Le Monde des Pyrénées

Des ornithologues contestent le fait que des vautours fauves s'attaquent à des bêtes vivantes?

Il est bien connu que les ornithologues finissent par ne plus croire même ce qu'ils voient. Ils en arrivent à contester des faits reconnus par les pouvoirs publics et, dans tous les cas, préfèrent se retrancher derrière la littèrature qui est leur seul credo.
C'est ainsi qu'ils contestent, comme la LPO dans plusieurs des communiqués, le fait que les vautours fauves s'attaquent à des bêtes vivantes alors que ces mêmes faits sont reconnus et indemnisès en Espagne.
Idéologie, quand tu nous tiens!
Il semblerait que l'esprit scientifique qui est fait de curiosité et d'ouverture d'esprit se transforme parfois en esprit idéologique! Retour au Moyen Age et à la Terre plate?

- Les "attaques" de vautours: fantasmes et rèalités

Cela fait quelques années que circule une rumeur selon laquelle des Vautours fauves (Gyps fulvus) attaqueraient le bétail.

Depuis 2007, l'on entend et l'on lit même dans des journaux que ce vautour serait devenu un prédateur, s'attaquant aux animaux à la suite de la pénurie alimentaire causée par la fermeture de charniers en Espagne (lire Vautours affamés en Belgique: décret royal et mouvements).
Certains observateurs ont estimé que ce nouveau comportement constituait une évolution de la biologie de l'espéce.

Une explication et une analyse étaient devenues d'autant plus nécessaires qu'en 2007 un battage "politico-médiatique" avait été orchestré dans l'ouest des Pyrénées autour de ces supposées attaques, qui eurent un écho considérable à l'échelle nationale.
De ce fait, ce théme a occupé en mars 2008 une grande place au cours des travaux du séminaire annuel du Groupe Vautours France qui s'est tenu à Dié, dans le Parc Naturel Régional du Vercors.

A la fois naturaliste de terrain et biologiste de formation, Jean-Pierre Choisy, qui assure le suivi des vautours dans le Diois, le Vercors et aux alentours et de leurs mouvements, nous propose un compte-rendu de ce séminaire.

- Abstract

Since a few years, we hear that Griffon Vultures (Gyps fulvus) have attacked wounded or young cows or sheeps.
Since 2007, in France, in journals but also in a school book, some authors have explained that the Griffon Vulture has become a predator, due to the lack of food following the closing of feeding stations in Spain.
Informations and analysis are thus necessary to explain this phenomenon, which has been diffused by national newspapers from supposed facts in Western Pyrénées.
This theme was the central subject of the annual symposium of the Group Vautours France which held in March 2008 in Dié, Regional Natural Park of the Vercors, Southern France. Jean-Pierre Choisy proposes us a report of this symposium.

- Les vautours: quelques faits

- Une adaptation à la détection des charognes

Vivre de charognes détectées en prospectant de vastes espaces en vol plané constitue une extrême spécialisation, propre à deux lignées actuelles d'oiseaux:

Le charognage occasionnel se rencontre chez des espéces apparentées aux précédentes:

- Les vautours ne sont pas armés pour la prédation

Le grand public sans compétence particuliére pense que le bec crochu des rapaces constitue une arme de capture et de mise à mort de leurs proies. Or, il n'en est rien. Les armes avec lesquels les rapaces prédateurs, diurnes comme nocturnes, tuent leur proies, sont leurs serres, qui sont des pieds préhensiles armés de griffes acérées, la fermeture des premiers enfonçant les secondes dans la proie grâce à des muscles puissants, situés plus haut sur le membre.
Le bec crochu de ces espéces sont plutôt des outils de dépeçage des proies déjà mortes: l'oiseau, posé dessus ou à côté, les utilise en tirant de bas en haut en général pour arracher des lambeaux alimentaires plus ou moins gros. Ce bec peut-être être utilisé pour achever une proie agonisante, liée par les serres, notamment en lui brisant les vertébres cervicales.
Les becs qui constituent vraiment des armes pour capturer des proie ont une toute autre forme, généralement celle d'un poignard (cas des Corvidés, des mouettes des Laridés, ...) ou de fer de lance (cigognes, hérons...). Parfois ils portent un petit crochet terminal, comme chez les cormorans ou les harles.

