Le Monde des Pyrénées

La presse et la traversée des Pyrénées

Le film avec La Nouvelle République des Pyrénées

Tous les articles parus dans la NR des Pyrénées sont de Arnaud Paul

- Ne rien laisser au hasard

8 février 2000

- Louis Dollo va, dès aujourd'hui, s'attaquer à la traversée d'Est en Ouest des Pyrénées.

Il a peaufiné sa préparation, rien n'a été laissé au hasard et surtout pas les questions de sécurité.

Louis Dollo, qui s'apprête à suivre les traces de Philippe Galarza dans la traversée en solitaire des Pyrénées d'Est en Ouest, a peaufiné sa préparation. Le périple, qui va s'étaler sur un mois et sur 372 kilomètres, devrait mettre l'homme et le matériel à rude épreuve. Mais pas question de laisser la place à l'improvisation. Petite revue de détails.

- Préparation physique.

La préparation physique passe plus par un entretien régulier que des épreuves spéciales.
Louis Dollo s'est concentré en effectuant deux petites sorties par semaine qui peuvent être du footing et 1 "grosse" sortie par semaine en raquettes de 5 à 6 heures.
"L'essentiel est de travailler l'endurance et la souplesse. Tous les soirs à l'étape, je ferais des étirements pour mieux récupérer" explique Louis Dollo.

- Alimentation.

Sucre lent pourrait être le maître-mot. Avant de partir, le randonneur charge au maximum en sucre lent fourni par les pâtes, le riz, les pommes de terre, les lentilles... en fait tous les féculents et le pain. La dose, c'est environ 150 gr de sucres lents par repas. En course, "on fait presque un repas sur deux. En journée, je vais manger plutôt des sucres rapides. Le soir au refuge, je ferais provision de sucres lents mais aussi de vitamines et de protéines" commente-t-il. L'autre clé, c'est l'eau. Il faut au moins boire 3 litres d'eau par jour. "L'EPO du randonneur, c'est l'altitude" confie le randonneur.

- Fond de sac.

Pas de révolution à attendre de ce côté, mais le moins possible. Louis Dollo estime à 10 kg le poids de son sac. Outre le fond de sac habituel en hiver qui comprend notamment une trousse de secours, Louis Dollo insiste sur des équipements comme les gants. Il en prend 4 paires. Rien de pire en montagne en hiver que d'attraper une onglée. Les vêtements chauds doivent permettre d'affronter des conditions hivernales mais doivent aussi permettre de respirer. Louis Dollo privilégie les vêtements micro-poreux. Mais en cas de pépin, il est capable de bivouaquer.

- Sécurité.

Louis Dollo part avec la panoplie du randonneur hivernal à savoir une sonde, une pelle à neige et un ARVA, appareil de recherche de victimes en avalanche. Par ailleurs, Louis Dollo emporte un téléphone portable.
Au cas où.

- Equipement.

Louis Dollo s'embarque avec des chaussures de randonnée coque plastique, des raquettes de compétition munies de picots, des bâtons de ski. Il emporte aussi des crampons et un piolet pour d'éventuels passages en glace.
Cette longue randonnée va lui permettre de tester les raquettes.

- Orientation. Pas de GPS.

"Sur certains versants nord, on a du mal à établir une liaison avec les satellites. J'emporte une bonne vieille boussole à bain d'huile, un altimètre et les cartes au 1/25.000 e. Je connais près de 75 % du parcours. Pour le reste, je m'adapterais au terrain" explique Louis Dollo.
"Cette préparation n'a rien d'exceptionnel. C'est ce que devrait faire tout randonneur hivernal avant de partir" indique encore Louis Dollo qui ajoute: "il doit rester dans cette traversée une dimension de plaisir. C'est de la raquette de loisir que je pratique... je ne cherche pas l'exploit sportif".

