Le rapport scientifique 2011 de l’ONCFS est très intéressant. Deux pages concernent l’ours dans les Pyrénées et nous fait découvrir quelques surprises. Il est en effet surprenant d’avoir attendu 2011 pour se préoccuper de la dangerosité de l’ours dans les Pyrénées vis-à-vis de l’homme et de «certains aspects du comportement de l’ours, importants en termes de gestion des conflits avec l’homme». Surtout que les conflits ne sont pas nouveaux. Mais rien concernant les conflits liés aux pratiques pastorales ou à la chasse. Manifestement, ces conflits n’existent pas ou sont accessoires pour cette institution.
Après plus de 30 ans d’explications en tout genre pour nous montrer que l’ours n’est pas dangereux en dehors de certaines conditions que nous ne connaissons pas très bien, voilà que l’ONCFS fait marche arrière et avoue une lacune qu’elle aurait dû régler avant 1996, date de la première introduction dites «expérimentales» d’ours slovène. Mais engluer dans leurs mensonges, administrations et associations environnementalistes responsables de ces introductions à la hussarde ont été incapables de faire une analyse objective de la situation.
Les premières idées de protection de la population d’ours dans les Pyrénées datent de 1934. La chasse est interdite en 1962, le Parc National des Pyrénées a été créé en 1967 et les premières démarches datent de de 1982. En 2012, l’ONCFS fait une découverte: «Les études sur la sélection de l’habitat à l’échelle du paysage conduisent à évaluer la capacité d’accueil des Pyrénées et à mieux connaître les exigences écologiques de l’espèce. Au sein du domaine vital individuel, l’étude sur le choix de certains sites sensibles pour la conservation de l’espèce sera développée (choix des sites de couche diurne et des tanières)». Ouf! Il était temps. Mais il est surement trop tard car la vie des hommes n’est plus la même aujourd’hui qu’il y a 50 ans. Il faut donc étudier et penser pour… 2062 et non pour aujourd’hui. Lorsque nous voyons l’efficacité actuelle de l’ONCFS dans ce domaine et notamment Pierre-Yves Quénette, Chef de projet, assisté de Jean-Jacques Camara, nous pouvons raisonnablement douter de leurs capacités.
Autre aspect du problème: qui a fait les paysages que nous connaissonset qui sont susceptibles de répondre à «la capacité d’accueil des Pyrénées»? La «nature» à l’état sauvage n’existe plus dans les Pyrénées depuis des millénaires. L’homme y a mis la main partout. Les paysages sont le résultat du travail commun de l’homme et de ses bêtes d’élevage. Il serait peut-être aussi intéressant de tenir compte de leur avis au lieu de les exclure.
Durant 30 ans, les associations environnementalistes avec la complicité de l’ONCFS, et plus précisément de l’ETO de Pierre-Yves Quénette, ont idéologiquement estimé que l’homme était un intrus sur les territoires dédiés artificiellement et autoritairement à l’ours. Alors que la non acceptation sociale des introductions d’ours est enfin reconnue après l’avoir niée durant 30 années et que l’inversion de la situation apparait comme étant irrémédiablement impossible, voici que les mêmes individus écrivent: «… certains aspects du comportement de l’ours, importants en termes de gestion des conflits avec l’homme, sont étudiés. Dans ce cadre, nous analysons les situations de rencontres homme ours. Il s’agit à la fois d’apporter des éléments de connaissance sur les conditions de ces rencontres, sur la réaction de l’ours face à l’homme, et d’identifier les situations à risque».
Surprenant! Aujourd’hui, l’homme existe sur les territoires, il rencontre l’ours et cette situation peut présenter des risques. Et faits extraordinaires, apparemment conservés secrets, il existe un «bilan des rencontres homme-ours dans les Pyrénées de 1996 à 2010». Heureux de l’apprendre.
Certes, il nous a toujours été dit qu’il existait des risques potentiels comme avec tous animaux sauvages. Mais il est pratiquement impossible de connaître à quel instant le risque potentiel devient certain afin de prévoir la réaction, voir la parade, à avoir pour éliminer ou réduire ce risque.
