- Impact sur les populations d'ongulés
- Analyse de la situation actuelle des populations d'ongulés
- Rappels sur la méthodologie employée
Une enquête a été réalisée dans le courant de cet hiver auprès des ACCA, des agents du Parc National des Pyrénées Occidentales, de la Fédération Départementale des
Chasseurs et de l'Office National de la Chasse. Cette enquête a permis de mieux appréhender par espèce, le long de la RN 134, les effectifs, leur répartition dans
le temps et dans l'espace, ainsi que l'évolution probable des populations dans les années à venir. Enfin, au vu des éléments de réponse à cette enquête, une carte
récapitulant les lieux de traversée actuels a pu être dressée
Dans le cadre du suivi de la population d'ours aux abords de la RN 134, des observations de traces d'ongulés ont été effectuées ce printemps. Une carte synthétique
sera élaborée et distinguera par espèce la fréquence supposée des traversées.
- Situation actuelle des populations d 'ongulés en Vallée d'Aspe
- Chevreuils:
population en expansion, colonisation des forêts d'altitude. Les prélèvements ont été multipliés par 5 en 11 ans. - Sangliers:
population également en augmentation. L'ensemble de la vallée est occupé à l'exception de la plaine de Bedous. Les dégâts sur les cultures agricoles ont augmenté significativement au cours des ces dernières années (x 2 de 1986 à 1990). - Isards:
population jusqu'ici essentiellement cantonnée dans le Parc National et en augmentation depuis 1980. A l'avenir, suite à la récente application du plan de chasse, cette population devrait essaimer dans la vallée.
- Impact actuel de la RN 134
A priori l'impact peut être considéré comme très faible. En effet le niveau du trafic journalier estimé à I 000 véhicules/jour est généralement considéré comme non perturbateur pour la grande faune, et ce d'autant moins que l'essentiel du trafic au cas particulier de la Haute Vallée d'Aspe est actuellement diurne. Cette impression est confortée par le faible nombre de collisions enregistrées par an (1 à 2).
- Impact probable du réaménagement de la RN 134
L'analyse bibliographique et la comparaison avec d'autres situations sur notre territoire laissent à penser que l'impact à attendre est lié à l'augmentation du trafic, notamment nocturne. Deux effets sont attendus:
- Augmentation des risques de collision,
- Modification de la répartition des populations dans la vallée d'Aspe.
- Cas du chevreuil: impact faible, augmentation prévisible des collisions;
- Cas de l'isard: impact faible voire favorable au niveau du Col du Somport du fait d'une diminution de trafic liée à la mise en service du tunnel. Plus en aval, au niveau des Forges d'Abel et du Pont d'Esquit et augmentation prévisible des risques de collisions.
- Cas du sanglier: en aval des Forges d'Abel, I'augmentation du trafic risque de contrarier les déplacements entre versants d'où modification de la répartition des populations en haute vallée, et augmentation probable des risques de collision.
- Définition des zones sensibles vis-à-vis des ongulés: mesures compensatoires
Certains secteurs sont à aménager prioritairement sous réserve de la confrontation des informations déjà en notre possession avec l'exploitation des données recueillies ce printemps.
La définition des mesures compensatoires devra tendre à maintenir les possibilités de franchissement de la RN 134 par la grande faune en minimisant les risques à la fois pour les usagers et les grands mammifères. Un certain nombre de recommandations seront émises quant au profil en travers de la route, aux aménagements annexes des abords, de façon à rendre cette route perméable aux déplacements de la faune. Toutefois, le rétablissement des passages sur les secteurs jugés les plus sensibles nécessitent des aménagements particuliers. A priori, les zones à aménager prioritairement concernent également des secteurs sensibles pour l'ours (cf. 24): la conception des aménagements devra en tenir compte.
- Impact sur les populations d'ours bruns
- Aire de présence de l'ours brun dans les Pyrénées françaises
L'ours brun est présent sur le versant Nord des Pyrénées, particulièrement en Haut Béarn et Haut Comminges. Son aire de distribution comprend un "domaine d'errance" vaste et peu connu et deux noyaux de présence régulière complètement séparés. Le "noyau" des Pyrénées centrales ne comprendrait plus qu'un individu.
Le noyau centré sur les vallées d'Aspe et d'Ossau comprend une dizaine d'individus. Le dernier territoire français où survit une population d'ours est donc centrée sur le site où s'inscrit le projet d'élargissement de la RN 134.