Les vautours n'ont pas de serres mais de simples pattes dont les ongles sont beaucoup moins acérés que ceux des rapaces prédateurs.
Les pattes des vautours ont perdu non seulement la puissance avec lesquelles se referment les serres de rapaces prédateurs, mais en outre elles ne sont même plus préhensiles, sauf chez le Gypaéte barbu (Gypaetus barbatus). C'est pour cela que contrairement aux autres Rapaces, c'est avec le bec qu'ils transportent les matériaux de construction de leurs nids.

- Les vautours ne sont pas effrayants pour les animaux sauvages

Sur une même charogne se côtoient de nombreuses espéces: Renard roux (Vulpes vulpes), milans (Milvus sp.), Corvidés, petits Passereaux comme la Bergeronnette grise (Motacilla alba) qui chasse les mouches ou les mésanges qui se nourrissent de graisse en hiver, et plusieurs espéces de vautours: Vautour fauve (Gyps fulvus), Vautour moine (Aegypius monachus) et Vautour percnoptére (Neophron percnopterus): ces derniers n'effraient pas des animaux pourtant bien plus petits.

Les chamois sont souvent indifférents aux vautours, sauf peut-être dans ces cas précis de femelles suitées. Les jeunes sont même souvent curieux envers ces grands oiseaux.
Les vautours nichent dans les hautes falaises du Vercors dominant le Diois, dans l'une des principales zones de mise base du Bouquetin dans le massif.
On a noté que les Grands Corbeaux (Corvus corax) ont d'abord réagit trés vivement à la présence des Vautours fauves peu aprés qu'ils aient été réintroduits dans les Baronnies (Drôme), mais un mois plus tard, hormis quelques querelles de voisinage, les Grands Corbeaux avaient compris qu'ils étaient inoffensifs.
Dans le Diois, les Grands Corbeaux pénétraient quotidiennement dans les voliéres de réintroduction des vautours, partageant avec leurs perchoirs et les charognes.

- Et pour les animaux domestiques?

A Chamaloc, la commune de réintroduction du Vautour fauve dans le Diois, les brebis, chévres, ânes, chevaux, chiens, canards, pintades, poules et coqs côtoient quotidiennement les vautours sans qu'aucun incident n'ait jamais été déploré. Les effectifs de Vautours fauves y sont en moyenne autour d'une cinquantaine, avec parfois des maxima trés supérieurs (jusqu'à 126 ensemble).
Jean-Pierre Choisy a même vu fin 2007 21 Vautours fauves jouant avec du foin étalé dans un enclos, parfois à proximité d'ânes nullement effrayés.

Source: Ornithomédia du 9 juin 2008

- Observation

Les vautours ne sont pas à la base des prédateurs. Mais il semble bien, aprés observation et avoir recueilli de nombreux témoignages, qu'ils aient une technique de chasse qui consiste soit à effaroucher le bétail pour le précipiter dans une pente, soit à attaquer, notamment els bovins depuis la tête en crevant les yeux.

Il serait tellement plus simple que des chercheurs, et non des amateurs associatifs, s'intéressent au sujet en recoupant les nombreux témoignages et en observant les comportements plutôt que de critiquer et nier le phénoméne qui peut ne pas exister sur toute la France même si des cas similaires aux Pyrénées ont été relevés en Suisse.

Louis Dollo, le 10 juillet 2008

- Des dommages fictifs

Comment des charognards peuvent-ils blesser du bétail?
Même exceptionnels, des dommages au bétail du fait de vautours sembleraient a priori totalement impossibles de la part de charognards non armés pour la prédation.
Cela n'est possible que dans des situations trés particuliéres.

