"L'alpinisme est un des plus beaux sports qui puissent exister, mais le pratiquer sans technique est une forme plus ou moins consciente de suicide." (Gaston Rébuffat)
L'alpinisme est "un sport consistant à faire des ascensions dans les Alpes et par extension en montagne. "De cette définition, nous pourrions en conclure que quelque soit la
méthode, l'ascension d'une montagne est de l'alpinisme.
André Gide disait "... Je n'aime point l'alpinisme, mais, explique ça comme tu peux, tout sentier qui grimpe m'aspire, et je monte comme l'eau descend. " (Cf. Journal, 1923, p. 758.)
Confirmerait-il que lorsque l'ascension est faite à pied, ce qui inclurait la randonnée en montagne, il s'agit d'alpinisme? L'annuaire du Club Alpin de 1877 ne disait pas mieux:
"Sport des ascensions en montagne." (Cf. Annuaire du Club alpin, 4e année 1877, p. 587) Pas d'hésitation, à cette époque où 4x4, Quad, VTT et autres moyens de locomotion
n'existaient pas, la randonnée en montagne pourrait bien relever de l'alpinisme.
La randonnée en montagne n'a pas beaucoup évolué depuis le XIXème siècle. Il s'agit de marcher sur des sentiers, des pentes, gravir des montagnes... faire des ascensions plus ou moins difficiles selon la nature du terrain, la distance, le pratiquant, la notion de difficulté restant toujours très subjective.
Ce qui est nouveau depuis la loi sur le sport de 1984 c'est la nature institutionnelle de la randonnée: il existe trois fédérations sportives majeures:
Contrairement à d'autres pays comme l'Espagne, la France a fait le choix institutionnel de banaliser le milieu montagnard quant à la pratique de la randonnée en montagne. De même, la randonnée en général est souvent considérée comme un produit touristique (Cf. les nombreux dépliants des offices de tourisme) en faisant abstraction du milieu dans lequel cette activité est exercée.
La définition du milieu est bien une des difficultés rencontrées. En dehors de la randonnée en milieu urbain, que ce soit en Sologne ou dans les Pyrénées, la randonnée se pratique dans un milieu naturel au travers de prairies, lacs et forêts, sur des sentiers balisés ou non le plus souvent parcourus par des agriculteurs, des troupeaux de vaches et de moutons. Pourtant, il existe bien quelques différences non négligeables entre la plaine et la montagne tel que: l'altitude, la difficulté des moyens d'accès, l'isolement, les dangers objectifs (chutes de pierre, neige...), les conditions météorologiques... Ce sont ces différences qui font le milieu montagnard commun à l'alpinisme. Mais pratiquer la montagne dans un tel milieu est-ce vraiment de l'alpinisme?
Si nous devions considérer le seul milieu pour dire que la randonnée en montagne est de l'alpinisme, nous en arriverions à cette aberration que gravir le Tourmalet à pied par la route ou par un des chemins pour relier Barèges à La Mongie est de l'alpinisme. Difficile de l'imaginer. Et par le Pas de la Crabe? La question reste posée.
Faire la traversée entre Barèges et Saint-Lary par le col de Barèges et le col de Pourtet, est-ce de l'alpinisme ou de la randonnée? L'itinéraire est faisable avec des ânes chargés, il est régulièrement fait par des bergers... Là encore, difficile de dire qu'il s'agisse d'alpinisme et pourtant nous sommes pleinement dans le cadre des diverses définitions ci-dessus quant aux ascension et au milieu.
La notion complémentaire est la notion de difficulté. Mais elle reste, elle aussi, très subjective d'autant qu'elle a évolué avec le temps. Les définitions conventionnelles
et les références ont également évoluées et des auteurs, notamment dans les Pyrénées, se sont plus, manifestement pour des raisons commerciales, à bousculer règles et conventions
au mépris des la sécurité des pratiquants.
L'Union Internationale des Associations d'Alpinisme (UIAA) a créé, il y a déjà très longtemps, une échelle de difficulté générale à partir de lettres (F, PD, AD, ...) avec des
chiffres romains pour la graduation des passages (1er degré, 2ème, 3ème, ...). Cette échelle est établie à partir de courses de référence connues. Le problème est que le débutant
ne peut pas connaître les référents. Il peut tout simplement dire que F, c'est "facile" et PD est "Peu Difficile" (ne pas traduire par "pas difficile")
A partir de ces cotations, nous pourrions imaginer que l'alpinisme débute là où nous devons mettre les mains. Mais qui met les mains? Et où? Encore une difficulté subjective insoluble. Mettons-nous les mains sur l'arrête des Bosses au Mont-Blanc? A cette réponse négative, doit-on en conclure que nous sommes en randonnée pédestre.... ou en alpinisme? Doit-on inclure la notion de "randonnée glaciaire"? Là, vient s'ajouter la notion d'usage de "matériel spécifique de sécurité". Mais ce matériel de sécurité ne doit-il pas aussi exister pour faire le Néouvielle alors qu'aujourd'hui il n'existe plus de glacier et à l'Echelle des Sarradets? Et pour gravir le col de la Munia pourtant dans des topos de randonnée alors qu'une bonne longueur de corde est aujourd'hui nécessaire après avoir, éventuellement, gravit un névé (reste glaciaire) assez redressé?
Nous voyons que la frontière entre randonnée en montagne et alpinisme est difficile à établir. Néanmoins, dans les Pyrénées, mentionner les voies normales de l'Ossau, du Palas, de la Pique Longue du Vignemale et même le Balaïtous apparaît pour le moins osé pour ne pas dire, dans certains cas, condamnable. Les auteurs de topos devraient y faire attention. Par ailleurs, le randonneur en montagne et l'alpiniste débutant devrait se reporter à la phrase de Gaston Rébuffat en introduction.
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Cette page est un début de réflexion et non une fin en soi ou un jugement définitif. La discussion entre la fin de la randonnée et le début de l'alpinisme n'est pas d'aujourd'hui et parions qu'elle a encore de beaux jours devant elle.