Le Monde des Pyrénées

Vautours Lettre sous prefet-21 juillet 2009

Association pour la Sauvegarde du
Patrimoine Pyrénéen - ASPP 65

AREDA
16, Rue docteur Bergugnat
65400 Argelès-Gazost
Agréée Protection de l'Environnement- (code de l'environnement article L 141-1 -

Argelès-Gazost, le 21 juillet 2009


Madame Hélène Rouland-Boyer
Sous-Préfète des Hautes-Pyrénées
Sous-Préfecture
65 400 Argelès-Gazost

Madame la Sous-Préfète,

Lors de la venue de Monsieur Christian Jouve, Commissaire à l'Aménagement des Pyrénées, le 8 juillet en Pays Toy, je me suis entretenue avec vous au sujet d'une enquête menée actuellement par l' Association Nature Midi-Pyrénées auprès d'exploitants agricoles des vallées d Arrens, Cauterets et Luz.
Depuis, nous avons pu obtenir des renseignements plus précis de la part d'éleveurs sollicités et à qui un courrier a été adressé personnellement, voir copie en pièce-jointe. Et nous vous adressons également le questionnaire réalisé par cette association.
Avant d'analyser les objectifs réels de cette "étude" (B ci-dessous - , il est nécessaire de faire le point sur la situation actuelle concernant le vautour (A -:
A - Situation actuelle des populations de vautours
1- Le vautour assure sur les estives son rôle de nettoyeur des cadavres d'animaux d'élevage comme il l'a toujours fait.
2- Mais, depuis une dizaine d'années le comportement de cet animal a changé: de nécrophage il est passé prédateur d'animaux vivants; ceci n'est plus contesté maintenant.
3- Les raisons en sont les suivantes:
-a - des programmes de sédentarisation de cette espèce, menés en Espagne (Aragon notamment - et en France (Falaise aux vautours en Vallée d'Ossau - par les services publics et les associations environnementalistes, ont conduit à ouvrir des aires de nourrissage: elles ont entraîné une expansion de sa population bien au delà de ce que le milieu naturel avait toujours permis et permet aujourd'hui.
-b - pour des raisons sanitaires, le nourrissage a été interdit dans ces deux pays, mais les attaques sur les animaux d'élevage vivants demeurent du fait de cette distorsion artificielle entre surpopulation et milieu naturel.
4 - Le Comité interdépartemental de suivi du vautour fauve a été créé afin de réunir tous les acteurs concernés: services de l' Etat, associations environnementalistes, représentants consulaires et associatifs de la profession agricole, et représentants d'autres utilisateurs des territoires de montagne.
5 - Lors de sa dernière réunion en date du 17 juin 2009, des décisions ont été prises dans ce domaine: - "maintien de la tolérance pour un équarrissage naturel en zone de montagne" et "pas de régularisation des placettes" traditionnelles "clandestines et communication aux éleveurs des informations qui permettront une gestion raisonnée des placettes existantes"-cf.Relevé de décisions du 29 juin 2009.( voir pièce-jointe - . Mais au cours de ce dernier Comité un long échange a eu lieu entre les défenseurs de l'autorisation de "placettes de dépôts de cadavres" dont fait partie Nature Midi-Pyrénées et les opposants comme le représentant de la Chambre d'Agriculture et Monsieur le Préfet. D'ailleurs, la personne désignée comme stagiaire en en-tête du questionnaire, Laura Granato, y représentait Nature Midi-Pyrénées.
De la part des responsables de cette association, quel est alors l'objectif visé par cette enquête d'opinion? Nous allons le voir, il s'agit en fait de faire pression sur le Comité interdépartemental pour l'amener à modifier sa position.

