- À propos des ours et des Pyrénées, nouveau mensonge de M. Quenette, chef de projet Ours à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage
Porte parole et chargé de recherches de l’ADDIP, j’ai à plusieurs reprises rendues publiques, par écrit, en réunion, dans les médias, des analyses qui montraient comment M. Pierre-Yves Quenette, chef de projet Ours (ETO) à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, procédait souvent à une manipulation, voire une radicale déformation, des données au sujet de l’ours dans les Pyrénées.
Un bilan de ces agissements a été remis à M. le Préfet de Région par le Président de l’ADDIP, Philippe Lacube, lors de la réunion à la Préfecture de Région en décembre 2008 censée être celle de mise en place d’un «groupe ours», aussitôt mort-né. Aucune réaction du Ministère de l’Environnement dont dépend l’ETO.
Un nouveau document vient ajouter à cette technique de M. Quenette qui s’apparente au rideau de fumée visant à masquer la réalité à tous les niveaux politiques où se prennent les décisions concernant l’ours en France.
Ce n’est rien moins que celui qu’il a envoyé au nom de notre pays à la Commission Européenne de l’Environnement, publié sous son nom dans «Status, management and distribution of large carnivores – bear, lynx, wolf & wolverine – in Europe DECEMBER 2012 - Part 2». Cette synthèse sur la situation européenne des grands carnivores fait partie de l’ensemble des documents de travail qui ont été remis aux participants du «Stakeholder Workshop on EU Action on Large Carnivores» qui vient d’avoir lieu à Bruxelles le 25 janvier dernier. J’y représentais l’ADDIP.
Une fois de plus, M. Quenette y manipule et déforme la réalité, à l'inverse de ce que font TOUS LES AUTRES PAYS dans les bilans qu’eux aussi ont fournis. Il est particulièrement intéressant de constater la différence, pour un même massif et une même situation, entre M. Quenette et la façon dont, pour l’Espagne, Guillermo Palomero et Juan Carlos Blanco, qu’il connaît bien, procèdent eux de façon honnête même si le constat assez négatif qu’ils font ne les satisfait certainement pas davantage (1).
Cette fois M. Quenette décide non seulement de minimiser, mais de passer sous silence les problèmes concrets que posent sur le terrain la présence de ces ours importés, et le rejet dont l’opération est l’objet dans la population locale. Ce n’est pas un hasard s’il le fait dans un document destiné à l’UE: la Directive Habitats (législation européenne qui encadre la gestion des ours), insiste dès le début (art. 2) sur la nécessité dans ces opérations de tenir compte «des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales»; quant aux réintroductions l’art. 22 non seulement indique que celles-ci ne sont pas obligatoires mais que si les Etats membres choisissaient cette option, ils ne peuvent le faire «qu'après consultation appropriée du public concerné.»
Et l’Europe elle même, après les réintroductions de 1995-96, a respecté sa législation: elle avait prévu d’autres importations d’ours slovène, elle les a annulées «à cause de l’opposition des populations locales.» (2) C’est dire que lorsque le militant de la cause de l’ours l’emporte sur le scientifique, ce dernier alors se met en veilleuse et «doit» impérativement éviter de mentionner cette opposition s’il veut obtenir d’autres importations d’ours. C’est ce que fait M. Quenette à l’inverse de ses homologues espagnols, biologistes eux aussi mais honnêtes.
Les rapports suivent tous un modèle imposé qui comprend notamment une partie «Conflits», une autre, «Menaces» reprise dans un tableau de synthèse sous le titre: «3 plus importantes menaces». A propos des conflits, pour les deux pays, les auteurs indiquent qu’ils concernent l’élevage, et les ruches ajoute l’Espagne. Cette dernière précise que récemment les régions autonomes concernées ont débloqué des crédits pour compenser les dommages et financer des mesures de prévention. Ces mesures existent en France, mais déjà une différence apparaît dans la façon de traiter cette information. Alors que Palomero et Blanco se contentent de les mentionner, M. Quenette les présente en des termes qui laissent penser qu’elles sont efficaces, font évoluer la situation: «plusieurs systèmes sont mis en œuvre pour améliorer la cohabitation.»
Cette différence serait sans intérêt si la suite ne conduisait à y voir déjà une orientation vers la volonté de masquer les problèmes, et le tableau suivant montre comment à l’inverse les rédacteurs espagnols, eux, relativisent cette «amélioration». Je traduis en mettant face à face les deux documents, français et espagnol, n’oublions pas qu’il s’agit du même massif, des mêmes ours, des mêmes «populations locales» et du même rejet (3). Je mets en gras la façon dont ce rejet est abordé par les Espagnols, il n’existe pas en France!
La volonté de M. Quenette de masquer à l’Europe le rejet des «populations locales» est encore plus frappante lorsqu’on compare avec les rapports des autres pays concernés: Grèce, Macédoine, Albanie (où conflits et en réponse braconnage «se généralisent»), Italie, Norvège, Bulgarie, Autriche («les ours réintroduits semblent être perçus par la population locale comme artificiels et appartenant au WWF»), Croatie, Serbie, Slovaquie, Suède … le «lack of local acceptance» (pas d'acceptation locale) est indiqué clairement partout où on sait par ailleurs qu’il existe. La Slovénie n’y échappe pas et le rédacteur pour ce pays précise: «les conflits avec les humains et la destruction de leurs propriétés sont une sérieuse menace.»
Il est clair que si nous n’avions pas été présent à Bruxelles pour démonter cette petite entreprise personnelle d’enfumage, les participants et surtout la Commission elle-même en auraient conservé cette image idyllique des Pyrénées françaises où, contrairement à quasiment tous les autres pays y compris le voisin espagnol, tout baigne, grâce n’en doutons pas à l’active thérapie du bon docteur Quenette.
Il serait temps que l’Etat, qui paie M. Quenette, s’inquiète de ce comportement dont, je l’ai dit au début, nous l’avons déjà informé à l’époque où Mme Kosciusko-Morizet dirigeait le Ministère.
Auteur: B. Besche-Commenge – ASPAP/ADDIP – AVRIL 2013
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Notes:
a) -
L’intégralité de ce document (Tous pays européens, loup, ours, lynx), essentiel pour mesurer l’écart entre la façon dont procède M. Quenette pour masquer ou fortement atténuer la réalité, et la
façon dont à l’inverse procèdent tous ses homologues des autres États Membres face aux mêmes problèmes et difficultés de terrain,
b) - un extrait
des deux pages de son rapport (Quenette pour la France) et de
celui des Espagnols où je surligne les éléments commentés dans la suite de cette lettre.
(2) cf.«LIFE and European Mammals: Improving their conservation status» - Luxembourg: Publications Office of the European Union, 2011, p. 42: «a second planned reintroduction was cancelled due to opposition from local people».
(3) L’avis «des populations locales» est connu par des sources indubitables:
le sondage IFOP commandé par le Ministère de l’Environnement posait en décembre 2008 aux Pyrénéens la question de savoir s’ils voulaient de nouvelles introductions: pour l’ensemble des
montagnards proprement dits, le «public concerné» envisagé dans l’article 22 de la Directive, 60% de non avec un pic de 71% en Ariège, département le plus exposé aux prédations.
Rejet social amplement confirmé en 2011 par le résultat d’une telle consultation à propos des lâchers prévus et annulés en Béarn, avec notamment un pic de 91,3% de non pour les communes concernées -
Consultation publique organisée par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques.