Le Monde des Pyrénées

Le Rotary, bras armé de la deep ecology? - 2013

Après que le WWF ait tenté de mettre la main sur les formations à la «bonne bouffe» du mouvement Slow Food et que les multiples organisations de l’écologie profonde cherchent à s’implanter sournoisement dans divers organismes, voici que le Rotary (1), honorable institution qui "met ses compétences au service des autres", rentre dans la danse par des moyens assez peu appréciés chez certains éleveurs.

Il s’agit, selon le titre du Dauphiné.com du 17 avril 2013, d’un «grand rendez-vous avec la biodiversité». Et il est précisé: «L’opération est d’envergure, sous le nom de Ryla, ou Rotary Youth Leadership Awards. Il s’agit d’un séminaire à la gouvernance sur le thème de la biodiversité». Voilà donc le Rotary parti pour une opération quasi militaire sous le nom de code Ryla. Et pour embellir l’action, on parle de «biodiversité». Une manière la plus parfaite pour «enfumer» le naïf car tout se gâte dès le début de la présentation du séminaire.

La plaquette de présentation de RYLA 2013 «Parler de biodiversité» laisse pantois dès les premières phrases. Il y est précisé: «Parler de biodiversité c'est s'intéresser à ce qui nous entoure. Dans le département des Hautes-Alpes on peut l'envisager de toutes les manières possibles: la flore, la faune, les paysages sont à relier aux hommes, leurs cultures, leurs représentations. Depuis le col Bayard, nous vous proposons de parcourir la vallée du Champsaur pour apprendre et comprendre le concept de biodiversité». Edifiant! Il manque un maillon essentiel à la biodiversité: l’homme. Il n'est pas à relier à la flore, la faune et les paysages il est et doit être inclus dans l'ensemble en qualité de vivant.

- Une manipulation sur le thème de la biodiversité.

La présentation du séminaire biaise la définition même de biodiversité. Selon le site Web du Ministère de l’Ecologie: «La biodiversité, contraction de biologique et de diversité, représente la diversité des êtres vivants et des écosystèmes: la faune, la flore, les bactéries, les milieux mais aussi les races, les gènes et les variétés domestiques. Nous autres, humains appartenons à une espèce – Homo sapiens – qui constitue l’un des maillons de cette diversité biologique. Mais la biodiversité va au-delà de la variété du vivant! Cette notion intègre les interactions qui existent entre les différents organismes précités, tout comme les interactions entre ces organismes et leurs milieux de vie. D’où sa complexité et sa richesse».

Pour l’association «Humanité et biodiversité» présidée par Hubert Reeves: «la biodiversité c’est l’ensemble des êtres vivants et de leurs interactions, autrement dit le vivant et son «fonctionnement»». Et elle distingue trois niveaux de biodiversité: la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des écosystèmes.

Il est clair que l’homme fait partie de cette biodiversité. Mais pour le Rotary: «Nous participons à la biodiversité, nous en dépendons, mais nous l'oublions souvent». Non! Nous lui appartenons et nous agissons, par nos activités indispensables, sur la complexité des interactions. Le Rotary emploi le langage des organisations sectaires de l’écologie en plaçant l’homme à côté de la biodiversité pour en faire un élément destructeur voir même une anomalie sur la planète. C’est le principe de l’idéologie du tout sauvage, notamment pour les Alpes et les Pyrénées, espaces dédiés aux grands prédateurs selon le rapport Guth-Bracque (3).

- Le loup et encore le loup… Pourquoi pas la tique ou la sauterelle

En analysant le programme, le tiers des sujets tournent autour du loup. Comme si le loup était emblématique des montagnes et constituait à lui seul la biodiversité.

Matinée. Table ronde sur les espèces protégées dont le Loup. Biodiversité et espèces protégées.

Après-midi. Pastoralisme et loup, l'«anthropodiversité» au péril de la biodiversité? Découverte de la Maison du berger: un Centre d'interprétation des cultures pastorales alpines à Champoléon.

Le pire dans ce programme est de faire la distinction entre «biodiversité et espèces protégées». La biodiversité ne souffre pas de cette distinction. Elle est globale, avec l’ensemble des espèces, y compris l’humain, et de ses interactions. Nous voyons ici une volonté manifeste de ne parler que d’une espèce au détriment des autres: le loup. Et là, il ne s’agit plus de biodiversité. De la même manière, à aucun moment dans ce programme, il n’est question de l’action des animaux d’élevage, de l’interaction de l’homme et ses bêtes. Et pourtant, nous sommes dans la maison du Berger où, curieusement, il n’y a pas de pasteurs / bergers pour parler de son action. La preuve que l’homme est bien exclu de la réflexion, lui qui détruit la planète.

