Dans un communiqué du 9 septembre 2014, la FNSEA dit vouloir «sortir de l’impasse». Mais de quelle impasse? Ne faudrait-il pas parler au pluriel des impasses dans laquelle elle s’est parfois engouffrée du fait de l’incompétence de quelques élus? Ou, peut-être aussi, du fait de choix politiques?
Bien sûr, nous ne pouvons pas ignorer un "été calamiteux: embargo russe, météo, faillites d’entreprises, filières malmenées, importations destructrices, prix en baisse…"… "Amenant le désarroi dans les fermes". Et aujourd’hui tout se cumule sans grand espoir de voir les politiques et le gouvernement améliorer rapidement la situation.
Selon la FNSEA, "Jamais au même moment, nous n’avions constaté une telle unanimité de difficultés alors même que les talents et les atouts ne demandent qu’à s’exprimer!"
"Libérer l’entreprise agricole France", en fait, toutes les entreprises françaises, qui "étouffe de règlements tatillons, de normes intempestives, de circulaires inappropriées, de règles environnementales qui – par leurs excès et leur dogmatisme - ne protègent ni la nature, ni les hommes qui vivent avec" n’est pas vraiment nouveau. Et dans certains cas, n’étaient-ils pas possible d’y penser avant?
Le "burn out", "overdose", les éleveurs de montagne confrontés à la prédation de loups, d’ours ou de lynx, l’ont depuis plus de 20 ans. Et qu’est-ce qui a été fait en 20 ans? Rien! Uniquement de la palabre à l’exception des Pyrénées qui, localement, se sont battus souvent seuls, pour ne plus avoir d’introduction d’ours. Et pour le reste?
Quinze années de palabres sur des tests de sélection de chiens de protection pour avoir des toutous gentils avec les touristes… Et ça continue! Vingt ans de palabres sur des mesures de protection contre les loups alors que, dès 1996, Laurent Garde du CERPAM concluait son rapport:
"Comme on l'a vu plus haut, même si l'ensemble de ces mesures étaient financées et appliquées à grande échelle, leur efficacité resterait partielle, et tributaire de chaque maillon faible du système que les loups sauraient révéler et exploiter.
"En définitive, le défi posé, au cas où une protection intégrale du loup serait maintenue sur tout ou partie de son aire d'extension, parait bien être celui d'une réorganisation en profondeur des systèmes d'élevage extensifs et des usages pastoraux contemporains pour se protéger contre les prédateurs, alors même qu'aucun pays comparable n'en offre l'exemple aujourd'hui ... "
Et on continue les palabres sur ce sujet dans un "machin" sans consistance juridique que l’on appelle pudiquement "Groupe National Loup". Vingt ans d’acceptation de toutes les humiliations pour les éleveurs avec tout juste des paroles réconfortantes de leurs représentants syndicaux. Vingt ans de compromission de certains élus syndicaux additionnée de quelques combines sans grand souci de la défense et du bien-être de ceux qui subissent. Etc…
A voir les propos de certains d’entre eux (Cf. L’Europe privilégie les loups et les vautours aux éleveurs de Françoise Degert) et les orientations prises par la représentation syndicale européenne (COPA-COGECA) dans le cadre de la "plateforme européenne pour la coexistence avec les grands carnivores", n’y a-t-il pas une volonté de "tuer" l’élevage de montagne notamment les petits éleveurs? Et dans ce cas, qui crée le "burn out"? L’impasse?
En refusant tout en bloc (mesures de protection, subventions, introductions, plan, groupe national…) en matière d’ours et en comprenant très vite que le plantigrade n’était qu’un prétexte d’accaparement et d’ensauvagement des territoires, les pyrénéens se sont pris en main pour envisager un développement globale du pastoralisme de la chaîne incluant la biodiversité dans le cadre d’une stratégie mise en place par le comité de massif. La clairvoyance et l’unité syndicale et associative ont permis un espoir, voir même un certain développement selon les vallées et les productions même s’il existe encore un gros point noir dans le Couserans avec des ours encore présents et un peu trop actifs.
Le loup arrive et les Pyrénées devront subir vingt ans d’errements alpins notamment des Alpes du sud où aucune structure syndicale n’a bougé depuis 1995 et ne bouge encore. Pire encore. L'initiative d'action unitaire engagée avec l'Association Européenne de défense du Pastoralisme contre les Prédateurs a été étouffée quasiment à la naissance et l'enquête sur l'arrivée étionnante du loup a été brutalement stoppée en 1999 pour entrer dans une ère de "collaborationnisme" au profit de quelques primes et bienveillances de circonstance sans aucun souci de l'intérêt commun et futur.