On a ainsi observé des cas exceptionnels d'ongulés domestiques qui, non habitués à la présence de Vautours fauves, ont été effrayés lors de leur passage à basse altitude, de leur atterrissage ou de leur envol. Dans un terrain escarpé, certains mammiféres pourraient alors faire une chute, se blessant, voire se tuant.

Parmi les ovins, seul les brebis de la race écossaise Black Face savent cacher leur premier petit pour le protéger des prédateurs avant de faire le second (G. Joncour). Si certaines vaches ne défendent pas un veau gisant inerte, épuisé aprés une mise bas difficile, cela démontrerait une certaine déficience comportementale.
Les mises bas à probléme atteignent des fréquences relatives considérables chez les races bovines les plus intensivement sélectionnées pour la viande, comme chez la Blonde d'Aquitaine (11 % de mises bas difficiles), la Charolaise (17 %) et la Blanc Bleu Belge (100 %!). Cela serait notamment lié à la sélection du caractére "culard", une hypertrophie musculaire de l'arriére-train que l'on rencontre chez plusieurs races bovines à viande qui entraîne des difficultés de mise bas.
Toutes les vaches destinées à la production de viande ont des difficultés à vêler (à expulser le veau), et certaines font même un prolapsus utérin (elles expulsent d'autres organes que le veau seul). Il arrive aussi parfois que le veau, mort, ne soit que partiellement expulsé, et a alors déjà vu des chiens, parfois ceux de l'éleveur, consommer la partie du veau qui dépasse, puis une partie de la mére, insensibilisée par des dégâts à leur systéme nerveux. Le Vautour fauve peut parfois en faire de même.
En résumé, toutes les vaches appartenant à des races connues pour leurs difficultés à vêler doivent être surveillées.

- Des cas de fraudes

La plupart des tentatives de fraude visant à faire accuser un animal sauvage sont liées à l'espoir de se faire rembourser le bétail perdu.
On a ainsi noté dans le Limousin des agneaux et des brebis mortes d'entérotoxémie: les trous avaient été faits "post-mortem" au tournevis pour faire croire à des attaques par des rapaces (source: S. Joncour, vétérinaire rural).
Dans le Diois en 2005, un éleveur de Valdrôme a alerté les services administratifs et la gendarmerie pour des corbeaux qui auraient tué ses brebis en leur crevant les yeux. Une visite sur place a permis de constater que ces brebis étaient mortes aprés avoir mangé de l'engrais (ammononitrate) que l'agriculteur avait donné afin de remplacer le sel pendant la gestation ...
Bien entendu, les cas de fraudes sont trés minoritaires, mais ils doivent être démasqués.

- Des erreurs de jugement

L'observation factuelle avec prise de notes circonstanciée n'est pas innée, elle doit s'acquérir, que ce soit de la part du technicien, du scientifique, du naturaliste, du garde, du militaire, du policier ou du médecin.
Il n'est pas exceptionnel que des personnes psychologiquement fragiles ou fragilisés par une situation économique difficile, cherchent un bouc émissaire à tous leurs problémes.
Des éleveurs peuvent aussi être influencés par les médias ou la rumeur publique, accusant des vautours sans se poser de questions.
Par exemple, en 2007, dans les Pyrénées, sur seize cas concernant des bovins adultes expertisés par des vétérinaires, quatre avaient été déclarés en bonne santé par l'éleveur alors que l'autopsie avait révélé que les vautours n'étaient par responsable de la mort (source: V. Zénoni, vétérinaire).
En 2007 dans les Baronnies (Préalpes), un éleveur non hostile aux vautours a changé de point de vue: alors qu'il estimait que les vautours étaient utiles en le débarrassant des animaux morts, il s'est mis à affirmer qu'ils les tuaient, et ceci aprés qu'une chaîne de télévision ait prétendu que les vautours étaient devenus prédateurs (source: C. Tessier, association Vautours-en-Baronnies).
Et les exemples de ce type sont nombreux.

- L'instrumentalisation

Le 22 novembre 2007, F. Benhammou, géographe, doctorant en sciences de l'Environnement a décrit l'instrumentalisation politico-financiére de la grande faune: "les dossiers de l'ours et du loup en France sont des cas d'école pour les stratégies d'opposition ou de promotion de conservation de la nature [...] le conflit autour de ces animaux permet à des entités ou à des personnalités politiques de capter des fonds, d'accroître leur rayonnement territorial et/ou de renforcer un pouvoir. L'ours et le loup sont des boucs émissaires et des révélateurs d'une crise-mutation du monde agricole qui arrive à la fin d'un cycle de bouleversements mal vécus [...]".
Dans le cas des attaques supposées de bétail de la part du Vautour fauve, on constate une concentration géographique des plaintes dans les communes des personnalités politiques évoquées par F. Benhammou...
On a aussi noté une explosion du nombre de plaintes contre les vautours aprés que celles abusives concernant les grands carnivores aient fortement diminué.
Ces corrélations ne peuvent guére passer pour des coïncidences. Le battage médiatique autour des attaques supposées des charognards semble ainsi constituer une tentative pour substituer le Vautour fauve à l'Ours.

- La rumeur

Les premiers Vautours fauves ont été relâchés à la fin de l'année 1996 dans les Baronnies; dans la même vallée et presque en même temps, un suicide a été constaté. On a alors accusé les vautours d'avoir précipité le promeneur dans le vide, alors que la mort avait eut lieu quelques jours avant l'ouverture de la voliére (source: C. Tessier, association Vautours-en-Baronnies).

- Le rôle des médias

Il aura suffit, en 2007, d'un ou deux reportage incompétents ou tendancieux dans le cas cadre de l'instrumentalisation évoquée plus haut, pour créer une vague d'inquiétude se propageant jusque dans les Alpes.
Certains journalistes, peut-être au service de certains intérêts politiques, n'ont pas hésité à mentir. D'autres, de bonne foi, ont été manipulés par des affirmations péremptoires appuyées de photos "sanglantes". D'autres enfin on voulu exploiter le créneau de la presse à sensations.
Ces journalistes n'ont pas accompli le fondement de leur métier, à savoir vérifier et recouper les faits. D'autre part, ils n'ont pas été conscients des conséquences catastrophiques de leurs reportages dans l'opinion publique sur l'image de la politique de restauration de la biodiversité, notamment quand ces informations erronées ont été diffusées à la télévision.

Source: Ornithomédia du 9 juin 2008

- Commentaire

Un tel texte est de la pure provocation pour les éleveurs des Pyrénées. Nier la réalité et citer Farid Benhammou manque pour le moins de sérieux et de rigueur scientifique.

Nous savons ce que pensent des chercheurs du CNRS de Farid Benhammou. Partant de là il n'est pas utile de lire sa thése de plus de 600 pages d'autant qu'il n'est pratiquement jamais venu sur le terrain sauf, dans quelques cas, pour interpréter à l'opposé les propos qui lui ont été tenus.

Parler de fraude pour tenter de se faire rembourser un animal reléve de la diffamation à l'égard des éleveurs. En effet, tout le monde du pastoralisme sait que de tels sinistres ne sont pas remboursés. Il ne peut donc pas être question de fraude.

Il s'agit, une fois de plus, de tenter de discréditer le milieu pastoral.

Louis Dollo, le 10 juillet 2008

- Des dommages réels

- Des constats sérieux

Suite à une lettre de mission adressée par la Direction de la Nature et du Paysage en 2002 à la Préfecture des Pyrénées-Atlantique, des constats officiels sont désormais effectués dans les Pyrénées par des agents de l'état, doublés depuis 2007 d'expertises de la part de vétérinaires indépendants financées par la DIREN Aquitaine.
Leur qualité s'est considérablement améliorée, de même que la rapidité d'intervention. Mais cette amélioration se heurte à des limites: prés de la moitié des cadavres sont consommés par les vautours avant que l'autopsie ne puisse avoir lieu...

