir cohabité avec le lynx, disparu vers 500 après Jésus-Christ, étaient les tribus pictes, celtes et saxonnes. Sur cette terre d'Écosse et du nord de l'Angleterre où, dans maintenant trois mois, l'animal va sans doute refaire son apparition. La consultation en cours avec les habitants, les éleveurs et les autorités se termine. Dix lynx de type eurasien vont donc être lâchés sur cette lande et dans ces forêts profondes. Un paysage sauvage et quasi primitif - les experts sont unanimes - qui n'a pas pas bougé depuis des siècles.
Cette réintroduction ne répond pas seulement à un caprice esthétique ou écologique. C'est ici l'aspect le plus surprenant dans ce programme de réimplantation lancé il y a plus de dix ans. Avec ce constat: l'homme s'est aperçu que dans cette région, il ne pouvait plus se rendre tout seul maître d'un envahisseur plus puissant que prévu: les cervidés. Les cerfs et les chevreuils pullulent et dévastent les bois et les pâturages.
La chasse ne suffit pas, et les prédateurs ont depuis longtemps été exterminés. D'où cette solution. "On se retrouve avec une population très abondante de cervidés qui pose des problèmes à la régénération forestière", explique Pierre Athanase, le meilleur spécialiste de l'animal, auteur de l'ouvrage Qui veut la peau du lynx? "L'idée est bien de réintroduire un grand prédateur. Le lynx, qui a un rôle sanitaire important, va éviter les gros rassemblements de plusieurs centaines de cerfs qui sont là jour après jour", poursuit-il. Le lynx ne tuera pas forcément beaucoup de proies, mais dispersera ces grands troupeaux qui menacent l'écosystème. C'est bien le but de l'opération.
Le lynx comme le meilleur des épouvantails pour les cerfs et les chevreuils. Le gros chat semble plutôt bien accueilli par nos amis anglais et écossais. Mais le pari est loin d'être gagné. Il va falloir composer avec les éleveurs de moutons, nombreux et hostiles à l'animal, mais aussi avec les braconniers qui, comme chez nous, dans les Vosges par exemple, sont menaçants.
Il faudra aussi voir comment ces dix lynx, prélevés notamment sur la population qui existe en Allemagne, retrouveront leurs marques ici, 1.500 ans après la disparition de leurs ancêtres.
Auteur: Jean-Alphonse Richard et Loïc Farge
Source: RTL du 25 janvier 2017