Le Monde des Pyrénées

Pourquoi pouvons-nous tuer des loups dans certains pays d'Europe et pas d'autres?

Selon Pierre Ouragan, La vraie question est plutôt: "pourquoi le loup réintroduit dans les Alpes est-il une espèce strictement protégée; alors que l'UICN le classe "Least Concern" dans le monde, en Europe et en Europe des 25?"

Nous pouvons aussi nous interroger pourquoi le loup est chassable dans certains pays d'Europe et pas d'autres notamment la France? "Le loup n'est pas vital pour le triste biotope dégradé actuel" d'autant qu’il s’en prendra à la faune sauvage après la disparition du pastoralisme. Quant au biotope, encore une vraie question à se poser: "pourquoi s'acharner à réintroduire des loups dans les zones d'élevage alors qu'en France, 84 % des surfaces classées en "haute valeur naturelle" correspondent à des zones d'élevage en plein air (Alpes, Corse, Franche-Comté, Massif central, Pyrénées…) CNRS? Car le loup a bien était introduit et, pour une grande majorité, ne provient pas d'Italie mais sont des chiens hybrides. En savoir: "L'impact dramatique de la disparition de pastoralisme" car "contrairement à ce que pense la plupart des intransigeants pros-loups, le pastoralisme est indissociable de la biodiversité"

- Pourquoi il est possible de tuer des loups alors qu'il s'agit d'une espèce protégée

Le Gouvernement s'apprête à signer un arrêté portant le nombre de loups à abattre à 42 sur une année alors que l'espèce est strictement protégée. La conformité au droit communautaire pose question.

Le Gouvernement doit bientôt prendre une décision sur le nombre de loups supplémentaires qu'il autorise à abattre d'ici le mois de juin. Il a en effet autorisé la destruction de 36 loups sur la période 2015-2016 mais 34 loups avaient déjà été abattus à la mi-décembre. Face à ce constat, le préfet coordonnateur du Plan national loup, Michel Delpuech, a demandé aux préfets concernés d'abroger les autorisations de tirs de prélèvement et proposé aux ministres de l'Environnement et de l'Agriculture d'augmenter de six spécimens le quota de loups à abattre afin de permettre la défense des troupeaux.

Suivant cette préconisation, le Gouvernement a rédigé un projet d'arrêté qu'il soumet à la consultation du public jusqu'au 4 mars. Il a consulté préalablement le Conseil national de protection de la nature (CNPN) qui a rendu un avis négatif sur le projet le 9 février dernier. Il s'agit toutefois d'un avis non-conforme, ce qui permet au Gouvernement de passer outre. Mais le loup étant une espèce strictement protégée, se pose la question de la conformité au droit communautaire des destructions décidées par les ministres.

- Espèce nécessitant une protection stricte

Plusieurs textes juridiquement contraignants pour la France protègent le loup. Cette espèce est tout d'abord protégée par la Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, que la France a ratifiée en 1990. La directive européenne du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages, a également inscrit Canis Lupus dans son annexe IV qui liste les espèces nécessitant une protection stricte.

Ces deux textes interdisent toute forme de "mise à mort intentionnelle" de ces espèces. Mais ils prévoient aussi une possibilité de dérogation pour différents motifs, parmi lesquels la prévention de dommages importants au bétail, "à condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée".

L'arrêté du 23 avril 2007, qui vise la directive "habitats", interdit la destruction du loup sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, mais prévoit également cette possibilité de dérogation. Les articles R. 411-8 et suivants du code de l'environnement et l' arrêté du 30 juin 2015 fixent les conditions dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. Ce dernier texte prévoit que "le nombre maximal de spécimens de loups dont la destruction est autorisée, en application de l'ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année par arrêté interministériel". C'est sur cette base que les ministres de l'Ecologie et de l'Agriculture fixent le quota annuel de loups à abattre. Des loups qui peuvent aussi être prélevés "à l'occasion de battues aux grands gibiers réalisés dans le cadre de chasse ordinaire ou de battues administratives".

Le dispositif juridique semble clair et bordé, dans la mesure où les dérogations sont prévues par la directive européenne. "Ces dérogations sont accordées conformément aux droits communautaire et national relatifs à la protection stricte de l'espèce, dans la mesure où elles ne nuisent pas au maintien de l'état de conservation favorable de l'espèce", juge d'ailleurs le ministère de l'Ecologie.

- Des décisions judiciaires en attente

Pourtant, plusieurs spécialistes et des ONG estiment qu'il existe un hiatus entre la directive européenne et les textes nationaux censés être conformes. Ainsi, le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité, qui émet des avis scientifiques destinés à éclairer les choix du ministre de l'Ecologie, formule des critiques à l'égard du dispositif français. "Le loup, devenu indésirable dans les faits, n'est plus vraiment une espèce protégée par le droit français car les arrêtés préfectoraux autorisant sa destruction dans le cadre de la chasse en battue ne sont plus contraires à la loi, ce qui ne veut pas dire qu'ils resteront conformes aux engagements européens pris par la France", relève-t-il dans une note publiée le 13 janvier dernier.