- Les dégâts chez les bovins

L'analyse a montré que dans la quasi-totalité des cas, les bêtes tuées en dehors du moment du vêlage étaient fortement handicapées, voire condamnées et que les vautours fauves n'ont fait qu'anticiper la mort de l'animal.
Lorsque la mort a eu lieu pendant le vêlage, cela signifie que celui-ci s'est mal passé (avortement, retournement de matrice, veau mort et bloqué...) dans la majorité des cas. Les vautours ont alors diminué les chances de survie du veau, qui aurait pu peut-être s'en sortir.

- Les dégâts chez les ovins

Ils ont été constatés sur des adultes immobilisés pris dans des ronces, des barbelés, à l'agnelage, ou dans le cas de pathologies lourdes.

- Nombre de cas concernés

Les 322 plaintes ont concerné prés de 500 animaux: une grande majorité de morts, une minorité de blessés, une trés petite minorité de "sauvés". Dans plus de 70% des cas, le Vautour fauve a été innocenté.
Pour 47% des cadavres, on ne peut exclure totalement que le Vautour fauve n'ait pas joué un rôle. Ainsi, dans les Pyrénées françaises, entre 1993 et 2005, 11 plaintes ont concerné un maximum de 5 victimes dont la mort ait pu être provoquée directement ou indirectement par des vautours, tandis qu'en 2007, 133 plaintes ont concerné un maximum de 62 victimes.

- Une forte augmentation aprés 2005

La pénurie alimentaire subit depuis 2005 par les vautours d'Espagne (lire Vautours affamés en Belgique: décret royal et mouvements) est la seule variable susceptible d'expliquer la forte augmentation du nombre de plaintes et de victimes. En effet, les populations françaises et espagnoles de vautours nichant dans la chaîne des Pyrénées ne peuvent être séparées.

- Prés de huit fois plus de plaintes concernant des bovins que des ovins

Dans la zone de référence étudiée dans les Pyrénées, les plaintes pour des dommages subits par des bovins sont de 38% supérieures à celles concernant les ovins: la fraction des cheptels concernées est 7,79 fois supérieure.

- Des impacts insignifiants

Il y a environ 1.100.000 têtes de bétail (400.000 bovins, 700.000 ovins, M. Razin, com. pers.) dans les Pyrénées françaises: entre 1993 et 2005, la fraction maximale des cheptels perdus par an du fait du Vautour fauve était de 0,005‰, contre 0,018‰ en 2006 et 0,056‰ en 2007.
Ces fréquences relatives montrent que les risques annuel de perdre une tête de bétail du fait du Vautour fauve et l'impact économique relatif de ces pertes sont globalement insignifiants. Il faut rappeler que la mortalité courante, incompressible du bétail n'est jamais inférieure à 1% par an, atteignant souvent 3%, voire plus.

- La situation en Espagne

Lire Vautours affamés en Belgique: décret royal et mouvements et Les mouvements de vautours dans le nord de l'Europe sont naturels.
L'augmentation récente sur le versant français des Pyrénées des plaintes et aussi des dommages réels commis sur le bétail du fait du Vautour fauve est certainement liée aux récentes fermetures de charniers dans certaines provinces d'Espagne, dont certains étaient à moins d'une heure de vol.
Mais il parait probable que ce ne soit qu'un pic transitoire, du fait de la fin possible de la décision de fermer les charniers ou de la chute des populations de vautours dans les provinces d'Espagne concernées (C. Tessier,Vautours-en-Baronnies, comm. pers.).
On entend et l'on lit parfois que les disettes dans certaines provinces d'Espagne seraient la raison de la hausse des plaintes contre les vautours en France. Or, c'est chronologiquement impossible, la fermeture des charniers espagnols ayant été décidée en 2005, tandis que les premiéres plaintes ont été enregistrées dans les Pyrénées françaises douze ans plus tôt.
Les 20.000 couples ibériques de Vautours fauves sont souvent présentés comme constituant une aberration démographique artificielle. C'est probablement vrai localement, mais c'est globalement faux. Les effectifs ibériques sont en effet d'un ordre de grandeur tout à fait naturel, les effectifs dans le reste de l'Europe, y compris en France, étant encore sous-développés.