B - Les objectifs de cette "étude"
Les termes du courrier envoyé par Nature Midi-Pyrénées sont clairs: il s'agit de continuer à transformer ce charognard naturel en "outil d'équarrissage" artificiel. A cet effet ses auteurs développent la stratégie suivante: face aux nouvelles contraintes financières en matière d'équarrissage, il s'agit sous ce qui pourrait sembler une simple enquête ("recueillir votre opinion sur les nouvelles mesures relatives à l'équarrissage et à la gestion des populations " - , de "suggérer" aux éleveurs qu'ils devraient militer pour la reprise du nourrissage artificiel des vautours, qui ne leur coûterait rien.
Pour ainsi travailler l'opinion, Nature Midi-Pyrénées procède subtilement:
1 - alors que la lettre parlait de l'ensemble des oiseaux nécrophages, et ne manquait pas de citer des espèces menacées comme le gypaète, l'enquête, elle, n'utilise plus ce détour: seul le vautour, espèce nullement menacée, est concerné;
2 - alors que le changement de comportement du vautour induit par son actuelle surpopulation artificielle est officiellement reconnu en Espagne depuis plusieurs années, plus récemment en France, l'enquête en est encore à parler de "comportement suspects", elle refuse de voir la réalité, on comprend pourquoi;
3 - le chapitre 2 du questionnaire, relatif à l'équarrissage, est scientifiquement nul mais enrobé d'une terminologie voulant apparaître comme sérieuse;
4 - pour conduire les éleveurs là où il veut les mener, le "questionnaire" associe alors incitation "seriez-vous volontaire" et prosélytisme "informer les éleveurs sur ce mode d'équarrissage". Doit-on rappeler qu'en matière d'informations et de conseil technique la Chambre d'Agriculture et autres organismes professionnels sont plus compétents que Nature-Midi-Pyrénées, et officiellement en charge de ces missions?
5 - l'incitation procède en laissant croire aux éleveurs que la chose est quasiment acquise, facile à mettre en œuvre, mais que c'est à eux d'en définir les formes: un nouveau concept apparaît, celui de "système de zones d'équarrissage". La formulation de la question suivante "selon vous, il serait plus intéressant de permettre le......" induit la réponse en imposant un bouquet de nouveaux termes: "zone d'équarrissage aléatoire", ou "organisée collectivement", et "zone d'équarrissage individuelle sur exploitation".
6 - Enfin, comme souvent dans ce type de questionnaire militant et très peu scientifique, c'est au détour des mots que se dévoilent les intentions:
a - page 1, parmi les "causes de mortalité du troupeau", sont mentionnés les "chiens errants" ; il s'agit en réalité de "chiens divagants", ayant échappé à la surveillance de leurs maîtres. Mais "chiens errants" n'est pas anodin: c'est le terme employé par les défenseurs d'introductions d'ours slovènes sur les Pyrénées pour affirmer, sans aucune référence statistique, que ces chiens sont bien plus prédateurs que l'ours.
Ce dernier étant d'ailleurs très subtilement "oublié" parmi les "causes de mortalité du troupeau", on voit tout de suite l'utilisation biaisée qui pourra être faite des résultats de cette "enquête": l'ours, de fait, n'y apparaîtra pas, mais il est vrai qu'il descend rarement jusqu'à Bagnères de Bigorre!
b - l'emploi du mot "outil" relève d'une conception utilitariste totalement anti naturelle des réalités naturelles. Aucun éleveur n'aurait l'idée de parler ainsi des bêtes de ses troupeaux, pas plus que de ses chiens. Et c'est bien cette transformation de l'animal vivant en "outil d'équarrissage" qui a créé le déséquilibre population des vautours/milieu que les instigateurs du questionnaire entendent en réalité perpétuer.
1. - Le chapitre 3, en conclusion, conduit habilement l'exploitant agricole questionné à penser qu'une solution gratuite est à portée de sa main grâce à la collaboration "naturelle" des vautours ... et la sienne à cette "enquête"!

C - Bilan:
L'idée sournoisement proposée par Nature-Midi-Pyrénées est donc bien d'amener à la "demande" (demande très suggérée dans le questionnaire - par les éleveurs de créations d'aires de nourrissage hors estive, c'est à dire aux périodes où nos animaux sont sur les zones intermédiaires et les fonds de vallée, avec tous les problèmes connus ensuite et déjà analysés sur le modèle espagnol des "muladares": "Le vautour dont il est aujourd'hui question est-il encore un animal sauvage ou une bête d'élevage dont le nourrissage a créé une expansion des populations totalement artificielle, une anti-nature sous couvert de respect de la nature?(cf. " Continuer à transformer le vautour en animal d'élevage au nom de la "nature"?.B.Besche-Commenge ASPAP/ADDIP - article d'août 2007 revu en juin 2009- en pièce jointe -

D - Nos remarques:
Nous sommes favorables à ce que le vautour fauve continue à être un nettoyeur sur les estives, mais non à l'avoir sur le toit de nos maisons et de nos granges ; c'est pourtant ce que nous proposent ces apprentis sorciers de défense de la nature. Si l'on veut renouer le lien entre vautour et éleveur il faut que la population des vautours revienne à des proportions acceptables pour nos territoires. Pour cela il faut une régulation de l'espèce en refusant le nourrissage qui a conduit à accroître leur population et à modifier leur comportement alimentaire. L'installation d'aires de nourrissage près des bâtiments d'élevage, des maisons d'habitation, outre les conséquences soulevées plus haut, engendrerait également des problèmes sanitaires ,tétanos, etc.. - qui doivent être pris en considération. Nous demandons à ce que les Services Vétérinaires soient saisis de ce problème.

Madame la Sous-Préfète, nous trouvons dangereuse, à plus d'un titre, une telle démarche et nous vous demandons d'y mettre un terme.
Nous tenant à votre disposition pour de plus amples échanges, nous vous adressons nos très respectueuses salutations.

La présidente, Marie-Lise Broueilh.


P.S: dimanche 19 juillet, une attaque par des vautours d'une vache et deux veaux sur le Val d'Azun au village d'Estaing, nous conforte une fois de plus dans notre opposition à la légalisation de "placette de nourrissage" pour les raisons que nous venons d'invoquer.


Pièces jointes: courrier et questionnaire de l'association Nature Midi-Pyrénées,
Compte-rendu du Comité interdépartemental du suivi du vautour fauve du 17 juin 2009,
Document de B.Besche-Commenge "Continuer à transformer le vautour en animal d'élevage au nom de la nature"? - ASPAP/ADDIP


Copies: au directeur de la DDEA, au directeur de la DSV, au président de la Chambre d'Agriculture,
au directeur du PNP.