Le Monde des Pyrénées

Les dessous du Comité de Massif des Pyrénées du 10 décembre 2010

A la suite de la dernière session plénière du Comité de Massif des Pyrénées du 10 décembre nous étions amenés à nous poser quelques questions même si, à l'issu de la dernière réunion du Conseil d'Administration du Parc National des Pyrénées, François Maïtia nous avait donné quelques éléments du puzzle. Mais encore fallait-il assembler ces éléments.

Cette session s'est déroulée en deux phases aussi intéressantes l'une que l'autre.

La première phase, strictement élective sans grande surprise politique mais avec des personnalités qui ne sont pas neutres:

  • Election des 17 membres dela commission permanente parmi lesquels il n'y a aucun élu d'Europe Ecologie
  • Election des membres de la commission UTN (Unités touristiques nouvelles)
  • Election des membres représentant le massif pyrénéen au conseil national de la montagne avec notamment
  • Election du président de la commission permanente et de fait co-président avec le préfet du comité de massif.

François Maïtia (PS), vice-président du Conseil Régional d'Aquitaine, a été réélu président de la commission permanente et, de ce fait, co-présidera le comité de massif avec le Préfet de région.

La seconde phase concernait la biodiversité avec deux points essentiels: une réflexion sur la stratégie pyrénéenne de valorisation de la biodiversité demandée par Chantal Jouanno le 16 juillet et le remplacement de l'ourse Franska.

Le 26 juillet dernier, Chantal Jouanno, alors Secrétaire d'Etat à l'Ecologie, avait demandé la création d'une commission de réflexion pour l'élaboration d'une stratégie pyrénéenne de valorisation de la biodiversité avec un calendrier de travail des plus déroutant. Ce calendrier n'a évidemment jamais été respecté puisque le Comité de Massif ne s'était pas encore doté des structures politiques suite aux dernières élections régionales. Nous constatons qu'il y a pas moins de 5 mois de retard. Mais le Ministère comme la DREAL restent toujours habités par les vieux démons avec un Préfet de région, Dominique Bur, toujours aussi obtus et réfractaire à l'exercice normal de la démocratie via les élus du peuple. Peut-être ne se souvient-ils pas que Chantal Jouanno disait vouloir prendre le temps pour que les gens "patrimonialisent" cette mise en place.

Le Préfet insiste pour que le calendrier et la méthodologie de gouvernance proposée par Chantal Jouanno soient respectés et fournissent des conclusions pour la fin du premier semestre 2011. Oubli-t-il également qu'il y a déjà 5 mois de retard et que la terre ne s'est pas pour autant arrêté de tourner. C'est ainsi que la DREAL a établi l' avant-projet d'une Stratégie Pyrénéenne deValorisation de la Biodiversité(SPVB). Quant à la méthodologie, il devrait être créé un "comité de suivi" spécifique hors commission permanente; dont les membres seraient nommés par le Préfet. Ceci s'annonce déjà comme étant une certaine forme de GNO (Groupe National Ours) dont nous savons que ce fut un fiasco. Le ";comité de suivi" spécifique sera-t-il plus performant que le GNO? La commission permanente du Comité de Massif et son président accepteront-ils qu'une structure annexe, non prévue au règlement intérieur, vienne se subtiliser à ses prérogatives? C'est assez peu probable dans l'état actuel d'une situation qui pourrait bien évoluer dans les jours à venir.

Selon les commentaires, hors réunion, de plusieurs membres du comité de massif, cette marche forcée a été dénoncée par plusieurs élus dont le Président Maïtia. Rien ne va plus entre les deux co-présidents. L'élu basque estime que le calendrier n'est pas adapté au respect de la sérénité des débats sur un sujet aussi important d'autant que les régions, les départements et les organisations professionnelles ont déjà leurs démarches en cours en faveur de la protection de la biodiversité. Une harmonisation s'impose dans le cadre d'une réflexion en profondeur. Si le Comité de Suivi devient tout aussi ingérable que le GNO... Comment les acteurs vont-ils "patrimonialiser" cette démarche? Le Préfet de région est-il vraiment l'homme de la situation?

