Quelques citations tirées de l'article d'Audrey Garric qui n'apporte pas grand chose qui ne soit connu depuis longtemps. Par contre, à voir le nombre de loups braconnés, le pays idéal de la cohabitation pour les écologistes apparait celui de la contestation sans se poser d'état d'âme. Preuve que la cohabitation n'est qu'apparente, chacun trouvant la solution qui l'arrange sans rien dire. Conséquence de la stupide protection totale des grands prédateurs.
«(…) le grand gaillard, bonnet rouge sur la tête, surveille ses animaux comme ses enfants: l’été, ses 1 500 brebis, chèvres et vaches sont menées au pâturage par une dizaine de bergers et pas moins de trente-huit chiens, élevés au milieu des moutons.»
«(…) La mairie nous donnait de l’argent pour chaque spécimen qu’on ramenait, se souvient-il. Et le parc, pour protéger ses chamois, nous fournissait le piège ou le poison.» Les fermiers, eux, le remerciaient par des cadeaux, du fromage ou de la viande.»
«(…) La cohabitation est plus difficile avec les nouveaux arrivants. «Certains bergers, qui viennent de s’installer, ne protègent pas assez leurs troupeaux car ils reçoivent un dédommagement supérieur à la valeur de la bête.», confie la biologiste Roberta Latini.»
«(…) Certains préfèrent régler leurs comptes au fusil. «Faute de réelle gestion de l’espèce, 200 à 300 loups sont braconnés chaque année en Italie», avance Luigi Boitani.»
etc...
Mais le meilleur reste la conclusion de l'article par une citation de Marco Galaverni à la fois "chercheur spécialiste du canidé" et "membre du bureau du WWF Italie": «tuer le prédateur ne sert à rien, et peut même aggraver la situation en déstabilisant les meutes. La seule solution est la prévention». De la part d'un chercheur militant écologiste, nous pouvons douter de la fiabilité de ses recherches ce qui fait qu'il n'aborde pas une troisième voie dont personne ne veut parler: l'éradication. En fait, la situation est la même qu'en France et partout dans le monde: les éleveurs sont en colère et aucun grand prédateur n'est le bienvenu.
- La guerre du loup gagne l’Italie
Face à la colère des éleveurs, Rome pourrait légaliser l’abattage légal du canidé. Une première, alors que l’animal est strictement protégé dans le pays depuis une loi de 1971.
Ce matin-là, alors que le soleil caresse les crêtes enneigées, un cerf trotte sur l’asphalte. Ignorant un bus scolaire et un véhicule de police, il traverse le village de Villetta Barrea. Plus loin, sur la route qui serpente vers les cimes, trois chevaux lèchent le sel épandu sur le bitume, indifférents aux voitures qui tentent de les contourner.
Dans le Parc national des Abruzzes, au centre de l’Italie, la faune est omniprésente, jusque dans la vingtaine de communes nichées au cœur de ses vallées ou accrochées à ses flancs de montagne. Mais cette apparente harmonie cache une controverse vivace: celle entourant le loup, un animal qui a déchaîné les passions au sein de la réserve et continue de diviser le pays.
Ici, le sujet est sur toutes les lèvres: le gouvernement pourrait légaliser l’abattage de certains de ces prédateurs afin de protéger les éleveurs. Une première, alors que l’animal
est strictement protégé sur le territoire italien depuis une loi de 1971, après avoir été massivement chassé et empoisonné.
Cette dérogation fait partie d’un vaste plan de protection et de gestion de l’espèce élaboré par le ministère de l’environnement et des scientifiques qui doit prochainement être
voté à Rome par la conférence Etat-régions. En un mois, son adoption a été repoussée à trois reprises sous la pression des associations, d’une partie de l’opinion publique, mais
aussi d’une majorité de régions qui se désolidarisent du texte.
- «Désatreuse communication du gouvernement»
Entre 1.170 et 2.622 loups évoluent dans les Alpes mais surtout dans les Apennins, cette chaîne de montagnes qui traverse l’Italie du Nord au Sud. Contrairement à la France, où la gestion des 300 membres de l’espèce passe par des autorisations de tirs annuelles, la population de Canis lupus n’avait jusqu’alors jamais été inquiétée par Rome.
Les associations écologistes hexagonales en faisaient même un modèle de cohabitation réussie. Le nouveau plan italien fait voler ce consensus en éclats. Car dans la Botte, comme ailleurs, s’affrontent deux visions du pastoralisme.
«Depuis 1971, nous cherchons à faire comprendre au public l’importance du loup pour l’écosystème et la régulation des forêts. Avec ce plan, nous retournons quarante ans en
arrière», se désole Antonio Carrara, le président du Parc national des Abruzzes, Latium et Molise, de son nom complet.