Vouloir ramener la biodiversité au loup fait partie d’une politique qui n’est pas nouvelle. Nous aurions pu parler de la tique (qui peut s’avérer dangereuse avec la maladie de Lyme) ou de la sauterelle. Mais ni l’une ni l’autre ne rapporte autant d’argent à des associations et organismes divers que le loup, ou l’ours dans les Pyrénées. Tout est business malgré les protestations des heureux bénéficiaires qui ne sont jamais les victimes du loup malgré de nombreuses affirmations mensongères.

- Les Alpes condamnés à l’ensauvagement, le Rotary participe à son enterrement.

En favorisant de tels séminaires particulièrement orienté par des participants qui appliquent une politique idéologique de l’ensauvagement des massifs, le Rotary participe à une éducation prévue à la Convention de Berne (2) en vue d’une manipulation en faveur d’un ensauvagement programmé des massifs.

Le rapport Guth - Bracque (3) cible ouvertement les Pyrénées et les Alpes faites pour le loup, où les brebis "ne sont qu'une opportunité supplémentaire au prédateur opportuniste" (sic, page 20). Et à la même page il est précisé: "il n’en est pas de même dans des secteurs importants d’élevage bovin des bassins allaitants du Massif Central entre autres." Les jeux sont faits depuis longtemps. Les activités de pastoralisme sont, aux yeux de ces hauts fonctionnaires, condamnés au profit d’une seule espèce: le loup. L’humain, ici le berger mais à terme, tous les usagers de la montagne sont dans le viseur de l’abandon de certains territoires au profit d’espaces strictement sauvage. Où est la biodiversité entretenue depuis des millénaires par les bergers? Le Rotary sera-t-il complice de cette manipulation ayant également pour but de rompre l’équilibre social et économique de régions entières? N’est-ce pas un enterrement auquel on assiste actuellement? Le Rotary portera-t-il les cierges?

- Une intervention de l’UICN, est-ce vraiment sérieux?

Nous pouvons nous interroger sur le sérieux et de la crédibilité de la présence d’Hervé Cortot pour un tel séminaire. Chargé de mission scientifique au Parc National des Ecrins il est également présenté comme: «Membre actif de l’UICN (Union International pour la Conservation de la Nature)». Et c’est bien tout le problème. Le 14 mars 2009, New Scientist titré son éditorial au sujet de l’UICN: «Nous avons besoin de connaître toute la vérité à propos des espèces en danger». Dans le même temps, Rachel Nowak parle des «imperfections de la Liste Rouge mettent des espèces en danger». Et il précise dans son article: «La liste rouge voudrait être un standard scientifique de haut niveau, un système transparent, en réalité ce n'est pas le cas». Les arguments ne manquent pas pour mettre en doute la crédibilité de l’UICN.

Le sujet ne serait que palabre sans intérêt pour nous s’il ne concernant pas l’ours et le loup, eux sujet hautement polémique. Le 19 juin 2012, un communiqué de presse de l’UICN titré: «Liste rouge 2012 des espèces menacées de l’UICN: la France au 5ème rang mondial» attire l’attention de Bruno Besche-Commenge de l’ ADDIP. Il écrit: «Le titre du communiqué de presse de l’UICN, qui place la France au 5° rang mondial pour les «espèces menacées», est très ambiguë. Il ne s’agit pas en effet des espèces en général, ni de toutes celles plus ou moins présentes en France, mais comme il est dit ensuite dans le texte: des «espèces animales et végétales menacées au niveau mondial.»Il précise: «Et cela change tout, en effet ne sont pas concernées les espèces qui, même présentes sur le sol national, ne sont pas par ailleurs menacées de disparition. La manipulation consiste à «oublier» cette dimension mondiale pour glisser en généralisant à toutes les espèces présentes en France quel que soit leur statut mondial».

En reprenant les seuls éléments fournis par l’UICN il conclut: «En confondant tous les niveaux, à l’encontre même de ce que demande l’UICN, c’est à une supercherie et une manipulation verbale totalement inacceptables que se livre le Comité français. Contre productives aussi: car c’est bien les espèces mondialement menacées qui sur notre territoire devraient être l’objet de tous les efforts et non celles qui ne le sont pas du tout».

Face à cette supercherie, que peut dire et faire Hervé Cortot? Que l’UICN a manipulé tout le monde? Que le loup n’est pas une espèce menacée? Car le loup n’est effectivement pas une espèce menacée.

Et alors là, c’est toute l’architecture, le contenu et la philosophie de ce séminaire sur la biodiversité qui tombe à l’eau.

Louis Dollo, le 18 avril 2013

(1) Ce séminaire est organisé par les clubs Rotary de Gap et de Gap Charance dans les Hautes-Alpes

(2) Recommandation n° 17 (1989) du comité permanent de la Convention de Berne relative à la protection du loup (Canis Lupus) en Europe (adoptée par le Comité permanent le 8 décembre 1989) – Voir le § B-Education

(3) «Evaluation des actions menées par l’Etat dans le cadre du Plan d’Action sur le loup 2004-2008» Guth-Bracque - 2008