Quant au remplacement de l'ourse Franska, des élus n'ont pas mâché leurs mots sur cette décision unilatérale et inopportune d'une Secrétaire d'Etat. L'utilité d'une telle mesure n'est pas plus prouvée que sa justification. L'élaboration du projet relève, une fois de plus de l'approximation. Il n'existe aucune préparation en avale en collaboration avec les acteurs du terrain. D'ailleurs, accepteraient-ils de collaborer? Rien n'est moins sûr. Les procédures légales sont elles bien respectées? Autant de questions qui restent en suspend d'autant qu'en 30 ans l'acceptation sociale n'a jamais été aussi faible.

Mais où sont les écologistes?

Europe Ecologie, qui a pris beaucoup de postes de responsabilité dans les Comités Régionaux, se retrouve avec des élus au sein du comité de massif. Mais aucun de leurs militants à la commission permanente. Donc aucun aux postes clés du massif des Pyrénées. Et c'est bien là le problème qui chagrine François Arcangéli, maire d'Arbas, conseiller régional mais surtout président de l'association de défense des ours, ADET. Le principe d'attribution des 17 postes de la commission permanente ne laisse que 3 postes à chacun des 3 conseils régionaux. Pour tenter de rentrer dans la structure décisionnaire, François Arcangéli a demandé un vote proposant une modification du règlement intérieur. Le résultat est sans appel: Unanimité contre cette proposition sauf... sa voix. De là à penser qu'il y a désaccord au sein du groupe Europe Ecologie...

Les agriculteurs se sont placés

Si les écologistes sont absents, la représentation agricole, notamment l'agriculture de montagne, a su se placer avec quelques "grosses pointures" dans les commissions clés. C'est ainsi qu'à la commission permanente, le syndicaliste Bernard Moules se maintient. Puis nous voyons arriver à la commission UTN (Unités touristiques nouvelles), Francis Ader de Luchon, élu de la chambre d'agriculture de Haute-Garonne, éleveur et moniteur de ski. Il est également un des fondateurs de l'ADIP 31 et de l'ADDIP, coordination pyrénéenne hostile aux introductions d'ours mais pour un développement durable humaniste. Quant au conseil national de la montagne, nous voyons arriver Jean-Michel Anxolabère, éleveur du Pays Basque mais aussi président de la Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Atlantiques et de l'association des chambres d'agriculture des Pyrénées (ACAP) et de nombreuses autres responsabilités nationales notamment au sein de la Fédération Nationale Ovine (FNO)

Dans un contexte de crise économique, de mise en place de projets de développement des Pyrénées, de maintien des services publics dans les vallées, etc... il y a des sujets bien plus important à débattre et à développer que l'importation d'une ourse en Béarn au milieu de 300000 brebis laitières qui ne demandent rien. Il est stupéfiant de confier au Comité de Massif le soin, non pas d'élaborer une stratégie de la biodiversité, mais de cautionner les travaux de la DREAL non demandés par les élus alors que ces derniers ont déjà fait ce travail au niveau de leurs régions respectives. Ne serait-il pas plus sérieux d'élaborer un processus de coordination de massif partagé entre tous les acteurs en collaboration avec un cabinet privé indépendant et non avec la DREAL dont tout le monde connaît les liens étroits avec les associations environnementalistes? Doit-on encore perdre du temps et de l'argent dans des idées fantasques qui ne sont partagées que par une minorité non résidente sur les territoires?
Il semble qu'une fois de plus les services de l'Etat se retranchent derrière un obscurantisme idéologique avec des méthodes de travail du passé qui devient de plus en plus lourdes et pénibles. Le risque n'est-il pas que les élus politiques et professionnels se fatiguent et décident de prendre un grand repos en ne participant plus à ces manoeuvres grotesques? Dans ce cas l'Etat pourrait ne plus avoir d'interlocuteur.... Comme pour le GNO.

Louis Dollo, le 13 sécembre 2010