Source: Ornithomédia du 9 juin 2008

- Commentaire

Une fois encore, ces propos consistent à discréditer les éleveurs pyrénéens en utilisant sans aucune pudeur des mensonges et approximations.

Le nombre de têtes de bétail est fantaisiste. Il faut distinguer l'été de l'hiver avec le bétail sédentaire et le bétail transhumant. L'été il y a environ 600 à 650.000 ovins dans les estives et prairies de vallées ou piémont. Mais les attaques ont lieu à toutes périodes de l'année.

Le nombre de bêtes concernées tout comme le nombre de dossier sont totalement fantaisiste et n'ont strictement rien à voir avec les statistiques tenues par la seule IPHB jusqu'en 2007 et partiellement repris par les services de l'Etat depuis cette date. En effet, c'est l'IPHB qui avait entrepris dés 2002 de créer un observatoire des dommages pour les Pyrénées-Atlantiques uniquement. Les services de l'Etat n'ont fait que suivre à partir de 2007 aprés que le Ministére de l'Ecologie ait retiré toutes ses aides à cette collectivité territoriale.

Nous voyons ici le peu de sérieux et de rigueur de l'étude faite.

Louis Dollo, le 10 juillet

- Interprétation

- Des erreurs communes

Même si les vautours sont des charognards, il faut savoir qu'ils ne consomment pas que des animaux morts.
Il peut arriver d'autre part que du bétail non accoutumé à la présence de vautours s'effarouche de leur présence.
Pour des raisons diverses, les vautours peuvent multiplier leurs passages à proximité des troupeaux, ce qui ne signifie pas qu'ils tentent de provoquer des chutes mortelles.

- Des réactions évolutives

Des charognards qui ont faim commencent à consommer un ongulé si celui-ci présente des caractéristiques constituant pour eux des stimuli éthologiques. Ces stimuli sont olfactifs chez des mammiféres opportunistes (Sanglier, nombreux carnivores, certains rongeurs) de même que chez diverses espéces d'Insectes nécrophages.
Mais chez les vautours d'Europe, d'Asie et d'Afrique, ces stimuli sont purement visuels: ils arrivent à détecter des postures de cadavres ou d'animaux agonisants.
Parfois ces stimuli ne déclenchent pas de réactions (cas de proies trop petites pour couvrir les besoins en énergie de plusieurs vautours se la disputant).
Ce comportement n'est pas le résultat d'un raisonnement, mais il est génétique, résultat de l'évolution et de la sélection naturelle.
Mais bien entendu, ce comportement n'est pas rigidement stéréotypé, le programme génétique incluant une certaine souplesse d'interprétation en fonction des circonstances.
Les vautours attendent généralement patiemment la fin des mouvements des animaux agonisants, parfois pendant de trés nombreuses heures. C'est une réalité statistique mais pas absolue. Il arrive donc, parfois, que des vautours commencent la curée avant l'achévement de l'agonie. Ce n'est pas un acte de prédation, dont ils sont incapable, faute d'armes. En commençant le dépeçage avec leur bec, dont la forme est adaptée à cette fonction, ils accélérent une mort inéluctable qu'ils seraient incapables de provoquer chez un ongulé en bonne condition physique.
Le choix d'attendre ou non la fin de l'agonie dépend de divers facteurs, qui ne sont probablement pas encore tous identifiés, parmi lesquels on peut citer l'intensité de la faim, le degré d'affaiblissement de l'animal ou sa taille.

