La religion était, et reste toujours, la base de nombreuses fêtes. Les parodies et scénettes sont empruntées à la vie quotidienne. C’est ainsi qu’à l’occasion de la période de carnaval, de nombreuses fêtes voyaient le jour dans les villages et vallées des Pyrénées beaucoup plus peuplées qu’aujourd’hui alors que les moyens de déplacement été très limités. La chasse à l’ours était une activité reprise dans les jeux et déguisement. La chasse à l’ours était donc une occasion de fêtes se terminant toujours par la mort de l’ours. Preuve, s’il en fallait une que la chasse du plantigrade était plus ancrée dans les pratiques que l’attente d’une hypothétique cohabitation inventée à la fin des années 1970 par des penseurs pour des raisons purement idéologiques. La Bigorre et le Pays Toy ont participé à ces festivités qui ressortent encore de temps en temps à l’occasion de fêtes.
A Gèdre, près de Gavarnie, pour le Jeudi gras, treize jeunes gens vêtus de pantalons noirs, de chemises blanches, de ceintures rouges, avec des rubans aux vêtements et aux bérets, portant de petits bâtons et accompagnés de tambourinaires, escortaient un ours. C'était un homme couvert d'une peau de bique, portant un masque poilu et des gants de laine en guise de pattes. Il était enchaîné et mené par une sorte de montreur d'ours. Il faisait des farces, menaçait les gens, se couchait sur le chemin et mimait l'accouplement d'une manière obscène. Un deuxième ours apparaissait. Tous deux se sautaient dessus et se roulaient par terre en grondant.
Toute la journée, le cortège parcourait le village, les chasseurs embrassaient les filles, les ours aussi les lutinaient. Un docteur en noir proposait de guérir toutes les maladies avec des fèves et de la crème Simon.
Le soir, on mangeait l'omelette faite avec les œufs recueillis à la quête. On tirait des coups de fusil, les ours tombaient, les hommes se lamentaient, les appelaient par leur nom, Martin pour un mâle, Fernande pour une femelle, puis ils faisaient semblant de les dépecer, alors les ours se redressaient.
Le lendemain, les villageois faisaient un gros pâté avec de la farine de maïs, du lait et du saindoux, et tous avaient le droit d'y goûter.
A Luz, en Bigorre également, pour Jeudi gras, un cortège circulait dans le village. Il y avait un ours déguisé, mené par un homme portant un masque peint et un collier de laine rouge et verte, et soufflant dans une corne de bœuf; ils étaient suivis par des chasseurs, un docteur et un garçon en jupons qui quêtait avec un panier. A plusieurs reprises, on tuait la bête au fusil, on la ressuscitait en lui soufflant dans l'oreille avec la corne, et on la rasait avec du lait de brebis. Il arrivait que l'ours s'empare d'une fille et l'embrasse. Le lendemain, comme à Gèdre, on faisait un grand pâté pour tous les villageois avec les ingrédients recueillis à la quête.
Source: Extrait de L’ours et les hommes dans les traditions européennes de Michel Praneuf
Philippe Leblanc, correspondant de La Nouvelle République des Pyrénées, nous fait revivre dans son édition du 24 mars 2009, la chasse à l'ours lors du Carnaval à Luz. Il recueille plusieurs témoignage à la maison de retraite. Si c'était la fête pour les conscrits, ce n'était pas celle de l'ours qui finissait par mourir.
Xavier Ravier, Professeur à l’Université de Toulouse, a conduit l’essentiel de ses études sur les traditions et les langues des Pyrénées notamment celles de la «Bat det Barège» appelé aujourd’hui le Pays Toy. Dans son ouvrage Le récit mythologique en Haute-Bigorre il consacre une partie à la chasse à l’ours, parodie carnavalesque qui était le plus souvent réalisée par les conscrits de l’année. Page 218 il décrit ce que certains appellent un rituel, d’autre une fête le jeudi gras, à l’occasion de carnaval. Il indique:
Se lauras plan
que minjaras plan,
se lauras poc
que minjeras poc
Si tu laboures bien
tu mangeras bien,
si tu laboures peu
tu mangeras peu.
4- Enlever les mauvaises herbes. Aux paroles de Amassa las bimagas, la ratsha, la tisbera, tot aquo que s'i minja lo frut de la terra, l'ours se précipite pour se saisir des jambes des femmes de la maison (de préférence la plus jeune).
Il est également précisé:
Le Dimanche Gras, les participants de la chasse à l'ours se reforment auxquelles viennent s'ajouter de nouveaux personnages. Le cortège défile derrière une charrue attelée à un âne et une chèvre et fait mine de labourer le village. Cette tradition avait des variantes dans les Pyrénées. On pouvait assister à la chasse à l'ours à Luz, mais aussi à Gèdre. Ces traditions carnavalesques (travaux agricoles) se retrouvaient en Espagne et même dans d'autres pays (Grèce, Bulgarie, Roumanie, Allemagne). En Angleterre, elle portait le nom de Plough Monday (lundi de la charrue) et avait lieu le Lundi Gras.
A l'occasion de cette étude, Xavier Ravier et sont équipe avaient réalisé un film muet noir et blanc en super 8. Ce film a été mis récemment dur un CD et commenté par un des protagoniste de cette dernière chasse à l'ours, Simon Crampe, de Gèdre-Dessus. Le CD n'est qu'en version privée.
Louis Dollo, le 18 novembre 2013