Arnaud Paul
Source: La Nouvelle République des Pyrénées

- Premières étapes / Premières impressions - Les Pyrénées de long en large

9 février 2000

Ca y est, c'est parti! Louis Dollo a pris le départ, mardi matin depuis Nohèdes dans les Pyrénées-Orientales, d'une transpyrénéenne en raquettes à neige.
Un périple qui devrait durer un mois et l'emmener jusqu'à la Pierre Saint-Martin dans les Pyrénées-Atlantiques. Vous pourrez retrouver tous les jours dans La Nouvelle République des Pyrénées le témoignage du pyrénéiste. Des impressions prises sur le vif en attendant des photographies qu'il ne manquera pas de nous faire parvenir.
Mardi 8 février.Le temps est plutôt beau. Par contre, la neige n'est pas vraiment au rendezvous. La première étape de 13,5 kilomètres et de 600 mètres de dénivelé, doit permettre à Louis Dollo de se mettre en jambes et d'achever sa concentration pour un périple qui doit durer près d'un mois. "J'ai modifié mon parcours pour me balader en forêt et sur certaines crêtes. En forêt, j'ai cassé l'un de mes bâtons de ski entre deux souches. Ce n'est pas très grave mais gênant. Mais ça va, j'ai le moral" explique Louis Dollo. Au bout de 4 heures et d'un parcours dans un décor somptueux, Louis est arrivé en vue du refuge Callau, situé au col de Jau. Un refuge un peu particulier puisqu'il a été aménagé dans la gare désaffectée d'une ancienne mine de talc.
"Le talc était envoyé en petit train jusqu'à un téléphérique qui le descendait vers Mosset.
Mosset est un village très particulier avec une vie culturelle intense. Il existe sur place un centre culturel très original: le centre Klüger fondé en 1934 par des Allemands qui avaient fui le nazisme. Aujourd'hui, il fonctionne comme un centre d'accueil".
Mercredi 9 février.Le temps a commencé à se gâter mardi soir. Mercredi matin, météorologie désastreuse. Brouillard épais, visibilité nulle, pluie, neige abondante. Louis décide de jouer la sécurité. Plutôt que d'attendre une éventuelle amélioration, il décide de redescendre et de rallier le refuge de la Matemale par le bas. "Je suis descendu assez bas puisque je suis arrivé à une dizaine de kilomètres d'Axat. J'ai marché au moins 25 kms sur des routes.
Après il a fallu tout remonter vers Formiguières." Finalement, Louis a fait de l'agri-stop.
Il a été pris en stop par un tracteur et a effectué une vingtaine de kilomètre sur une remorque.
Il est arrivé en milieu d'aprèsmidi sur le refuge de Matemale au pied du barrage. L'occasion de retrouver Vivianne Grimm, l'ancienne hôtesse du refuge Callau. A noter que le temps s'est dégagé mercredi midi.
Dommage. Mais Louis a pu recharger ses batteries au chaud soleil oriental. Il en aura besoin car la journée de jeudi promet d'être longue jusqu'au refuge de La Bouillouse.

Source: La Nouvelle République des Pyrénées

- Enfin la neige...