- Les stimulis

Les oiseaux, les mammiféres et d'autres sont capables d'une certaine souplesse comportementale, parfois réellement surprenante. Mais il ne faut quand même pas en attendre une analyse telle que peuvent le faire un éleveur, un technicien ou un vétérinaire!
Pour un vautour, les stimuli issus d'un mouton ou d'une chévre en bonne santé mais immobilisés (par des liens ou un obstacle) ne sont guére discernables de ceux qu'il reçoit des quelques mouvements d'une bête à l'agonie.
En outre, les stimuli issus de veaux ou d'agneaux nouveaux-nés épuisés par une mise bas difficile ne différent guére de ceux de morts-nés. Une fois la curée commencée, ce ne sont pas quelques soubresauts de la victime qui changeront quelque chose.
Les insectes nécrophages ne sont pas sujets à de telles confusions car ils réagissent à des stimuli olfactifs.

- Les vautours ne sont pas des prédateurs

Chez les ongulés sauvages, les complications lors de la mise bas sont rarissimes. C'est aussi le cas chez les races domestiques rustiques.
Par contre, chez les races sélectionnées, notamment pour la viande de boucherie, l'augmentation du rendement se traduit par un effondrement de leur rusticité, tout particuliérement au niveau de leur facilité à mettre bas.
Hors mise bas, les ongulés sauvages sont indifférents à la présence des vautours, et ils ne craignent rien des aigles ou du Grand Corbeau sauf s'ils sont trés jeunes et éloignés leur mére, ou bien s'ils sont gravement blessés. Les ongulés domestiques sont aussi indifférents à la présence des vautours, et dans maintes régions d'Afrique, d'Asie et d'Europe, depuis des milliers d'années, les vautours vivent en quasi-commensaux de l'élevage.

- Des prédateur, abus de langage?

Dans le cas d'un animal totalement immobilisé (par des liens ou un obstacle) attaqué par des vautours, peut-on vraiment parler à proprement parlé d'une prédation?

- Plus de bovins que d'ovins concernés: une incompatibilité avec la prédation

Toutes choses étant égales par ailleurs, plus un ongulé est grand, moins il est vulnérables face aux prédateurs. Or, dans l'ouest des Pyrénées, les plaintes contre les vautours sont huit fois plus fréquentes chez les bovins que chez les ovins. C'est lié au fait que la zone concernée est celle de la présence maximum de la race bovine Blonde d'Aquitaine, particuliérement sujette aux mises bas difficiles et nécessitant une présence humaine. Ceci démontre que la perte de rusticité jouent un rôle majeur dans la fréquence des dommages associés au Vautour fauve.

- Une erreur sur la notion d'évolution

En biologie, le mot d'évolution a un sens précis, impliquant une modification de la génétique des populations concernées. Mais il ne saurait désigner tout sorte de changement de comportement chez des animaux ou des végétaux.
Et pourtant, certains ont prétendu "interpréter" les rares dommages commis par les vautours comme étant le résultat d'une "évolution" en réponse à des changements des conditions trophiques. Et de telles approximations peuvent avoir de graves conséquences sur la conservation des populations de vautours.

- En conclusion

Dans les Pyrénées, l'expertise des plaintes adressées contre les vautours a permis d'écarter l'espéce dans 70% des cas.
Les dommages au bétail commis par des Vautours fauves ne traduisent nullement évolution de l'espéce du charognage vers la prédation, mais une artificialisation croissante de l'élevage dans certaines régions, et avant tout la faiblesse rusticité des races les plus intensivement sélectionnées, notamment lors de la mise bas. De ce fait des animaux domestiques peuvent se trouver dans des situations telles que les stimuli qu'ils émettent ne différent pas significativement pour les vautours de ceux reçus d'ongulés morts ou agonisants.
La brutale quasi-suppression des ressources alimentaires en Espagne est une composante de cette artificialisation
La fréquence relative des attaques attribuées aux vautours en 2007 concerne moins d'un animal sur dix-sept mille dans la zone de fréquence maximale des plaintes, ce qui est insignifiant. Mais l'impact psychologique de ces attaques auprés des éleveurs concernés est plus important que leur impact réel. Il doit donc être pris en compte.