L’ours brun est un animal potentiellement dangereux qui peut, dans de rares cas, blesser ou tuer l’homme. Ainsi, la dangerosité de l’ours est souvent un sujet de débat social et doit être pris en compte dans la mise en place d’un plan de conservation de cette espèce. Il est donc important de documenter dans quel contexte se situent les rencontres homme-ours, quel est le comportement de l’animal, et identifier au mieux les situations à risques. Mais l’ours est comme l’humain. Ses réactions sont inattendues et elles dépendent des individus. Nous n’avons pas affaire à des machines. Il n’existe pas d’uniformité des réactions autant du côté de l’ours que du côté de l’humain. Tout est subjectif. Ce qui ajoute au risque sans jamais l’éliminer.
Nous apprenons dans ce rapport qu’il a été relevé «495 cas de rencontres homme-ours» relevés dans les Pyrénées françaises. Et il est fait une analyse de ces «rencontres» notamment «la réaction de l’ours et du type d’habitat». Ce qui permet de «détailler les conditions d’observation de l’animal, son comportement et sa réaction lorsqu’il détecte la présence de l’homme». Le problème est que l’ONCFS et notamment l’équipe de Pierre-Yves Quénette nous ont habitué à 30 ans de mensonges et de manipulations. En effet, on nous rabâche à longueur d’année qu’il est difficile, voire même impossible de voir un ours et peu probable de le rencontrer. Et là, comme par enchantement, nous découvrons au hasard d’un rapport qu’il y a eu 495 cas de rencontre en 15 ans de 1996 à 2010 soit une moyenne de 33 cas par an sur environ 4 mois de l’année soit une moyenne de 8 contacts par mois. Et le plus souvent «entre 4h et 8h, et entre 16h et 20h». Très fort! Et très nouveau. Au moins pour le grand public. Mais qui fait ce type de rencontre?
Les statistiques sont très précises et assez surprenantes. Selon le rapport 28.7% des observations sont faites par des randonneurs alors que ce sont ceux-là qui sont censé avoir peu ou pas d’opportunité de faire une telle rencontre selon les associations environnementalistes qui ne veulent affoler personne pour ne pas «plomber» leur projet d’ensauvagement des vallées. Puis vient l’équipe Ours pour 25.4% des cas alors que ce sont eux qui sont en principe chargé du suivi et devraient même informer les éleveurs pour qu’ils redoublent de précaution. Doit-on en conclure qu’ils sont rarement sur le terrain? Puis viennent les bergers/éleveurs pour 17 %. Et là, il y a matière à discussion.
Pour la première fois est employé le terme «bergers/éleveurs». Serait-ce un début de reconnaissance des idées avancées par l’ADDIP et les syndicats agricoles en se désolidarisant des invectives des associations environnementalistes? Mais nous pouvions nous étonner que les éleveurs/bergers perdent leur temps à informer l’équipe de suivi de l’ours de leurs observations alors que beaucoup hésite même à déclarer une simple prédation. Mais bon… admettons… avec beaucoup de réserves.
Selon les statistiques présentées, 50.6% des observations se font en zone de pelouse. Voilà donc une nouveauté. L»ours n’est plus un animal des bois. Quoique nous sachions déjà que
pour les «spécialistes» pyrénéens il était herbivore. Seulement 42.8% des observations se font en forêt… L’ours ne doit donc pas beaucoup se cacher. Mais tout ceci ne fait que
93.4% des observations. Où se font les 6.6% autres observations? Dans les granges? Les villages?
Pour l’ONCFS: «Ces résultats montrent que l’ours est un animal qui évite la présence de l’homme et s’enfuit dès qu’il le détecte». Difficile de croire cette affirmation. En fait,
nous en voyons peu car il y en a peu. Seulement une vingtaine entre le Couserans et le Val d’Aran. Soyons réaliste avant de tirer des conclusions aussi affirmatives. Mais nous
savons, si l’information est exacte que: «En été, les principaux observateurs sont les randonneurs et les bergers, à l’automne ce sont les chasseurs».