Aujourd'hui, tout le monde attend l’autre et surtout on continue les petites habitudes de la réunionite de dialogue, concertation, en un mot, de palabres inutiles. Groupes techniques du GNL, réunions de travail avec l’institut de l’élevage, Parc National du Mercantour.... pour n’arriver à rien de concret permettant un espoir de progrès. Et le loup se développe dans toute la France à la vitesse de 20 à 25% de plus chaque année. Les meutes s’installent. Et on discute de l’opportunité d’abattre 26 ou 36 loups, même pas 10% de la population (nous ne savons d’ailleurs pas vraiment combien il y a de loups) pour un accroissement de plus de 20%. Pendant ce temps les éleveurs disparaissent. Pas de jeunes pour remplacer. On les comprend. Seul le loup progresse pendant que les syndicats palabrent. Et au niveau européen, ils laissent passer leur chance en signant un blanc-seing pour la coexistence impossible via le COPA-COGECA. Une condamnation à mort!!
Face à cette situation dramatique, la FNSEA a raison: "L’exercice du métier est devenu un chemin de croix. Il suffit d’aller dans les exploitations pour constater l’exaspération". Mais, la faute à qui?
La FSEA, comme la FNO, sont des fédérations de syndicats qui défendent, chacun de leur côté leurs intérêts légitimes. Au sein de cette grosse structure, quel est le poids de l’élevage de montagne? A priori faible pour ne pas dire inexistant. Si en plus les représentants syndicaux de cette filière sont des faibles, l’avenir est compromis. Par ailleurs, au niveau national, européen et international, il existe des enjeux qui dépassent largement les problèmes de grands carnivores, loups et ours. Pire. Ces problèmes marginaux peuvent parfaitement faire l’objet d’un marchandage ou de "compensations".
L’ours, prétexte à subventions pour les écologistes, nous connaissons. L’ours machine à sous, la coordination pyrénéenne ADDIP a su le mettre en évidence.
Le loup, prétexte pour les mêmes raisons, c’est évident. Mais dans un contexte de difficultés financières où "l’agriculture est un élément indispensable au redressement de la France", dans un jeu de cartes et de poker menteur, le prétexte pourrait changer de main. Comment?
Comme le fait ressortir le communiqué de presse de la FNSEA, "l’entreprise agricole France… étouffe de règlements tatillons, de normes intempestives, de circulaires inappropriées, de règles environnementales…" Alors, allégeons. Mais, comme dans toutes négociations, il faut des contreparties. D’un côté on assouplit les normes, les contraintes environnementales, nitrates, pesticides, on favorise les bassins de retenues d’eau, on autorise des fermes de type "mille vaches" avec usine de méthanisation, on ferme les yeux sur quelques médicaments, etc…. De l’autre côté, on laisse courir le loup et l’ours.
Pour l’ours, ce ne sont que quelques éleveurs du Couserans en Ariège qui sont vraiment impactés. Pour le loup, il est toujours possible de sacrifier ce qui est autour des parcs nationaux et réserves diverses, notamment les A1lpes-Maritimes, pour sauver les apparences vis-à-vis des écologistes qui, de leur côté, lâcheront les projets sur la Loire par exemple (vieux projets de barrages) et quelques réservoirs. Et il sera possible de valoriser des territoires céréaliers au profit des biocarburants et autres débouchés plus lucratifs que les produits alimentaires tout en percevant le maximum de subventions européennes avec le minimum de contraintes. Jolis projets pour participer au "redressement productif de la France".
Si tel est le scénario imaginé, et l’histoire nous montre qu’il n’est pas irréaliste, il ne restera aux éleveurs de montagne, tous massifs confondus, qu’une seule issue: la révolte. Est-ce cela l’impasse de la FNSEA?
Louis Dollo, le 9 septembre 2014
La FNSEA a réuni aujourd’hui un Conseil d’Administration exceptionnel pour faire un point de situation sur l’ensemble des régions et des productions après un été calamiteux: embargo russe, météo, faillites d’entreprises, filières malmenées, importations destructrices, prix en baisse…
Les mauvaises nouvelles se conjuguent, amenant le désarroi dans les fermes. Jamais au même moment, nous n’avions constaté une telle unanimité de difficultés alors même que les talents et les atouts ne demandent qu’à s’exprimer!
Si les discours politiques récents du Gouvernement vont dans le bon sens, celui d’un réalisme économique et d’un volontarisme politique, ils ne seront effectifs qu’avec des actes rapides et courageux.
Il faut libérer l’entreprise agricole France! Elle étouffe de règlements tatillons, de normes intempestives, de circulaires inappropriées, de règles environnementales qui – par leurs excès et leur dogmatisme - ne protègent ni la nature, ni les hommes qui vivent avec.
«Burn out», «overdose», choisissez le mot que vous souhaitez, mais constatez les dégâts. L’exercice du métier est devenu un chemin de croix. Il suffit d’aller dans les exploitations pour constater l’exaspération.
Les 24 et 25 septembre prochains, la FNSEA réunira près de 300 élus de son réseau. Des initiatives seront prises pour sensibiliser l’opinion et pour «réveiller» l’ensemble des décideurs: qu‘ils comprennent que l’agriculture est un élément indispensable au redressement de la France et qu’il faut d’urgence la sortir de l’impasse!
Communiqué de presse du 9 septembre 2014