- Contact

Jean-Pierre Choisy:
N'hésitez-pas à le contacter si vous avez pu voir des bagues sur des vautours observés loin de leurs sites de présence habituels (massifs montagneux du sud de la France), et si oui, leur couleur et les caractéres qu'elles portent.

Source: Ornithomédia du 9 juin 2008

- Observations

Dire en conclusion que "dans les Pyrénées, l'expertise des plaintes adressées contre les vautours a permis d'écarter l'espéce dans 70% des cas" constitue la preuve d'une totale mauvaise foi ou d'un manque manifeste d'informations. A juin 2008, il n'existait que des résultats partiels non probants à deux titres:

En tirer des conséquences pour une étude de cet ordre reléve de la méthode de l'amalgame peu scientifique. Même chose lorsqu'il est dit que "la fréquence relative des attaques attribuées aux vautours en 2007 concerne moins d'un animal sur dix-sept mille..."

Dire que "la brutale quasi-suppression des ressources alimentaires en Espagne est une composante de cette artificialisation" est un peu court lorsque l'on sait que la problématique se pose sur toute l'Espagne et que le principe de l'attaque sur animaux vivants et l'indemnisation sont acquis depuis un certain temps.

Parler aujourd'hui de la "faiblesse rusticité des races les plus intensivement sélectionnées, notamment lors de la mise bas" est un peu court. Ces mêmes races existaient avant 2007 sans que l'accroissement des dommages ait été à ce point constaté. Mais le clou de la démonstration est de dire que la situation "est lié au fait que la zone concernée est celle de la présence maximum de la race bovine Blonde" comme si cette race n'existait que depuis récemment.

Bref, toute la démonstration étant du même jus, il est difficile de la prendre au sérieux quoique...

Depuis prés de deux ans les composantes de l'écologie militante ne cesse d'intervenir par amalgame pour critiquer les observations et interventions des éleveurs au motif, comme il est dit ci-dessus, que de "telles approximations peuvent avoir de graves conséquences sur la conservation des populations de vautours." En quelque sorte il faut rendre le sujet tabou afin de ne pas porter préjudice à l'espéce par des mesures diverses. Au diable la réalité, la vérité et l'honnêteté. La fin justifie les moyens. Et quels moyens.

Comme pour l'ours à partir des années 1982, on cherche à culpabiliser les éleveurs, les habitants de la région. On leur fait porter la responsabilité et on les fait passer pour des demeurés incompétents. Aprés le militantisme, on fait intervenir des pseudos scientifiques ou spécialistes qui, comme ici Jean-Pierre Choisy du Parc Naturel Régional du Vercors (il fallait aller le chercher, il n'y avait probablement personne sur les Pyrénées pour l'exécution de basses œuvres) utilise des chiffres dont on ne sait d'où ils sortent (aucune référence n'est fournie) pour établir une thése reprise quelque temps plus tard par des communiqués de presse militants trés affirmatif reprenant l'étude approximative.

C'est ce que vient de faire la LPO avec son communiqué du 21 juillet qui, en partant d'une étude trés approximative et d'apparence neutre reprend de maniére certaine des approximation pour en faire une théorie pleine de certitudes qui constituera une base définitive pour les pouvoirs publics.

C'est ainsi que le mensonge et la manipulation deviennent une institution dans le milieu environnementaliste en pensant que ces simples paysans, qui, par définition, ne sont pas crédibles et ne détienne pas le savoir. Mais la grande différence avec l'ours et les années 80 et 90 est qu'aujourd'hui l'information et la connaissance circulent et qu'il faudra à la LPO et à Jean-Pierre Choisy d'autres arguments pour convaincre.

Louis Dollo, le 10 juillet 2008 - Mis à jour le 22 juillet 2008