L'ours scandinave est celui qui est probablement le plus proche de celui des Pyrénées (l'ours d'origine), du moins ce qu'il en reste (3 mâles mais plus de femelles). Des chercheurs
ont mis en évidence le caractère social de l'animal, à partir d'observation faites chez eux, en Norvège et Suède.
Chez nous, dans les Pyrénées, les femelles sont très dispersées sur tout le territoire (450 km)... il y en a si peu... et l'habitat et l'activité humaine sont beaucoup plus denses
que dans les Pays scandinaves au point de se poser la question, sur la commune de Bagnères de Bigorre: où va-t-on pouvoir les lâchers après le 18 mai 2006??
La problématique n'a rien de comparable et est tout à fait différente de celle des Pays scandinaves.
- L'ours est un animal social
- Ours des villes, ours des champs
- L'ours: un test des capacités de l'homme à cohabiter avec autrui
- L'ours est un animal social
Dans sa thèse, soutenue le 31 mars dernier à l'Université des Sciences de la Vie et de l'Environnement de As, Ole-Gunnar Stoen montre que les ours sont des animaux plus sociaux que
ce que l'on a cru jusqu'à maintenant.
Ole-Gunnar Stoen a étudié l'organisation sociale et la dispersion des ours bruns pendant 4 ans dans le cadre du Projet de Recherche Scandinave sur les Ours Bruns (Det Skandinaviske
Bjorneprosjektet, voir ci-dessous). Il s'est appuyé sur des données sur les structures spatiales et l'organisation sociale chez les femelles pour voir de quelle façon la relation
de filiation influence le chevauchement des territoires et la formation de matriarchies chez les ours.
Ses recherches montrent que les ours bruns sont beaucoup plus territoriaux que ce que l'on croyait. Leur reproduction et leur comportement social sont régulés en fonction de la
présence d'autres ours dans leur environnement proche. Le genre, la filiation et la proximité sont des facteurs déterminants pour leur migration.
Stoen a en particulier montré que la migration des femelles est d'autant moins importante que la proximité est forte. Dans des territoires où cohabitent plusieurs ours femelles
apparentées, un système hiérarchique peut se mettre en place avec des femelles dominantes et sous-dominantes. Les femelles dominantes sont plus agressives et territoriales, elles
instaurent des barrières sociales que les jeunes ours sous-dominantes ne franchissent pas. Un tel système limite la migration des ours femelles et influence car il opprime les
femelles sous-dominantes. Les ours mâles, au contraire, émigrent beaucoup plus loin et le territoire sur lequel ils s'établissent ne chevauche jamais celui de la mère ou de leurs
parents. Ils évitent ainsi la consanguinité.
Projet de Recherche Scandinave sur les Ours Bruns
Ce projet, qui a commencé il y a maintenant 20 ans, est le seul projet de recherche international sur les ours bruns.
Les ours ont été chassés en Norvège et en Suède pendant plusieurs centaines d'années. Des primes étaient même accordées aux chasseurs par les gouvernements suédois et norvégiens
pour favoriser l'extermination de cet animal considéré comme nuisible. A la fin du 19ème siècle, l'association des chasseurs et l'Académie des Sciences de Suède requirent la
protection de cette espèce. Le gouvernement supprima les primes de chasse en 1893 et travailla ensuite à la réinsertion des ours bruns en Suède. Ceci a permis le retour progressif
des ours dans leurs anciens territoires, mais il manquait néanmoins des connaissances solides sur l'écologie des ours bruns (milieux de vie, reproduction, comportement social, etc)
pour assurer la pérennité de leur réinsertion.
C'est pourquoi le Projet de Recherche Scandinave sur les Ours Bruns a été lancé en 1984.
La radiotélémétrie est l'instrument essentiel du projet: pour suivre les ours au quotidien, entre 100 et 120 ours ont équipés d'émetteurs (VHF et GPS). La génétique est également
utilisée comme source d'information sur la filiation, l'émigration et l'immigration. Elle sert aussi à interpréter les données sur l'organisation sociale, la croissance et la
reproduction, récoltées par radiotélémétrie.
