- Le plus connu des naturalistes limousins fait partager ses passions corréziennes
Ce pilier du Centre nature la Loutre , anime également la rubrique quotidienne «Naturellement» sur France Bleu Limousin. Eco-interprète, ornithologue et correspondant du Muséum national d’histoire naturelle, il travaille essentiellement en Haute-Vienne, mais il s’est installé sur la terre de ses ancêtres, à Saint-Bonnet-les-Tours-de-Merle.
- Pourquoi êtes-vous revenu en Corrèze?
J'ai eu la chance de pouvoir créer, alimenter et orienter mes diverses activités professionnelles. C'était aussi un choix partagé avec ma compagne. Pour moi, c'était aussi une évidence.
Dans ma famille, on était trois enfants, mais j'ai toujours été très attaché à mes grands-parents qui vivaient ici, dans cette maison, à Saint-Bonnet-les-Tours-de-Merle. Des gens simples, qui subsistaient très chichement. Par exemple, mon grand-père n'a jamais été aussi riche que lorsqu'il a commencé à toucher son minimum vieillesse.
- «Il faut développer l'éco-tourisme et l'agriculture bio»
Ça permet de relativiser, de voir le monde autrement. Surtout dans cette période très insécurisante. En Corrèze, on a la chance d'être beaucoup moins impactés par la crise que la plupart des gens qui vivent en ville. Si demain on nous ferme les banques, il y aura toujours la terre et elle n'est pas virtuelle.
- A vos yeux, quel est le principal atout de la Corrèze?
D'avoir su préserver sa ruralité. On a un tissu rural qui est en train de mourir. Et en même temps, on y vit bien.
On bénéficie d'un environnement de vie et de travail exceptionnel. Ici, on a aussi accès à tous les services importants.
- Et sa principale faiblesse?
L'inconvénient de cette ruralité, c'est qu'on est un peu isolé et que la désertification fait son 'uvre. Par exemple, dans la maternelle du RPI Goulles-Sexcles, il n'y a que trois enfants. C'est chouette et inquiétant. Sur notre canton de Merc'ur, on n'a pas de pharmacie, pas de boulangerie. Un médecin vient d'arriver…
- Quels sont les leviers que la Corrèze doit activer pour son développement?
Continuons à développer nos atouts, mais encore plus dans le respect de l'environnement. Les exemples qui m'inspirent sont ceux des Corréziens chefs d'entreprises, viscéralement attachés à leur terre, qui reviennent pour faire vivre leur département. Ce qui s'est passé à Auriac avec Sothys.
Il faut développer l'écotourisme, encourager la diversification dans les exploitations agricoles. Et développer l'agriculture bio, car la demande est forte. Enfin, il ne faut pas oublier la protection de l'environnement. Aujourd'hui, on n'a en Corrèze aucun espace naturel protégé stricto sensu, alors que la Haute-Vienne en a deux et la Creuse un.
- Quelle est la meilleure chose qui soit arrivée à la Corrèze ces dernières années?
A tout bien réfléchir, je crois que ce sont ses hommes d'État: Chirac et Hollande. Ils sont importants, notamment sur le plan de la notoriété du département et des réalisations qui ont été initiées par eux. Il y avait avant eux les Michelet ou les Cueille…
- Les Corréziens sont-ils accueillants?
L'hospitalité, c'est plutôt un signe de la ruralité. Ici, les gens savent encore accueillir. En ville, c'est plus compliqué.
- Quel est le cliché dont est affublée la Corrèze qui vous énerve le plus?
Une chose m'agace et me flatte à la fois. Partout où vous allez si vous dites «la Corrèze», on vous répond «c'est Chirac». Un autre cliché: on parle des fois du côté pingre, «Auvergnat», des Corréziens. Par contre, je pense que la Corrèze souffre moins que la Creuse ou la Haute-Vienne de l'image du «trou».
- Que manque-t-il le plus au département?
La foi. Les Corréziens devraient croire plus en leur terre et leurs atouts. Par exemple, on dénigre facilement dans le monde rural, notamment le tourisme, alors que son chiffre d'affaires est passé devant l'agriculture à l'échelle du département. Sur certaines exploitations agricoles, la location de gîtes ruraux représente 30 % d'activités. On reste très défaitiste en Corrèze, alors qu'il faut de l'assurance. Notre ruralité est très moderne. Privilégier le commerce local
- Où allez-vous faire vos courses?
On essaye d'abord de faire tourner le commerce local. On redécouvre les tournées de l'épicier de Goulles, Laurent, qui est aussi le frère du voisin. Pour la viande, on privilégie les circuits courts.
Pour les autres courses, notre gros bassin de vie, c'est Argentat, son marché et beaucoup moins ses supermarchés. On a aussi un gros potager, des poulets. On a même acquis récemment un groupe électrogène, au cas où il y aurait une panne d'électricité.
- Comment voyez-vous la Corrèze en 2030?
Si elle arrive à maintenir sa ruralité, elle peut être l'un des départements qui souffrira moins de ce qui peut mal se passer d'ici là. Nous, les ruraux, on n'a plus d'emprise sur grand-chose. Désormais, 80 % de la population nationale vit en ville. J'ai peur que la campagne soit encore un peu plus vidée en 2030, avec plein de résidences secondaires partout. Mais si le système se casse la gueule, notre territoire pourrait redevenir attractif.
- Vous sentez-vous Limousin?
Oui. Tous mes aïeux sont en Corrèze, mais je suis né à Limoges, j'ai travaillé en Creuse. Je suis content d'être limousin. Le Limousin est le territoire administratif où la plus forte proportion des gens s'identifie à cette appartenance régionale, c'est très bien ainsi.
- Si vous ne viviez pas en Corrèze, où aimeriez-vous vivre?
Partout ailleurs en Limousin.
Auteur: Dragan Pérovic
Source:
La Montagne du 3 janvier 2012