L'Office national de la Chasse, depuis 1985, au travers du "réseau ours", suit l'utilisation de l'espace occupé par l'ours brun. La présence de l'ours brun est décelée par les nombreux signes d'activité que laisse l'animal. Les méthodes utilisées sont exclusivement basées sur la recherche et l'interprétation des signes de présence et d'activité des animaux: empreintes, laissées ( = excréments), dégâts aux troupeaux, etc.; ces méthodes vont du recueil et synthèse de témoignages au parcours périodiqued'itinéraires-échantillons et à la recherche simultanée de pistes d'ours (transects).
Au cours de ces dernières années, l'ours s'est manifesté dans le département des Pyrénées Atlantiques sur une vaste région d'environ 80 000 ha couvrant les vallées d'Ossau, d'Aspe, de Barètous et de Haute Soule. Les effectifs estimés seraient de 2 à 4 individus dans le secteur Barètous-Aspe et de 4 à 6 dans le secteur Aspe-Ossau. A peine plus de la moitié de l'aire de répartition de l'ours dans le département (48 000 ha) s'est avérée régulièrement fréquentée par l’espèce.
- Impact actuel de la RN 134
- Données générales
L'ours est considéré comme un animal normalement extrêmement méfiant, craintif vis-à-vis de l'homme et très sensible au dérangement. Bien que le niveau actuel de circulation sur la RN 134 soit faible, un seul indice de traversée a été recueilli au cours des dernières années (1987). Les données bibliographiques montrent néanmoins que quand la pression démographique n'est pas suffisante, les ours ne sont pas contraints à de fréquentes traversées pour maintenir leurs domaines vitaux.
- Occupation de la vallée d'Aspe par la population ursine
Données extraites de l'étude menée par l'ONC et le "réseau ours" au cours des 10 dernières années (C’est à dire de 1981 à 1991)
- Aires de répartition et de présence régulière
Tous les dégâts avérés et témoignages fiables relevés au cours de ces 10 dernières années ont été pointés sur carte. L'abondance relative des observations permet de distinguer 2 types de zones:- zones de présence occasionnelle comprenant les unités dans lesquelles ont été recueillies moins de 10 données,
- Zones de présence régulière, comprenant les unités dans lesquelles ont été recueillies 10 données ou plus.
- Zones d'activités particulières
Au sein de la zone de présence régulière, se trouvent des zones d'activités particulières: il s'agit de sites précis reconnus comme étant essentiels ou vitaux pour les ours (hibernation, repos, passages obligés, alimentation saisonnière, marquage, élevage des jeunes...). Tous les sites vitaux d'intérêt primordial pour l'ours dans la zone d'étude sont répertoriés sur les cartes figurant en annexes 2 et 3. Ainsi certaines zones vitales sont contiguës à la RN 134, telles celles situées de part et d'autres de Cette-Eygun; de plus, sur la partie située au sud de la plaine de Bedous les sites vitaux répertoriés ne sont jamais très éloignés de la RN 134 (distance toujours inférieure à 1,5 km). - Réserves spécifiques
Parmi les zones d'intérêt reconnu pour l'ours, et afin d'en "prévenir la destruction et d'en favoriser le repeuplement", certains secteurs ont été mis en réserve de chasse par arrêté ministériel en date du 5-9-1990. On peut citer sur le secteur d'étude:- Les réserves de Couroucou et des Pises, Cayalatte et Cristallerie contiguës à la RN 134, couvrant respectivement 388 ha et 797 ha.
- Les réserves de Narbeze, Yeze et du Pacq, plus éloignées de la RN 134, couvrant respectivement 768 ha et 246 ha.
Etudes ponctuelles réalisées au cours de l'année écoulée
Dans le but de disposer d'informations complémentaires sur la fréquentation des abords de la route (moinde 300 m) par l'ours, un protocole de recueil d'indices a été mis en place
en collaboration avec les membres du "réseau ours". Dans ce cadre, une dizaine de prospections systématiques ont été réalisée après des chutes de neige, et 130 points ont été
aménagés pour faciliter le recueil d'indices de présence d'ours aux abords de la route.
Il apparaît qu'au cours de ce printemps, période a priori la plus favorable, aucune traversée ou présomption de traversée de la RN 134 n'a été mise en évidence. Ce résultat négatif signifie seulement qu'aucun ours n'a traversé la route sur les sites observés durant les 4 mois de prospections effectuées au cours de l'étude
- Impact probable du réaménagement de la RN 134
- Généralités
Une analyse exhaustive de la bibliographie internationale a été effectuée sur les différents aspects relatifs à l'impact d'une infrastructure routière sur une population d'ours brun (mortalité directe par collision, disparition de secteurs écologiquement favorables autour de la route, coupure des domaines vitaux individuels, fragmentation de la population, ...) Les principaux points ressortant de cette analyse sont:
- La fréquentation des abords des routes par l'ours et la fréquence de traversée de ces voies diminuent quant le trafic augmente, avec un gradient dépendant du degré de méfiance de l'ours vis-à-vis de l'homme,
- L’utilisation des bords de routes et la traversée de celles-ci sont favorisées s'il existe un couvert végétal dense de part et d'autre de la voie.
- Devenir de la population ursine
a) Isolement de sous populations
Il résulte de ce qui précède que le réaménagement de la RN 134 et l'augmentation du trafic en résultant devraient à terme entraîner la scission définitive de la population
relictuelle des Pyrénées Atlantiques en deux sous populations distinctes.
Cet isolement de sous populations d'ours de part et d'autre de la RN 134 risque de se traduire par une réduction significative de la diversité génétique. Les estimations des effectifs de chacune des sous populations sont très faibles actuellement, rendant hautement probable la consanguinité directe entre les individus. Cette consanguinité, à l'origine de l'homozygotie, augmente la mortalité et réduit la fécondité.
La conjugaison d'effectifs particulièrement réduits et d'une consanguinité hautement probable ne peut qu'aboutir, à moyen terme, à l'extinction de chacune des sous populations.
b) Cloisonnement de l'espace
Le fractionnement de la zone de présence de l'ours en deux unités géographiques distinctes, sans possibilité de communication ou avec des possibilités par trop restreintes, et de
surface insuffisante, rend à lui seul hautement improbable le maintien et a fortiori le développement d'une population viable.
c) Mortalité directe par collision
Bien qu'aucune traversée récente de la RN 134 n'ait pu être démontrée, les risques de mortalité directe sont réels. Or la perte accidentelle d'un individu, notamment adulte
reproducteur, peut être considérée comme fatale pour l'avenir de la population en son état actuel.
d) Disparition de secteurs écologiquement favorables
L'aménagement de l’itinéraire Pont d'Escot-Forges d'Abel comprend sur un certain nombre de sites la création d'une voie supplémentaire dès que la pente dépasse 4 %. D'autre part,
il est prévu un contournement des agglomérations de Cette-Eygun, Etsaut, Urdos. Les extensions d'emprise correspondantes risquent d’entraîner la destruction de tout ou partie de
certains secteurs écologiquement très importants pour l'ours (nourriture, sites de repos, ...).
Le réaménagement de la RN 134 en Haute vallée d'Aspe est susceptible d'avoir des conséquences irrémédiables sur la seule population relictuelle d'ours de notre territoire. Les risques encourus sont d'abord et surtout liés à la fragmentation de la population puis à un moindre degré liés à la disparition de secteurs favorables et à une mortalité par collision.
Il s'avère nécessaire de prévoir des possibilités de franchissement réellement efficaces sous peine de disparition définitive de la population et de l'impossibilité de sa restauration ultérieure.
- Réflexions sur la définition de mesures compensatoires
Dans la mesure où cette étude doit s'inscrire dans une politique de conservation de l'ours (cf. statut juridique de l’espèce, directive interministérielle du 22 septembre 1988, ayant pour objet la restauration des populations), qui sous entend le maintien à long terme d'une population viable, la route doit être aménagée de façon à:
- Permettre les rencontres entre individus situés de part et d'autre de la vallée,
- Eviter les accidents affectant des individus en transit,
- Préserver la qualité d'accueil de certaines zones situées en bord de route ou à sa proximité immédiate.
- Références étrangères
La consultation systématique de la bibliographie internationale ne nous permet pas d'utiliser des enseignements tirés d'expériences étrangères. En effet il n'existe aucune donnée sur des ouvrages de franchissement spécifiques aux ours.
- Principe des aménagements
Il s'agit essentiellement d'assurer à l'ours des possibilités permanentes de franchissement de l'important obstacle que représentera la RN 134 réaménagée.
Le caractère vagabond de l'ours et sa puissance physique rendent manifestement inefficace tout dispositif classique tendant à canaliser les animaux vers des sites ponctuels de franchissement.
L'extrême méfiance de l’animal, et l'imprécision de nos connaissances, conduisent à proposer des sites de traversés très largement dimensionnés (plusieurs centaines de mètres) présentant après aménagement un caractère aussi "naturel" que possible.