Dans son bureau de Pescasseroli, à deux heures de route au sud-est de Rome, il martèle que «la communication du gouvernement a été désastreuse: les gens ont compris qu’on devait
tuer les loups, et non pas qu’on le pouvait, dans des cas exceptionnels».
Car la première version du texte affichait un chiffre de 5 %, qui fut compris comme un quota de canidés à abattre chaque année au lieu d’un plafond. Tout pourcentage a maintenant disparu, mais reste la dérogation de mise à mort.
- Dommages versés aux éleveurs lésés
La réserve naturelle protégée que gère Antonio Carrara s’étend sur 51 000 hectares. Un espace à la biodiversité foisonnante, tapissé de hêtres, de chênes ou de pins noirs uniques au monde, et surmonté de reliefs âpres et sauvages culminant à 2.250 mètres.
Créée en 1922, elle a pour blason l’ours, dont elle abrite une soixantaine de spécimens. Mais elle a surtout mené les premiers programmes de protection du loup, après avoir réintroduit ses proies de choix, les chamois, cerfs, chevreuils et autres sangliers qui avaient quasiment disparu.
Aujourd’hui, huit meutes y ont élu domicile, soit une cinquantaine de spécimens. Surtout, c’est depuis les Abruzzes que le prédateur a reconquis la majeure partie de son aire de répartition historique en Italie, pour finalement atteindre la France (où il est entré en 1992), la Suisse et l’Allemagne.
«Nous équipons les animaux de colliers émetteurs pour les recenser, les suivre et mieux connaître leur comportement, explique Roberta Latini, l’une des biologistes du parc. Nous avons aussi tenté d’améliorer la coexistence entre les grands carnivores et les éleveurs.»
La réserve naturelle abrite quelque 1 500 activités d’élevage, des ovins et caprins (40 000), des bovins, des chevaux et des volailles. En 2016, ses rangers ont procédé à 386 contrôles après des attaques de loups, donnant lieu à 144 000 euros de dommages versés aux éleveurs lésés. Soit à peine 1,5 % du budget annuel du parc.
- Chiens élevés au milieu des moutons
«Les éleveurs touchés sont dédommagés très rapidement, en moins de deux ou trois mois, et généreusement puisque nous remboursons le prix de la bête mais aussi de son produit, viande ou fromage, détaille le directeur du parc, Dario Febbo. Ainsi, nous protégeons à la fois les hommes et les loups, en évitant les conflits.»
En apparence, le canidé ne suscite que peu de tensions. A Scanno, dans l’élevage ovin de Gregorio Rotolo, «né éleveur il y a cinquante-six ans», le loup n’a pas pointé le bout de son museau depuis cinq années. Il faut dire que le grand gaillard, bonnet rouge sur la tête, surveille ses animaux comme ses enfants: l’été, ses 1 500 brebis, chèvres et vaches sont menées au pâturage par une dizaine de bergers et pas moins de trente-huit chiens, élevés au milieu des moutons.
«Les brebis ne peuvent jamais rester seules: toutes les nuits, le berger les ramène dans un enclos électrifié, où il les garde. Le loup a peur de l’homme, pas l’inverse»,
rappelle-t-il, en caressant un imposant berger des Abruzzes, un chien aussi blanc que la neige.
Les pertes sont toujours possibles, mais elles font partie de l’activité: «Mon grand-père me disait: “Si tu veux élever des moutons, tu dois en compter quelques-uns en plus pour le
loup.”»
Même discours chez son voisin de Barrea, de l’autre côté de la vallée. Alessandro Tamburro tient une exploitation plus modeste, de viande cette fois. «Le loup nous a mangé quatre brebis, deux chèvres et une petite vache l’an dernier, mais c’est normal, on accepte sa présence», relève son neveu de 20 ans, Alessio, avec qui il travaille.
- Canis lupus, symbole d’un tourisme prospère
Pour eux, les vrais prédateurs se situent ailleurs: «Nos jeunes délaissent notre terroir parce que le travail est rude et peu valorisé. Les restaurants et hôtels de la région n’achètent pas nos produits, alors qu’ils profitent de l’image du loup!», s’emporte Alessandro Tamburro.
Le carnivore jadis pourchassé est devenu le symbole d’une activité touristique prospère. Un million de visiteurs viennent chaque année tenter de l’apercevoir au détour d’un sentier.
Partout, les auberges, les restaurants, les bars ou les campings arborent les quatre lettres magiques: «lupo».
Un musée lui est même entièrement consacré dans le village de Civitella Alfedena, de même qu’une «aire faunistique» de trois hectares, créée en 1976, qui abrite neuf loups en
captivité. «Elle a changé l’image du prédateur. Les enfants du village viennent hurler avec les loups, les parents les observent vivre, élever leurs petits», raconte Nadia Boccia,
née dans le parc et devenue l’une de ses gardes.