Selon l’ONCFS: «Ces éléments de connaissance sur le contexte des observations visuelles et des rencontres homme-ours s’avèrent indispensables dans le débat sur la dangerosité de l’ours». Le problème est qu’il n’existe pas de débat. Du moins public. Et s’il existe, où est-il? Il y a seulement des faits: des attaques sur troupeaux domestiques, des personnes accidentées ou tuées dans d’autres pays, et une histoire pyrénéenne qui en fait également état. Mais cette histoire est exclue de toutes études. Il n’existe aucune recherche dans les archives. Ou si elles existent, nous n’en avons pas connaissance pour alimenter un éventuel débat. Néanmoins, il existe des livres qui en font état. Difficile des ignorer. Et dans tous les cas la dangerosité de l’ours est connue et reconnue.
L’équipe ours reste obstinément dans ses incohérences: «Ils permettent également de fournir des règles élémentaires de conduites pour les personnes qui se déplacent en zone à ours afin d’éviter les situations à risque». Voilà donc la preuve qu’il existe bien un risque de danger et que les recommandations prodiguées seulement depuis quelques années ne sont pas forcément les meilleures. Il aura fallu attendre 30 ans pour que l’ONCFS s’intéresse au sujet. En attendant, bergers, randonneurs et chasseurs sont confrontés à des risques dont on a nié l’existence durant des années occasionnant des conflits parfois dramatique comme lorsque des chasseurs ont malencontreusement tués Melba et Cannelle.
Comment, aujourd’hui, faire confiance à l’équipe de Pierre-Yves Quenette? Ne sommes-nous pas en présence d’une nouvelle forme de manipulation?
La seule chose certaine: L'ours est dangereux, l'ONCFS avoue!
Louis Dollo, le 15 juillet 2012
ONCFS: Rapport 2011 sur les rencontres homme-ours
Les travaux scientifiques réalisés sur l’ours brun s’intègrent depuis 2010 dans une stratégie pyrénéenne de valorisation de la biodiversité mise en place par le ministère de
l’Écologie, en partenariat avec l’Espagne et l’Andorre.
Un des axes majeurs des études sur cette espèce consiste à évaluer l’état de conservation de la population pyrénéenne. Son suivi, avec sa dimension transfrontalière, a pour double
objectif d’estimer l’évolution numérique et la distribution spatiale de l’espèce. D’un point de vue méthodologique, plusieurs protocoles de suivis (systématique et opportuniste)
sont évalués. Ils sont fondés sur des méthodes non-invasives (analyse génétique d’échantillons de poils ou crottes, relevé d’indice de présence, appareil photo automatique). La
connaissance de la dynamique de la population permet de réaliser des analyses de viabilité.
Les études sur la sélection de l’habitat à l’échelle du paysage conduisent à évaluer la capacité d’accueil des Pyrénées et à mieux connaître les exigences écologiques de l’espèce.
Au sein du domaine vital individuel, l’étude sur le choix de certains sites sensibles pour la conservation de l’espèce sera développée (choix des sites de couche diurne et des
tanières).
Enfin, certains aspects du comportement de l’ours, importants en termes de gestion des conflits avec l’homme, sont étudiés. Dans ce cadre, nous analysons les situations de rencontres
homme ours. Il s’agit à la fois d’apporter des éléments de connaissance sur les conditions de ces rencontres, sur la réaction de l’ours face à l’homme, et d’identifier les
situations à risque.
L’ours brun est un animal potentiellement dangereux qui peut, dans de rares cas, blesser ou tuer l’homme. Ainsi, la dangerosité de l’ours est souvent un sujet de débat social et
doit être pris en compte dans la mise en place d’un plan de conservation de cette espèce. Il est donc important de documenter dans quel contexte se situent les rencontres
homme-ours, quel est le comportement de l’animal, et identifier au mieux les situations à risques.
Dans le cadre du suivi opportuniste ou systématique de la population d’ours, 495 cas de rencontres homme-ours ont été relevés entre 1996 et 2010 dans les Pyrénées françaises.
Chaque rencontre est analysée en fonction de la date, de l’heure, du type et du nombre d’observateurs, de la distance à l’ours, du type d’ours, de la durée, de la réaction de
l’ours et du type d’habitat. Ces informations permettent de détailler les conditions d’observation de l’animal, son comportement et sa réaction lorsqu’il détecte la présence de
l’homme.
