A la création du tunnel Aragnouet-Bielsa dans les Hautes-Pyrénées, il n'était pas question du développement de la station de ski de Piau-Engaly, qui en était à ses débuts, mais plus modestement de relier deux vallées de part et d'autre des Pyrénées, française (vallée d'Aure) et espagnole (Sobrarbe), qui ont une longue, et parfois douloureuse, histoire commune.
Aujourd'hui, l'Espagne n'est plus sous la férule de la dictature franquiste, elle s'est ouverte, est entrée dans l'Union Européenne et a beaucoup investie pour se mettre au même niveau que la France. Les espagnols bougent, circulent, font du ski, ont des voitures et non plus des ânes et des mulet et donc, viennent en vallée d'Aure faire du ski, que ce soit Piau-Engaly, Saint-Lary ou Peyragudes. Le tunnel est ouvert de manière permanente, des travaux d'amélioration y ont été faits et Bielsa n'est plus le petit village de fond de vallée que nous connaissions dans les années 1970. Les lieux, le milieu, les usages, les pratiques et les mentalités ont évolués.
Les hommes qui habitent ces vallées cherchent à s'adapter aux nouvelles situations comme ils l'ont fait depuis des millénaires. Aujourd'hui, la situation n'est plus celle du 19ème siècle pas plus que celle de l'après guerre de 1945. Les hommes et les femmes qui peuples ces vallées doivent répondre à la demande d'emplois, au modernisme, aux nouvelles technologies, qui entrainent des changements sociaux et économiques profonds. Nous passons d'une économie strictement pastorale encore effective dans les années 1960 à une économie touristique à une vitesse qui n'avait jamais été vécue dans le passé. De vallée fermée, le fond de la vallée d'Aure passe au statut de vallée ouverte grâce à un tunnel. Dans la vallée de la Cinca, il se passe exactement le même phénomène entrainant ainsi des échanges de tous ordres, comme cela à toujours existé. Mais plus personne ne se déplace avec des ânes et des mulets à travers la montagne. Voitures et camions sont les nouveaux modes de transport à travers un tunnel. Tout ceci demande une nouvelle adaptation dont l'extension de la station de ski de Piau-Engaly fait partie, avec de nouveaux moyens pour y accéder.
En parallèle de cette évolution est venue la prise de conscience de protection de l'environnement et du milieu de vie. Notion qui, à l'époque des mines et des transports de minerais à dos de mulets ou par téléphériques, n'existait pas plus que le jour de l'ouverture du tunnel entre Aragnouet et Bielsa (ouvert en 1976). Il a été créé une réserve naturelle dans les années 1930 à quelques encablures, un Parc National des Pyrénées en 1967, des zones Natura 2000 à la fin des années 1990, ZNIEF, le classement de Baroude au patrimoine de l'UNESCO, etc... qui imposent des mesures de protection auxquelles sont attachés les amoureux contemplatifs de la nature, les usagers de la montagne non équipée (randonneurs, skieurs de randonnée, etc...), les amis des bêtes sauvages, les nostalgiques du passé et les éleveurs soucieux de produire des produits de qualité dans un environnement préservé. La profession de guide et accimpagnateur de montagne a évolué en même temps que la demande de la clientèle parcourant la montagne. Une recherche d'authenticité s'impose. La clientèle des sports d'hiver n'est pas forcément celle de la montagne estivale.
Tout cet ensemble impliquant la protection de l'environnement, le progrès social et le développement économique, sans oublier les aspects culturels et historiques autant que les uss et coutumes, constitue ce que nous appelons depuis la Conférence de Rio de 1992, le développement durable ou soutenable. De nouvelles régles liés à l'élaboration des projets environnementaux sont venus s'inscrire dans la Constitution. L'élaboration de tels projets doit se faire avec la poipulation concernée et ne peut plus s'imposer. En 2011, la donne est totalement nouvelle. Les décisions ne se prennent plus comme dans les années 1970.
Y a-t-il dualité, conflit ou complémentarité entre ces divers éléments? Tout dépend des femmes et des hommes qui les accompagnent et de leur volonté de dialogue et de compréhension
réciproque. Doit-on répondre à une demande de la clientèle espagnole ou les valléens doivent-ils réfléchir et élaborer leur propre développement... durable?
C'est ce que nous allons suivre ici pour les vallées de Saux et de La Géla, au fond de la vallée d'Aure, au cours des prochaines années, tout en ayant dans l'esprit que le poids de
l'histoire et la volonté des femmes et des hommes qui vivent sur ces territoires seront toujours plus forts que les exigences des promoteurs.
Louis Dollo, le 21 février 2011