Source: Ambassade de France en Norvège le 7 avril 2006
- Pour en savoir plus, contacts
Ole-Gunnar Stoen, Norwegian University of Life Science - tel: +47 64 96 58 24
Sources: Site du Ministere de l'agriculture et de l'alimentation:
Redacteur: Karine Blandel
Cette information est un extrait du BE Norvege numero 69 du 7/04/2006 redige par l'Ambassade de France en Norvege. Les Bulletins Electroniques (BE) sont un service ADIT et sont accessibles gratuitement (site fermé en 2015)
- Ours des villes, ours des champs
Avec les ours, il faut éviter les généralisations. Il y a différents types d'ours. Nous ne parlons pas ici des différentes races d'ours: les ours bruns, les ours noirs, les ours gris, les ours blancs et toutes les autres races dont nous devons avouer que nous ne les connaissons pas. Non, nous parlons du caractère des ours et de l'importance de ne pas tenir un discours univoque sur ce plantigrade. Sachant qu'il existe des ours profondément sympathiques et pacifiques et ne pouvant ignorer qu'il en existe d'autres doués d'un potentiel agressif certain, nous avons décidé de ne plus dire "les ours". Ce serait réducteur et nous sommes bien pénétrés de l'idée que tous les ours ne sont pas à mettre dans le même panier.
Il y a ours et ours. L'autre semaine, l'un d'eux marchait tranquillement dans la forêt nationale de Cherokee, aux Etats-Unis, quand il a croisé une mère et ses deux enfants qui pique-niquaient près d'une cascade. Ce groupe de rencontre a dû lui déplaire car il a ouvert sa gueule sur le visage d'un garçonnet de deux ans. Dérangé par la mère, il a happé la jeune femme, l'a traînée sur une quinzaine de mètres et a fini par l'abandonner. Au moment où chacun essayait de se remettre de ses émotions, la mère a cherché sa fille de 6 ans. L'ours noir l'avait malheureusement kidnappée et envoyée dans l'autre monde. Cet ours méchant ne l'emportera pas au Paradis: tous les gardes forestiers et les meilleurs fusils du coin le recherchent. L'Agence France presse nous informe de ce que des beignets et des pains au miel ont été déposés de manière à attirer l'animal.
Rien à voir avec Boutxi.
Boutxi ne s'en prend qu'aux agneaux, brebis et béliers. Au
cours de ses promenades dans les Pyrénées, il les course et les plaque au sol d'un coup de patte. Assez délicat, il ne prélève sur ses victimes que quelques morceaux. Boutxi, en
dépit de ses deux cents kilos, n'est pas un goinfre. C'est un délicat qui s'ébroue joyeusement et sans façons dans la nature au sortir de son hibernation.
Il faut le comprendre: sa mère, stupidement tuée d'un coup de fusil par un chasseur maladroit, n'a pas eu le temps de l'éduquer. Boutxi, depuis l'âge de sept mois, est un orphelin. Un animal sans aucun vernis culturel. Un malheureux ourson mal élevé comme un ours. On voit les résultats!
C'est une pitié car il promettait beaucoup. On se réjouissait de l'imaginer mener une vie noble et sauvage dans une nature définitivement pure. Le voilà contraint, en vertu des erreurs de la société, de vivre en maraudeur, d'errer comme un proscrit à la lisière des fermes et des hameaux. Que les enfants aux rouges tabliers songent à protéger leurs tendres mollets et qu'ils se pénètrent bien de deux ou trois vérités.
D'abord, il ne faut pas confondre les gros nounours en peluche et les bêtes sauvages. Rassurons-nous sur ce point. Les enfants opèrent souvent mieux la distinction que les adultes. Ils ont compris que les uns mangent et les autres pas.
Ensuite, il ne faut pas oublier que l'ours est adorable de loin, dans une fosse par exemple. Il n'y a que des écrivains - on pense au romancier américain John Irving - pour fantasmer sur sa libération. Redisons-le avec force: les ours ne font pas ordinairement du vélo dans les couloirs des hôtels à Vienne, en Autriche; ils ne portent pas de bob sur la tête ni n'enfilent de caleçons pour parer les grands froid.