Au cours de la période d’étude, le nombre annuel d’observations d’ours a fortement varié et 2 pics apparaissent en 2000 et 2004 en raison d’individus facilement observables. Comme
on pouvait s’y attendre, près de 45 % des observations visuelles ont lieu entre juin et août, période au cours de laquelle la fréquentation humaine en montagne est la plus
importante. Enfin, au cours d’un nycthémère, les observations sont les plus fréquentes entre 4h et 8h, et entre 16h et 20h.
Les randonneurs sont les personnes qui rencontrent l’ours le plus souvent (28,7 %). Viennent ensuite les membres de l’équipe Ours (25,4 %), et les bergers/éleveurs (17 %). Dans la
majorité des cas les observateurs sont seuls (61,5 %) ou à deux (22,1 %). Quel que soit le type d’observateur, les observations se font le plus souvent, soit à courte
distance (moins de 40 m) et sont brèves (moins de 30 s), soit à grande distance (plus de 400 m) et sont de longues durées (plus de 30 min) (figure 1; tableau 1). Enfin, les
observations ont lieu, soit en zone de pelouse (50,6 %) soit en forêt (42,8 %).
F Figure 1. Répartition des distances homme-ours en fonction du type d’observateur, dans les Pyrénées (période 1996-2010).
Tableau 1. Durée moyenne (min) des observations d’ours en fonction de la distance (m) homme-ours.
Sur les 495 observations visuelles, l’identité de l’ours est déterminée 191 fois grâce au marquage de certains individus (marques auriculaires, collier émetteur…). Une forte
hétérogénéité de l’observabilité de 10 individus munis de marques apparaît pendant toute leur période de présence. Ainsi, 3 individus sont peu observés, en moyenne moins d’une
fois par an, 5 individus sont observés en moyenne entre 2 à 4 fois par an, et 2 individus sont plus fréquemment observés, en moyenne 6 à 7 observations par an.
Lors des observations visuelles, soit l’animal marche, soit il s’alimente. Dans la grande majorité des cas (79 %), lorsque l’ours détecte la présence de l’homme, il s’enfuit en
courant ou s’éloigne en marchant (tableau 2). Les 4 cas d’agressivité relevés concernent une femelle accompagnée de ses oursons de l’année. Ce comportement agressif se traduit par
une ou des charges d’intimidation. À chaque fois l’animal a été surpris à courte distance par une ou 2 personnes.
Tableau 2. Bilan des réactions de l’ours après détection de l’homme.
Ces résultats montrent que l’ours est un animal qui évite la présence de l’homme et s’enfuit dès qu’il le détecte. Ce sont surtout les femelles accompagnées d’oursons de l’année
qui peuvent se montrer agressives, même si dans la majorité des cas elles s’enfuient dès qu’elles décèlent la présence de l’homme. Les probabilités de rencontre ou d’observation
sont les plus fortes quand on est seul ou à deux, et à l’aube lorsque l’animal est actif. En été, les principaux observateurs sont les randonneurs et les bergers, à l’automne ce
sont les chasseurs.
Ces éléments de connaissance sur le contexte des observations visuelles et des rencontres homme-ours s’avèrent indispensables dans le débat sur la dangerosité de l’ours. Ils
permettent également de fournir des règles élémentaires de conduites pour les personnes qui se déplacent en zone à ours afin d’éviter les situations à risque.
Pierre-Yves Quenette
Jean-Jacques Camarra, Frédéric Decaluwe, Etienne Dubarry, Jérôme Sentilles, Sébastien Pauly.
Université Lyon 1, CNRS, Norwegian University of Life Sciences (Norvège), Station biologique de Doñana (Espagne), Université de Grenoble, LECA. Research Institute of Wildlife Ecology – University of Veterinary Medicine Vienna (Autriche), Provincia Autonoma di Trento – Servizio Foreste e Fauna – PAT (Italie).
DDT, DDPP, DREAL, MEDDTL, Office national des forêts, Fédérations départementales des chasseurs de Haute-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques.