Suite à la mort de Cannelle, l'ourse béarnaise tuée par un chasseur en vallée d'Ossau, Patrice Sanchez, journaliste à Sud-Ouest a posé trois questions très pertinentes à André
Etchelecou, universitaire et Président du Comité Scientifique du Parc
National des Pyrénées. Les réponses intervenues avant la réunion de
l'IPHB prévue le 8 décembre 2004 ne manquent
pas d'intérêt avant la prise de décision du Ministre de l'écologie prévue pour la mi janvier 2005 sur une réintroduction ou non d'ours, combien d'ours et où les lacher.
Ces réponses suscitent quelques autres questions qui trouveront peut être des réponses dans les semaines ou les mois à venir.
Il faut savoir, d'abord, que le comité scientifique du Parc National n'a pas été saisi de la question. C'est, pour moi, une anomalie institutionnelle.
Pour en revenir au renforcement de la population d'ours, il faut dresser un premier constat: celui de l'échec. L'Institution Patrimonial (IPHB) en charge du dossier n'a pas été
capable de sauver l'ours des Pyrénées. La souche locale est éteinte. Si l'on veut aujourd'hui réintroduire, on passe dans un autre contexte. Quand l'homme dit "je veux des ours",
est-ce réellement au nom de la biodiversité? Si ce renforcement est engagé, il faut se demander comment cela va se passer. Seront-ils sauvages? Ou sous surveillance? On sera vite
confronté à un problème éthique.
Une étude menée il y a une dizaine d'années montrait en tout cas que l'apport de deux ou trois femelles pouvait permettre à la population de reprendre une dynamique intéressante.
Au nom de quoi et de quel droit faudrait-il nourrir des animaux sauvages? Dès l'instant où l'homme essaie d'intervenir, le comportement des espèces peut changer. C'est banal de le
dire.
Dans les Pyrénées, les nourrissages n'ont jamais fonctionné. Il y a eu des tentatives entre 1990 et 1991 en vallée d'Ossau. L'ours ne s'y est jamais intéressé. Mais la question de
l'origine de l'ours à réintroduire, slovène ou espagnole, n'est pas fondamentale.
La lignée pyrénéenne est terminée. C'est ainsi. Il faudra s'y faire. Et, contrairement à ce que l'on entend, l'ours n'est pas en voie de disparition à l'échelle européenne.
La véritable question qui se pose maintenant est celle-ci: pour quelles raisons notre société veut-elle des ours dans les Pyrénées? Pour l'image? Le tourisme? La chasse? Pour moi,
la biodiversité n'est qu'un argument puisque la souche pyrénéenne n'existe plus. Une réintroduction, aujourd'hui, doit demander une profonde réflexion. La montagne n'est pas un
immense zoo!
Propos recueillis par Patrice Sanchez.
Publié dans Sud Ouest du jeudi 4 décembre 2004