11 février 2000

Le carnet de route de Louis Dollo engagé dans la Transpyrénéenne en raquettes commence à prendre forme.
Vous pouvez le suivre en parallèle sur le site de La Nouvelle République des Pyrénées et sur le site Web.
Jeudi 10 février.Mercredi soir, l'accueil au refuge de la Matemale a été chaleureux.
Louis a été notamment convié à une course de ski de fond nocturne.
Quelques centilitres de vin chaud ont fini d'effacer la fatigue de la journée. D'autant que les trop nombreux kilomètres effectués sur route ont réservé une bien mauvaise surprise à Louis.
Pour la première fois de sa vie, le montagnard souffre d'ampoules aux pieds! Pas marrant...
Cette petite mésaventure n'a pas empêché le randonneur en raquettes de prendre le départ de ce qui constitue la première véritable étape de sa longue marche.
"Les paysages sont absolument splendides" raconte Louis Dollo qui a emprunté une partie du GR du tour du Capcir, direction la station des Angles.
C'est d'ailleurs sur le haut de la station que Louis a véritablement trouvé la neige.
"C'est à partir de 2.000m d'altitude que j'ai trouvé la neige... une neige croûtée mais le temps est vraiment beau alors..." indique Louis.
Au cours de la journée d'hier, il a ainsi progressé pendant 6 heures.
Le temps de pester contre de nombreuses clôtures, et un balisage rendu très aléatoire par la multitude de traces d'engins lourds et de pistes qui s'ouvrent au petit bonheur la chance.
En fait, "je suis vraiment dans mon, élément quand il n'y a plus ni balisage. On prend carte, altimètre et boussole et en avant" lâche Louis Dollo.
Mais la récompense est à la hauteur des efforts consentis: paysages somptueux de forêt vallonnée, lac et sources de l'Aude.
C'est en milieu d'après-midi que Louis est arrivé en vue du refuge de Bouillouses à 2005 mètres d'altitude.
"L'arrivée est extraordinaire sur le lac gelé... la couche de glace est tellement épaisse que l'on peut marcher dessus" s'enthousiasme Louis Dollo. Le refuge, enfin... il a pu prendre un repos bien mérité avant de repartir ce matin vers Porta.
Une marche d'une dizaine d'heures avec 416 mètres de dénivelée positive.

- J'irai tremper mes pieds à Craste

14 février 2000

Nous avions laissé Louis Dollo au refuge des Bouillouses dans les Pyrénées-Orientales.
Au quatrième jour de son périple qui, rappelons-le, doit l'emmener à la Pierre-Saint Martin, Louis Dollo a décidé de suspendre sa course.
La douleur engendrée par les ampoules a été la plus forte.
Rappelons que Louis Dollo a été contraint de marcher pendant une vingtaine de kilomètres sur le bitume à cause du mauvais temps.
C'est fatigué mais surtout dépité que Louis a dû jeter le gant ou plutôt les raquettes et rentrer sur Tarbes. Provisoirement.
"Je me soigne à base de bains de pied à l'eau de Craste. Et ça marche... mes pieds ont déjà cicatrisé" assure Louis Dollo.
Depuis le refuge de la Bouillouse, Louis avait pourtant pris la direction de Porta. "Le temps s'est dégradé et on ne voyait plus rien. Je suis même passé sur un lac sans m'en rendre compte" note encore le pyrénéiste. Un mauvais temps qui l'a gêné dans sa progression vers le col de Lanoux. C'est à l'occasion d'éclaircies qu'il a pu se repérer. Louis s'est notamment égaré dans les barres rocheuses.
A la fin, après retrouvé la cabane de Lanoux, il a pu progresser sur le sentier balisé du tour du Carlit. Mais là encore, le manque de neige l'a gêné considérablement. "Il a fallu que je chausse et je déchausse au rythme des plaques de neige" ajoute Louis Dollo.
Au chaud chez lui, Louis Dollo prépare un nouveau départ à partir de Porta pour dans deux ou trois jours. Le temps que ses pieds cicatrisent. On dit que l'eau de Craste fait des miracles. Alors, on attend.

Source: La Nouvelle République des Pyrénées

- Montagne / Décès d'un jeune randonneur et Louis Dollo emporté par une avalanche

