L’arrêté préfectoral de protection de biotope est parfois improprement appelé «arrêté de protection de biotope» ou «arrêté de biotope». On utilise également les abréviations APB ou APPB. Il est pris par le préfet pour protéger un habitat naturel, également appelé biotope, abritant une ou plusieurs espèces animales et/ou végétales sauvages et protégées.
L’APPB peut concerner un ou plusieurs biotopes pouvant se trouver sur un même site. Par exemple: forêt, zone humide, dunes, landes, pelouses, mares...
L’effet du classement est particulièrement contraignant quant au droit de propriété. Il suit le territoire concerné lors de chaque changement de son statut ou de sa vente. Et ceci, le plus souvent, pour plusieurs années.
Quelle est l’utilité d’un tel arrêté?
L’APPB consiste à promulguer l’interdiction de certaines activités susceptibles de porter atteinte à l’équilibre biologique des milieux et/ou à la survie des espèces protégées y vivant.
En savoir plus sur les mesures de protection
- Cadre réglementaire d’un APPB
- Textes de référence: Décret n° 77-1295 du 25 novembre 1977, pris pour l’application des mesures liées à la protection des espèces prévues par la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature: ces dispositions sont codifiées aux articles R. 411-15 à R. 411-17 et R. 415-1 du code de l’environnement.
- La Convention de Bonn du 23 juin 1979, Annexe 2, sur la conservation des espèces migratrices
- La Convention de Berne du 19 septembre 1979, Annexe 2, relative à la conservation de la vie sauvage et des milieux naturels
- La Directive Européenne 2009/147 du 30 novembre 2009
- Code rural: art. L.211-l,
L.211-2;
art. R.211-12,
R.211-13 et
R.211-14. - Code de l'environnement:
- Partie législative: art. L 411-1 à L 411-31, L 415-1 à L 415-52
- Partie réglementaire: R 411-1,
R 411-15, R 411-16, R 411-17 et
R 415-1
- Circulaire n° 90-95 du 27 juillet 1990 relative à la protection des biotopes nécessaires aux espèces vivant dans les milieux aquatiques.
- Les effets juridiques d'un arrêté de protection de biotope
- Documents à consulter pour complément d'information
- La procédure conduisant à l’APPB
L’APPB est proposé par l’État, en la personne du préfet et généralement étudié par les DREAL concernées et signé après avis de la commission départementale des sites, de la chambre d'agriculture, et le cas échéant du directeur régional de l’ONF si une forêt publique est concernée ou si le territoire est soumis au régime forestier.
Bien souvent, il est fortement suggéré par des associations écologistes à la DREAL qui propose au Préfet.
- Il n’est pas soumis à enquête publique.
Le plus souvent, (certains diront systématiquement mais c’est laissé à l’appréciation du Préfet) un avis des conseils municipaux est demandé mais ceci n’a pas un caractère obligatoire.
L’APB une fois signé est:
- Publié au recueil des actes administratifs,
- Publié dans 2 journaux régionaux ou locaux
- Affiché en mairie.
- Les acteurs de la protection du biotope et leur implication
- L'initiative du classement appartient à l'Etat, sous la responsabilité du préfet qui prend l'arrêté de biotope. Les associations de protection de la nature apportent souvent leur soutien aux DREAL et aux DDEA dans la définition des projets.
- Les textes n'exigent pas l'avis du conseil municipal, mais dans la pratique, il est recueilli.
- En pratique, un comité de suivi placé auprès du préfet assure parfois une gestion et un suivi des classements et impliquera parfois les DREAL, des associations ou des communes.
- En savoir plus......
Actualisation / Evaluation
- L'arrêté ne peut être modifié ou supprimé que par un arrêté préfectoral pris dans les mêmes formes que celles qui ont présidées à son institution. Les textes ne prévoient pas actuellement d'actualisation ou d'évaluation régulière des arrêtés de protection de biotope.
- Des arrêtés modificatifs peuvent être pris pour adapter l'APB à l'évolution des circonstances (apparition de nouvelles menaces, évolution de l'intérêt biologique).
