- La Lettre du préfet de Vendée au ministre de l’Intérieur, 19 thermidor an VIII (7 août 1800) - Arch. nat. F 10/487.
«Pour avoir du pain»: c’est l’une des justifications que donne ici le préfet de Vendée dans sa réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, avec la «consommation extraordinaire de fourrage à l’étable» et «l’indisposition des esprits du bocage, faciles à aigrir contre la République»… pour réclamer du gouvernement la paiement des arriérés de primes au loup. Un très beau texte qui souligne autant la réelle «impuissance» des pouvoirs publics que la situation particulière des provinces de l’Ouest au lendemain de la Révolution. Un écho, on le voit, aux difficultés auxquelles l’expansion du loup peut plonger l’agriculture
Auteur:
Jean-Marc Moriceau
- Le texte de la lettre
Je dois appeler de nouveau, citoyen Ministre, votre attention sur le défaut de paiement des primes d’encouragement pour la destruction des loups, et sur la nécessité de faire des fonds pour cette partie.
Pendant la guerre civile qui désole notre bocage, les loups n’étant point chassés et trouvant une pâture abondante, ont multiplié à l’excès. Aujourd’hui, ces animaux enlèvent les moutons en plein jour à la vue du berger ; ils attaquent aussi en plein jour les bestiaux répandus sur les pâturages, même les vieux bœufs.
Les cultivateurs ne peuvent plus laisser la nuit leurs bestiaux dehors: ce qui cause une consommation extraordinaire de fourrage à l’étable. La perte qu’éprouve d’ailleurs notre bocage par les ravages de loups est immense ; il est telle métairie où il ne reste plus de moutons, et dans le plus grand nombre, on en compte 30 ou 40 de pertes depuis un an.
L’activité des chasseurs s’est accrue en raison de la multiplicité des loups et il se passe pas de jour (sic) qu’on ne m’en présente des têtes. Tous réclament avec instance le prix de leur temps et du danger attaché à cette chasse. La majeure partie viennent de fort loin et font de la dépense pour obtenir leur mandat. Tous s’en vont mécontents de n’être pas payés. Au 2 floréal, j’eus l’honneur de vous instruire qu’il était dû pour cette nature de dépense depuis le 1er vendémiaire dernier 1590 F. Depuis cette époque mes mandats s’élèvent à 2020 F, ce qui monte le total de cette dette à 3610F, et cette somme est due, pour la majeure partie, à des malheureux qui attendent leur contingent pour avoir du pain. Une autre considération importante, dont le prix néanmoins ne peut être bien senti à si grande distance, le défaut de paiement d’une dette de cette nature et aussi légère indispose les esprits du bocage, faciles à aigrir contre la République. Dans leur grossièreté et leur malice ils vont jusqu’à accuser le gouvernement d’impuissance.
Il est donc intéressant et instant, sous le rapport de l’intérêt de l’agriculture, des manufactures, de l’abondance des subsistances, de la confiance que doivent inspirer les promesses du gouvernement, que ces fonds soient faits de suite pour le paiement d’une prime d’encouragement de la destructions des loups, et je vous prie, citoyen Ministre, d’en mettre à ma disposition pour cet objet.
Avant de terminer cette lettre, je dois encore, citoyen Ministre, vous faire part d’une observation. Le prix de la prime d’encouragement pourrait être diminué sans inconvénient, pourvu qu’il fût payé exactement à présentation ou admis en compensation des contributions directes.
Salut et respect, Le Faucheur.
- Réponse du ministre de l’Intérieur [Bureau d’Agriculture] 13 fructidor an VIII (31 août 1800) au citoyen Lefaucheux, préfet du département de la Vendée.
J’ai reçu, citoyen Préfet, la lettre que vous m’avez écrite le 19 de ce mois par laquelle vous appelez de nouveau mon attention sur le paiement des primes dues aux destructeurs de loups.
Les primes dues pour l’an VII font partie du travail que j’ai ordonné pour la liquidation des dépenses arriérées de mon ministère. A l’égard de l’an VIII, j’ai proposé aux Consuls un nouveau mode de paiement. Je vous informerai de la décision qui sera prise et de quelle manière vous pourrez satisfaire à cette partie de la dépense publique. Je vous salue, etc.
NdR:
les documents anciens mis à disposition ne permettent pas de bien distinguer la signature. Soit "Le Faucheur" en deux mots doit "Lefaucheux". Mais il s'agit bien
de la même personne.