- Souvenir sur les derniers loups
"La lecture, dans le n°591, septembre 1939, du Chasseur Français, des articles relatifs à la chasse et à la présence des loups au pays, m’incite à vous confier un souvenir sur la destruction du dernier de ces animaux dans le département de la Manche. C’était au mois d’avril 1883. J’avais alors dix-neuf ans, et j’étais déjà passionné chasseur. Un loup de forte taille, présumé venu des forêts de Bretagne où de nombreuses chasses avaient été pratiquées, fut aperçu à plusieurs reprises dans les campagnes environnant Saint-Lô et y occasionna des ravages inquiétants.
"À la demande de cultivateurs intéressés, une battue fut prescrite par M. Philippini, préfet de la Manche [Ange Filippini n’est préfet qu’en 1880?], qui en confia la direction à M. Desplanques, maire de Sainte-Croix de Saint-Lô. Les gendarmes, accompagnés d’un group de chasseurs, au nombre desquels je fus admis, sous la conduite de M. Guillerme, éleveur à Saint-Lô, et de M. Mansury, vétérinaire au même lieu, se rendirent sur le territoire de Saint-Pierre-de-Semilly où le fauve avait été vu en dernier lieu. Nous fûmes assez heureux de relever des traces récentes dans le bois «du Parc», propriété de M. le marquis de Mathan. La nuit nous ayant surpris, rendez-vous fut pris pour le lendemain.
"Au point du jour, ledit bois était cerné par une quarantaine de fusils. Les rabatteurs, avertis par les allures et la nervosité d’un cheval de pur sang arabe que montait M. Guillerme, l’un des conducteurs de la chasse, pénétrèrent dans les fourrés épais et y découvrirent le loup qui, en s’enfuyant, essuya plusieurs coups de feu sans en être attient; mais il fut de nouveau découvert, à quelques kilomètres de là, dans le bois de Saint-Germain-d’Elle où il fut blessé d’un coup de feu, à tel point qu’on le suivit à la trace du sang. Il fut enfin achevé par M. Delayen, président de la société de tir de Saint-Lô, à qui revinrent les honneurs de la journée. Apporté triomphalement à la Préfecture, le fauve fut offert à la ville de Saint-Lô qui le fit naturaliser et exposer au musée de cette ville où on peut encore le voir."
Auteur:
M. Bazin
Source:
Le Chasseur français, n° 595, janvier 1940, p. 13