28 février 2000

Sale temps pour les raquettes

Il ne fait pas bon faire de la randonnée en raquettes en ce moment dans les Pyrénées. Hier, un jeune randonneur a trouvé la mort sur le sentier de la cascade d'Ilheou au dessus de Cauterets. Dans le même temps, Louis Dollo qui a repris depuis Superbagnères, sa traversée des Pyrénées en raquettes a été emporté par une avalanche sur le domaine des Agudes. Il a pu être secouru par les pisteurs de Peyragudes. Plus de peur que de mal mais la pratique des raquettes pose de nombreuses questions.
"Il ne me restait que 5 m à franchir avant de passer la crête et de basculer de l'autre côté.
Tout d'un coup, j'ai senti mes raquettes partir. J'ai d'abord cru qu'elles glissaient. Et puis j'ai compris. C'est sur 15 m que la plaque est partie et m'a emporté" . Un brin cassé, Louis Dollo après son aventure survenue, hier vers 15 heures, sur le domaine skiable des Agudes.
Tout avait pourtant bien commencé le matin depuis Superbagnères. Et Louis de raconter: "J'ai progressé très normalement jusqu'aux Agudes. Je ne pensais vraiment pas que ça partirait là..." Là c'est sur le domaine skiable des Agudes, non loin de la piste noire. Mais hors piste puisqu'un arrêté municipal interdit les pistes de ski aux raquettes.
"Il y avait des traces fraîches de ski et de raquettes. J'ai hésité et puis finalement j'ai décidé de prendre cette direction" indique Louis Dollo.
Mal lui en a pris. La plaque à vent s'est décrochée sur une largeur de 15 mètres. Emporté, Louis a été rapidement enseveli. Il n'a dû son salut qu'à un réflexe. "J'ai compris ce qui se passait. Je n'ai pas paniqué. Par contre, j'avais gardé mes mains dans les dragonnes de mes bâtons. J'ai pu donner une poussée sur mes bâtons. Ce qui m'a permis de garder ma tête en surface" ajoute Louis Dollo. Un réflexe salvateur mais quelque peu en contradiction avec les conseils usuellement donnés. Aux skieurs et randonneurs pris dans les avalanches, on conseille de lâcher les bâtons pour pouvoir brasser la neige avec ses bras.
On étouffe vite dans la neige...
"On étouffe vite... la neige s'insinue vite dans la bouche et dans le nez" note encore Louis Dollo.
La coulée s'est arrêtée quelques dizaines de mètres en contrebas dans un goulet après être tout de même passée au dessus d'une petite barre rocheuse. Louis pense avoir fait un saut de 4 à 5 m de haut.
La tête dépassant de la neige, Louis Dollo avait les bras et les membres inférieurs coincés dans le manteau neigeux.
Il a fallu plusieurs minutes avant de pouvoir enfin dégager son bras droit puis son bras gauche.
"J'ai pu me libérer des sangles de mon sac. Je me suis dégagé. Quand j'ai voulu appeler au secours avec mon téléphone, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de service. Au niveau de la piste noire, le téléphone passait" raconte avec un peu d'émotion Louis Dollo. Mais il a bien fallu se rendre à l'évidence. Une très vive douleur au niveau du fémur lui enlève tout espoir de pouvoir repartir. Un temps il pense ramper puis se ravise. Il se protège en attendant le passage de skieurs. Finalement, les skieurs vont déclencher l'alerte. Les pisteurs de la station de Peyragudes vont l'évacuer en barquette.
Rapatrié sur Tarbes par ambulance, Louis Dollo a passé des radios hier soir. Résultat pas de fracture mais les béquilles obligatoires pour marcher.
Il ressort que l'accident est survenu non loin de l'endroit où les pisteurs de la station effectuent les battages de test avalanche.
Secoué, Louis Dollo est contraint de lâcher son projet de traversée pour cette année.
Il va maintenant récupérer. "Il faut que je reparte vite" lâchet-il. De son aventure, il tire quelques enseignements: "N'importe qui peut se faire prendre. Le risque 0 n'existe pas. La connaissance de la neige est nécessaire mais cela n'évite pas de faire des erreurs. Quand j'ai vu les traces fraîches de ski et de raquettes, je me suis dit cela passe". Et bien non. Louis Dollo en ressort meurtri avec des bleus à l'âme.

Arnaud Paul Source: La Nouvelle République des Pyrénées