La cohabitation n’a pas toujours été aisée. «Au début, les habitants ne voulaient pas des loups: ils les considéraient comme des nuisibles, se souvient Ettore Rossi, l’adjoint au maire de Civitella Alfedena. Il faut dire que la plus grande transhumance de moutons du pays passait par ici.» Un homme était alors très sollicité: le «luparo», celui qui tue le prédateur.
Antonio Ursitti, âgé de 89 ans, fut l’un d’eux. Cet ancien garde du parc traquait les loups, parfois pendant plusieurs jours, pour en revendre la peau. «La mairie nous donnait de l’argent pour chaque spécimen qu’on ramenait, se souvient-il. Et le parc, pour protéger ses chamois, nous fournissait le piège ou le poison.» Les fermiers, eux, le remerciaient par des cadeaux, du fromage ou de la viande.
- Le prédateur accroît ses effectifs
Au début des années 1970, lorsque le parc et l’Etat décident de protéger la population lupine au bord de l’extinction, la situation change du tout au tout. Les anciens tueurs se muent en sauveurs. «Aujourd’hui, on a compris l’importance de la nature, l’éducation est différente», juge le vieil homme.
«J’ai vu les loups plusieurs fois, même sur les routes du village à la nuit tombée. Je n’ai jamais eu peur, ni pour moi ni pour mes filles», raconte Jessica Rossi, jeune guide de montagne, qui habite à Civitella Alfedena et les entend presque tous les soirs. «Ils n’attaquent jamais les humains, confirme son mari, apiculteur. Les gens d’ici le savent.»
La cohabitation est plus difficile avec les nouveaux arrivants. «Certains bergers, qui viennent de s’installer, ne protègent pas assez leurs troupeaux car ils reçoivent un dédommagement supérieur à la valeur de la bête», confie la biologiste Roberta Latini.
Mais c’est hors de l’écrin protégé des parcs nationaux que les tensions sont les plus exacerbées, là où vit la grande majorité des éleveurs italiens. Dans le Piémont, les Alpes et la Toscane, le prédateur est réapparu il y a une vingtaine d’années et accroît ses effectifs, multipliant les conflits.
«Chaque jour, nous subissons des attaques de la part des 600 loups qui vivent dans notre région. Nous avons perdu un millier de brebis en 2016», dénombre Carlo Santarelli, dans son bureau de Manciano, au cœur de la Toscane, à 300 kilomètres des Abruzzes.
- «Les brebis sont très sensibles au stress»
L’homme est éleveur mais préside surtout une immense coopérative laitière: 260 fermiers, 60 000 ovins, 9 millions de litres de lait par an, soit un quart de la production de la région. Le loup représente-t-il vraiment une menace pour une structure de cette ampleur? «Les pertes sont modestes, c’est vrai, reconnaît-il. Mais le troupeau qui a été attaqué produit moitié moins de lait car les brebis sont très sensibles au stress. Et certaines avortent.»
Pour ce responsable local de la Coldiretti, le principal syndicat d’agriculteurs en Italie, «les loups sont trop nombreux» et ne sont «pas compatibles avec la vocation pastorale de nos territoires». A ses yeux, la comparaison avec les éleveurs des Abruzzes ne tient pas.
Ces derniers «produisent beaucoup de viande mais moins de lait». «Les éleveurs toscans ont perdu l’habitude de gérer le loup et ils laissent les moutons seuls», rétorque Gregorio Rotolo, le montagnard de Scanno. Surtout, la région, comme une majorité des autres en Italie, tarde à indemniser les fermiers lésés. Face aux formalités administratives, nombre d’entre eux renoncent.
Certains préfèrent régler leurs comptes au fusil. «Faute de réelle gestion de l’espèce, 200 à 300 loups sont braconnés chaque année en Italie», avance Luigi Boitani. Ce professeur à l’université de Rome, qui travaille sur le sujet depuis quarante ans, voit dans le plan contesté du gouvernement – dont il a participé à l’élaboration – une manière d’«introduire enfin des règles et, pour la première fois, de forcer l’Etat et les régions à se coordonner».
Pour Marco Galaverni, chercheur spécialiste du canidé et membre du bureau du WWF Italie, «tuer le prédateur ne sert à rien, et peut même aggraver la situation en déstabilisant les meutes. La seule solution est la prévention». Ce qu’enseigne le Musée du loup des Abruzzes aux écoliers et aux touristes.
Source: Le Monde - 17.03.2017 à 06h40 • Mis à jour le 17.03.2017 à 08h40 - Par Audrey Garric (Parc national des Abruzzes, Toscane (Italie), envoyée spéciale)
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