- Discussion
Sans parler d’arbitraire, nous sommes face à une décision administrative autoritaire où les élus, structures issues de la démocratie élective, n’ont aucun droit. Néanmoins, la loi instituant cette procédure autoritaire a été votée par des parlementaires. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas parler de procédure arbitraire ou dictatoriale au sens des droits de l’homme même si cela y ressemble.
Toutefois, il se pourrait que cette procédure légale ne soit pas conforme à l’application de la convention européenne d’Aarhus et donc de l’article 7 de la charte environnementale adossée à la Constitution.
Dans tous les cas, un tel arrêté constitue une captation des droits de liberté de travail et de circulation des personnes sans aucune consultation préalable et sans tenir compte de l’avis des personnes concernée. Même si des dérogations peuvent être prévues dans un arrêté, les habitants des territoires deviennent les spectateurs d’une contrainte qui leur est imposée.
Les habitants de ces territoires sont en fait les victimes de leurs bonnes pratiques environnementales conduisant à la présence d’espèces protégées sur leur territoire. S’ils n’avaient pas respecté ces bonnes pratiques, ces espèces n’existeraient plus et un arrêté préfectoral de protection de biotope ne se justifierait pas pour la tranquillité de tous. Un tel comportement préfectoral n’incite pas à protéger des espèces dites protégés sur des territoires avec activités humaines.
Une opposition des habitants et des conseils municipaux peuvent conduire à de nombreuses difficultés d’application telles que: non affichage en mairie (ou de manière aléatoire), détérioration des panneaux indicateurs de l’aire de protection, manifestations en tout genre bien plus perturbatrices que l’absence d’arrêtés. Ce type d’arrêté n’est donc pas, à priori, le meilleur moyen d’assurer une protection pérenne lorsqu’une non-acceptation sociale existe.
- En savoir plus....
- Conseil Constitutionnel: Article L. 411-2, 4° du code de l’environnement - Dérogations aux mesures de préservation du patrimoine biologique et principe de participation du public - Dossier documentaire
- Droit de l'homme et environnement
- Protection réglementaire en France selon l'UICN
- Le patrimoine naturel protégé grâce aux arrêtés préfectoraux de protection de biotope (Février 2008)
- Quelques chiffres et exemples d'arrêtés de protection de biotope
- La procédure de création d’un arrêté préfectoral de protection de biotope
Le grand avantage des arrêtés de protection de biotope par rapport à l’autre outil réglementaire que sont les réserves naturelles réside dans la souplesse de leur institution. En effet la création d’une réserve naturelle, elle s’appuie sur un processus approfondi de concertation, s’étalant sur plusieurs années.
La procédure de création d’une protection de biotope ne nécessite pas d’enquête publique et peut être rapide à mettre en place si elle ne rencontre pas d’opposition manifeste. Seuls les avis de la commission départementale des sites, réunie en formation de protection de la nature, de la chambre d’Agriculture et si le territoire est soumis au régime forestier, du directeur régional de l’ONF sont requis. Néanmoins, bien que cela ne soit pas obligatoire, il apparaît essentiel de solliciter l’avis des conseils municipaux, des propriétaires (si leur nombre n’est pas trop élevé), des associations concernées et des services de l’Etat concernés.
En effet, la simplicité de la procédure d’élaboration ne doit pas faire oublier que les mesures prises dans le cadre d’un APPB doivent être dûment justifiées puisqu’elles génèrent le plus souvent des restrictions aux libertés publiques, notamment pour les propriétaires des terrains concernés.
Les arrêtés de protection de biotopes sont donc des instruments déconcentrés qui peuvent être efficaces en cas de menaces envers une ou plusieurs espèce(s) et représentent une protection forte même s’ils sont dépourvus de la dimension de gestion des milieux. La Cour de Justice des Communautés européennes considère d’ailleurs que ces arrêtés constituent une mesure de conservation suffisante dans le cadre du réseau Natura 2000, lorsque les mesures contenues dans ces arrêtés permettent une protection effective des espèces à protéger.
En ce qu’ils visent la protection de biotope particulièrement identifiés, l’outil «arrêté de protection de biotope se rapproche des aires protégées de catégorie IV dans la classification UICN, et ceci malgré l’absence de gestionnaire désigné.