Plusieurs associations de protection de la nature ont engagé des actions visant à faire condamner l'Etat français. En juillet dernier, le collectif d'associations Cap Loup a annoncé le dépôt d'une plainte auprès de la Commission européenne. Cette action est toujours en cours. "Nous avons complété notre dossier à la demande de la Commission, celle-ci doit maintenant décider s'il y a matière à poursuivre ou non l'Etat français", indique Ariane Ambrosini, juriste à l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas).

En septembre 2015, plusieurs associations du collectif Cap Loup mais aussi France Nature Environnement (FNE), Humanité & Biodiversité et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont annoncé qu'elles déposaient un recours contre les arrêtés ministériels de juillet 2015 devant le Conseil d'Etat. Là aussi, la décision reste attendue. Plusieurs de ces ONG annoncent d'ores et déjà qu'elles attaqueront aussi l'arrêté augmentant le nombre de loups à abattre cette année si celui-ci venait à être publié.

- Des critères de dérogations non réunis?

Sur le fond, les associations estiment que la France ne respecte pas les conditions posées par la Convention de Berne et la directive Habitats pour mettre en œuvre les dérogations à la stricte protection de l'espèce.

Pour Stéphanie Morelle, chargée de mission réseau Biodiversité chez FNE, aucun des trois critères nécessaires n'est satisfait: les dommages causés par le loup sont négligeables par rapport aux autres facteurs de pertes dans les troupeaux, les actions de protection (regroupement nocturne, clôture électrifiée, chiens de protection, etc.) ne sont pas mises en œuvre de manière satisfaisante et le plafond de spécimens à abattre, enfin, porte atteinte au bon état de conservation de l'espèce. D'autant, selon les associations "pro-loups", que la population est désormais en baisse ou au mieux stable.

Le son de cloche n'est pas le même du côté des éleveurs. Olivier Bel, responsable du dossier Loups à la Confédération paysanne, réfute ces arguments. "Les pourcentages de pertes sont très importants dans certains départements et impactent surtout les petits élevages", témoigne l'éleveur. Face à un prédateur très opportuniste, ajoute-t-il, il est difficile d'adapter en permanence les moyens de protection compte tenu des différentes contraintes de l'élevage (différents lots de moutons à surveiller simultanément, activité fromagère en parallèle, etc.). Quant à une potentielle menace sur les populations de loups, le représentant du syndicat paysan cite des exemples étrangers comme l'Espagne où la chasse est possible sans pour autant que la survie de l'espèce ne soit menacée.

- Prélèvements ciblés

Mais les ONG avancent d'autres arguments qui les confortent dans l'idée que la France n'est pas dans les clous au regard du droit communautaire. La loi d'avenir pour l'agriculture, publiée en octobre 2014, donne aux préfets la possibilité de délivrer une autorisation de tir de prélèvement aux éleveurs en cas d'attaque de loups avérée. Elle autorise aussi des abattages dans des zones de protection renforcée, délimitées par arrêté préfectoral, dans le cadre d'un plafond de destruction spécifique. "Une rédaction brouillonne qui démontre avec quelle démagogie cet article a été rédigé", réagit Stéphanie Morelle de FNE, qui estime ces dispositions "difficilement traduisibles d'un point de vue réglementaire".

Le Premier ministre Manuel Valls a par ailleurs confirmé lors de la présentation du plan de soutien à l'élevage en juillet 2015 que le Gouvernement allait présenter une demande de déclassement du loup en tant qu'espèce strictement protégée auprès de l'Union européenne et du secrétariat de la Convention de Berne. Même si les associations dénoncent ici un effet d'annonce, un tel déclassement étant très difficile à obtenir, elles considèrent que cela envoie un mauvais signal sur la volonté de la France de protéger ses populations de loups. Ce qui, selon elles, devrait pousser la Commission à s'intéresser de plus près à la politique française en la matière.

Sans forcément aller jusqu'au déclassement, Olivier Bel de la Confédération paysanne demande avant tout un vrai travail sur les différentes possibilités juridiques de réguler le loup, prenant en compte de nombreux paramètres: conséquences sur les indemnisations, moyens de protection, articulation avec la Pac, etc. Estimant que "les quotas ne résoudront pas le problème", Olivier Bel se positionne en faveur d'une régulation réfléchie permettant de faire des prélèvements ciblés en lien avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Un constat finalement pas si éloigné de celui établi par certaines associations. "Le gouvernement est incapable d'élaborer une politique loup équilibrée qui vise à organiser dans notre pays une cohabitation durable. Il ne répond que par le tir sans, dans le même temps, se donner les moyens d'améliorer la prévention, par la protection des troupeaux", déplore ainsi l'association Humanité & Biodiversité.

Plus que jamais, un travail de fond sur Canis Lupus, loin des polémiques stériles, est urgent pour garantir défense du pastoralisme et protection d'un animal qui continue à fasciner les hommes.

Auteur: Laurent Radisson Journaliste: Rédacteur en Chef délégué aux marchés HSE
Source: Actu Environnement du 24 février 2016