Le passage enterré ou souterrain de la RN 134 paraît dès lors la solution la plus appropriée.
La RN 134 devrait donc emprunter chaque fois que nécessaire, et en fonction des conditions géologiques et topographiques, soit un tunnel routier classique, soit un passage busé (type buse matière) au-dessus duquel aura été rétablie une couverture arbustive suffisamment dense et attractive.
- Implantation des sites à aménager
En l'état actuel de la réflexion, six secteurs apparaissent importants vis-à-vis de l'ours. Il s'agit de zones potentielles d'alimentation sans équivalent à des altitudes plus élevées, de zones de refuge, de zones potentielles de transit entre les secteurs Aspe-Baretous et Aspe-Ossau. Les sites à aménager sont surlignés en rouge sur les cartes figurant en annexe 2 et 3. Du Nord au sud, il s'agit des secteurs:
- des Sablas (longueur: 1.000 m),
- du Pont d'Esquit (longueur: 400 m),
- de Brouca (longueur: 500 m),
- de l'Escuarpe, (longueur: 700 m + 200 m),
- du Pont de Cebers (longueur: 1 100 m),
- de Sarrot du Mirail (longueur: 400 m).
La longueur cumulée des secteurs à aménager est ainsi d'environ 4.300 m.
- Problèmes rencontrés
La nature et la faisabilité des ouvrages à réaliser ne pourront être définitivement arrêtées qu'après des études détaillées de génie civil.
A priori, la réalisation des aménagements risque d'être délicate sur certains sites en raison notamment de l'instabilité du terrain (zone des Sablas en particulier).
Mais sur le plan technique, le principal obstacle à la réalisation de tels ouvrages parait lié à l'existence de la voie ferrée Pau-Canfranc, certes désaffectée depuis longtemps, mais dont le maintien en l'état est susceptible de contrarier voir d'interdire la mise en oeuvre d'aménagements satisfaisants sur 5 des 6 secteurs précédemment cités. Le problème se pose néanmoins surtout sur les secteurs de Brouca, de l'Escuarpe et du Pont de Cebers, avec la présence de murs de soutènement contigus à la route ainsi que de tunnels ferroviaires.
Il faut bien noter que l'abandon, en raison du maintien de la voie ferrée, de plusieurs des dispositifs préconisés ou la réalisation de franchissements aux caractéristiques inadaptées, rendraient hautement hypothétique, vis-à-vis d'une population ursine restaurée ou non. l'efficacité de l'ensemble des aménagements.
La mise en oeuvre de mesures compensatoires sous forme de dispositifs de franchissement est donc susceptible d'être subordonnée à une décision définitive quant au devenir de la voie ferrée Pau-Canfranc.
Enfin, pour terminer, il convient de noter que la conception et la mise en oeuvre de telles mesures compensatoires sont également soumises à des contraintes d'ordre paysager
[1]- Conclusion provisoire
Le réaménagement envisagé de la RN 134 en Haute Vallée d'Aspe, de Sarrance au lieu dit les Forges d'Abel (tête du futur tunnel du Somport) ne peut manquer d'induire quelques perturbations sur les populations d'ongulés (chevreuil, isard, sanglier). Mais l'impact le plus préjudiciable concerne la seule population relictuelle d'ours de notre territoire. Cette population, déjà très fragilisée en raison de son sous-effectif et de son fractionnement déjà existant, verrait, en l'absence de mesures compensatoires, ses chances de survie largement réduites.
Aussi des aménagements tendant à maintenir une libre circulation des animaux entre les deux versants de la Vallée d'Aspe doivent être envisagés.
En l'absence constatée de toute information sur des aménagements spécifiques à l'ours, il convient de privilégier des réalisations aussi "naturelles" que possible: sur le tronçon considéré (30 km), le passage souterrain ou enterré de la RN 134 devrait être envisagé sur environ 4,5 km répartis en 6 secteurs.
Les contraintes liées à la nature du terrain, au devenir de la voie ferrée Pau-Canfranc, et à l'impact sur le paysage, doivent être prises en considération.
Nogent-sur-Vernisson, le 26 juin 1992
(1) Au 25 octobre 2001 nous n’avons pas encore pu nous procurer le rapport définitif.
- Observations
- L'ours des Pyrénées
- Rapport sur les conséquences dur les ours de l'aménagement de la route en vallée d'Aspe - Servheen et Huber - 1993
- Les écologistes veulent-ils vraiment faire cohabiter ours et pastoralisme?
- Une conception "écologique" de la nature et des hommes contradictoire avec la défense et le respect des deux