Source: Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable du 7 janvier 2010 mis à jour le 2 juillet 2012
- Les mesures de protection
Les biotopes sont de aires géographiques protégées par des mesures réglementaires:les arrêtés de protection de biotope. Ceux-ci ont pour objectif de prévenir la disparition d’espèces protégées. Ces arrêtés de protections ne relèvent pas d’une compétence nationale mais de celle de chaque préfet, représentant l’Etat dans les départements, et ils sont en conséquence limités au maximum à un département. Chaque arrêté vise un biotope précis, dans la mesure où il est nécessaire à l’alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de la ou des espèces concernées, et peut être de petite superficie ou englober un département entier.
La réglementation instituée par l’arrêté consiste essentiellement en interdiction d’actions ou d’activités pouvant nuire à l’objectif de conservation du ou des biotopes (et non des espèces elles-mêmes). Les interdictions édictées visent le plus souvent: l’écobuage, le brûlage des chaumes, le brûlage ou broyage de végétaux sur pied, la destruction de talus ou de haies, les constructions, la création de plans d’eau, la chasse, la pêche ou encore certaines activités agricoles telles que l’épandage de produits anti-parasitaires, l’emploi de pesticides, les activités minières et industrielles, le camping, les activités sportives (telles que motonautisme ou planche à voile par exemple), la circulation du public, la cueillette...
L’arrêté de protection de biotope ne comporte pas de mesures de gestion, il est limité à des mesures d’interdiction ou d’encadrement d’activités, susceptibles d’être contrôlées par l’ensemble des services de police de l’Etat. Toutefois, si aucune gestion n’est prévue dans le cadre d’un arrêté de biotope, il est souvent constitué d’un comité scientifique ou consultatif de suivi comprenant plusieurs partenaires dont la direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et de la Nature, les associations et les communes concernées.
Source: Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable du 7 janvier 2010 mis à jour le 2 juillet 2012
- Les effets juridiques d'un arrêté de protection de biotope - APPB
- Un arrêté de protection de biotopes peut interdire ou réglementer certaines activités susceptibles de nuire à la conservation des biotopes nécessaires aux espèces protégées.
- Le préfet peut prendre de larges mesures destinées à favoriser la conservation des biotopes: ainsi, pour protéger l'habitat de hérons cendrés, l'arrêté peut soumettre à autorisation la coupe des arbres compris dans le périmètre de protection (Voir CE, 21 janvier 1998, n° 114587)
- D'une manière générale, l'arrêté peut donc soumettre certaines activités à autorisation ; il peut également en interdire ou réglementer d'autres (dépôt d'ordures, réalisation de constructions, extraction de matériaux, etc.). En tout état de cause, les mesures prises doivent viser les milieux naturels en tant que tels et non les espèces faunistiques ou floristiques qui y vivent.
- Sont légales (TA de Melun, 21 juin 2002, n° 993612/4, n° 993615/4, n° 993640/4, n° 993667/4 et n° 993668/4, Joineau et autres c/ préfet de Seine-et-Marne; CAA Bordeaux, 21
novembre 2002, n° 98BX02219 et n° 98BX02220, Fédération des syndicats des exploitants agricoles de la Charente-Maritime et autres):
- La protection possible d'espèces protégées non sérieusement menacées à court terme;
- Le classement de l'ensemble d'un département;
- Le libre choix de l'Etat pour choisir l'instrument de protection le mieux adapté à la situation des espèces à protéger et aux conditions locales (parc national, réserves naturelles, etc.).
- Le préfet peut interdire, dans les mêmes conditions, les actions pouvant porter atteinte d'une manière indistincte à l'équilibre biologique des milieux et notamment l'écobuage, le brûlage des chaumes, le brûlage ou le broyage des végétaux sur pied, la destruction des talus et des haies, l'épandage de produits antiparasitaires (article R. 411-17 code de l'environnement).
- Les arrêtés de protection de biotope ne sont pas au nombre des servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation des sols qui doivent figurer en annexe des plans locaux d'urbanisme. En conséquence, le Tribunal administratif de Strasbourg (21 décembre 1992, AFPRN c/ ville de Wissemburg), arguant de l'indépendance des législations, a pu déclarer irrecevable le recours dirigé à l'encontre d'un permis de construire accordé sur un site naturel faisant l'objet d'un arrêté de protection de biotope.