Enfin, tout le monde n'est pas Trotski (1879-1940) capable, selon la légende, de se rapprocher d'un ours au point de l'enlacer et d'enfouir son coutelas dans ses entrailles. Rappelons que Trotski, avant de fuir en exil, conduisit la révolution en Russie, pays de l'ours.
Voilà, que les enfants se le disent! Et qu'ils essayent de l'expliquer à leurs parents.
Auteur: Laurent Greilsamer
Source: Le Monde du 25.04.06
- L'ours: un test des capacités de l'homme à cohabiter avec autrui
L'arrivée d'ours slovènes dans les Pyrénées françaises ravive un débat plus philosophique qu'écologique sur la capacité de l'homme à cohabiter avec la nature sauvage, estiment philosophes et naturalistes.
"L'enjeu est tout à fait symbolique de la capacité de nos sociétés à cohabiter avec d'autres espèces. L'humanité ne peut-elle exister qu'à partir du moment où elle réduit toute autre forme de vie?", s'interroge ainsi Dominique Bourg, directeur du Centre de recherches et d'études sur le développement durable à l'Université de Troyes.
"Il reste peu d'espaces sauvages et la confrontation avec les activités économiques est ici frontale", remarque-t-il.
"Sans nier les difficultés, réelles, que pose (la présence de l'ours dans une région pastorale comme les Pyrénées), celles-ci sont attachées au fait que nous avons atteint un degré d'artificialisation et d'extension de l'espèce humaine devenu extrême, contradictoire avec la perpétuation de la vie sauvage", ajoute ce philosophe de formation, co-rédacteur de la Charte de l'Environnement désormais attachée à la Constitution française.
"L'humanité veut-elle garder ou non la grande faune sauvage, encombrante et dangereuse, ou ses seuls commensaux, les rats, les cafards et les pigeons?", renchérit Yves Paccalet, biologiste, botaniste et zoologue.
Ecrivain et philosophe, auteur d'un pamphlet au titre misanthrope - "L'Humanité disparaîtra: bon débarras!" (Arthaud) - qui a souvent côtoyé les ours du Kamtchatka dans l'extrême-est sibérien, il appelle à "trouver un modus vivendi avec la beauté du monde".
"En Slovénie, en Sibérie, les conflits avec l'ours existent aussi. Comme ailleurs avec les tigres ou les éléphants. Mais pourquoi serait-ce bien ailleurs et mauvais chez nous? Certes, l'ours est potentiellement dangereux, mais l'animal qui tue le plus en France reste la voiture", lance-t-il.
Le naturaliste Jean-Pierre Raffin, fondateur de la chaire d'écologie de l'Université de Paris-VII Jussieu en 1970, se demande si "notre civilisation est capable de cohabiter avec d'autres espèces qu'elle-même?"
Le débat, se souvient-il, fut "exactement le même en 1996-97, à l'arrivée des ours Melba (tuée un an plus tard par un chasseur), Pyros et Ziva", programme auquel il avait participé.
"Culturellement, on a perdu l'habitude de vivre avec les contraintes des prédateurs et il faudra une ou deux générations à la population pour réapprendre".
"Ici, déplore-t-il, les bergers ont transformé leurs chiens de garde en compagnons anthropisés. Et puis, refusant l'ours par principe, ils refusent aussi les mesures techniques de gardiennage".
"Leur rejet de l'ours reflète leur mal être", estime-t-il, de concert avec Jean-Jacques Blanchon, directeur des programmes de la Fondation Nicolas Hulot pour l'environnement.
"Les opposants à l'ours traduisent le désarroi d'une région qui voit l'ensemble de la société se mêler de la gestion de son territoire et d'élus qui n'ont rien à proposer pour faire vivre leur montagne", regrette-t-il.
"Les Pyrénéens qui acceptent l'ours sont conscients que l'animal appartient à leur culture et qu'ils ont une responsabilité à assumer: l'ours est le symbole de la conciliation entre le sauvage et la présence de l'homme", croit-il. "Revient-il à une société de décider de la présence ou non du vivant à ses côtés?"
Source: AFP du 25 avril 2006