- Le ministre de l'écologie peut utiliser son pouvoir hiérarchique sur les préfets pour annuler ou modifier la décision préfectorale (arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, 19 novembre 1998, n° 98BX01318. Il s'agissait en l'occurrence d'un recours contre une décision du préfet de la région Poitou-Charentes d'étendre l'application de l'article 2 de l'arrêté du 7 juin 1991 relatif à la protection du biotope du site des «portes d'enfer» à la zone réservée à l'escalade et de réglementer strictement la pratique des sports d'eau vives dans ce site).
- Les servitudes imposées par les arrêtés de protection de biotope ne sont pas indemnisables (ceci n'est pas prévu législativement). Cependant, elles peuvent être indemnisées si elles portent, au regard de l'intérêt général qu'elles ont pour objet de protéger, une atteinte excessive au droit de propriété (CAA Nancy, 28 janvier 1999, n° 95NC00371). Il s'agit dès lors d'une l'application de la responsabilité administrative de droit commun.
- Les interdictions édictées dans les APB ne doivent pas être formulées de façon générale, imprécise ou absolue et ne doivent pas être trop lourdes. Les finalités poursuivies n'étant pas les mêmes que lors de l'institution d'une réserve naturelle, l'APB ne peut pas imposer systématiquement les mêmes servitudes qu'en réserve naturelle (TA Bordeaux, SCI Vermeney, 2 décembre 1982).
- L'inobservation des prescriptions de l'APB est répréhensible du seul fait que l'habitat d'une espèce protégée est altéré. Il n'est pas nécessaire, pour emporter condamnation, de démontrer que des spécimens ont été détruits ou qu'ils ont souffert de difficultés de nutrition ou de reproduction (CA Rennes 2 juillet 1992, Salou n°1021/92). Cette jurisprudence a été confirmée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 juin 1996.
- Des sanctions pénales sont prévues en cas d'inobservation de la réglementation mise en place par un APB. Ainsi, l'article R. 415-1 du code de l'environnement punit d'une contravention de quatrième classe le fait de contrevenir aux dispositions d'un APB. Cela étant, le délit prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement peut également trouver à s'appliquer en cas de destruction ou d'altération du milieu particulier d'une espèce animale ou végétale protégée (Cass. Crim, 27 juin 2006, n° 05-84090).
- Quelques chiffres et exemples d'arrêtés de protection de biotope
Quelque chiffres
- Il existait au 1er janvier 2007 un total de 672 APB dont en 641 en France métropolitaine, 29 dans les départements d'outre-mer et 2 à Mayotte.
- Au mois de mars 2010, dix arrêtés ministériels portaient sur le domaine public maritime.
- La superficie totale des APB s'élevait à plus de 324 000 hectares au 1er janvier 2007 (Source: Service du patrimoine naturel, Muséum National d'Histoire Naturelle).
- Les APB concernent les milieux suivants:
- les eaux non marines (22,7%);
- les marais et tourbières (20,3%);
- les landes et pelouses (16,2%);
- les milieux artificialisés (12,5%);
- les rochers et grottes (12%);
- les forêts (11,1%);
- le milieu marin (5,2 %).
- Des exemples d'arrêtés
- Comble de l'église de Camaret créé le 12/01/01- Finistère ; milieu: Habitat . Motif de protection: Grand rhinolophe, oreillard sp;
- Penn al Lann créé le 30/10/00 – Finistère; milieu: Lande littorale; Motif de protection: ranonculus nodiflorus, Orchis coriophora-Isoetes hystrix;
- Les biotopes dits «Crête des Leissières et de l'Iseran créé 12/05/2000: Savoie ; milieu: flore montagnarde;
- La rivière de la Dordogne-Corrèze; milieu: rivière ( 30 km linéaire); Motif de protection: le saumon atlantique;
- Idem pour la rivière de la Gartempe -Haute –vienne; (40 km linéaire) même motif;
- Milieux humides de la vallée de la Seille, le 3 mai 2002.
- La procédure peut concerner des sites de faible surface (comme l'étang de RUSTLOCH dans le Bas Rhin qui couvre environ 0,5 hectares).
- Commune de Larrau dans les Pyrénées-Atlantiques, vallée de la Soule, pour la protection du Gypaète Barbu (30 octobre 2012)