Leur histoire nous renvoie à la nôtre et à nos préoccupations les plus récentes: pourquoi les hommes quittent-ils un jour le coin de terre qu'ils aiment et qui ne cessent de les hanter leur vie durant, même lorsqu'ils ont fait souche ailleurs? Saviez-vous qu'il y a dans un quartier de Manhattan une quinzaine de restos ariégeois? et que, comme les premiers oursaillers, les plus nostalgiques se retrouvent autour d'un rocher auquel ils ont donné, il y a plus d'un siècle, le nom de leur bled d'origine: Ercé... cultivant leur occitan mieux que ceux restés au pays...
Il y en a toujours qui résistent à ce que la plupart tiennent pour inéluctable, refusant la résignation, inlassablement, capables d'impulser un nouveau sens à l'histoire, de trouver mille et une solutions aux dégâts que d'autres inlassablement provoquent. Le grand bonheur du film, c'est de tenir pour évident que le pire n'est jamais définitif tant qu'il y a des hommes avec au coeur des tonnes de courage qui leur vient... qui leur vient d'où? de leur goût pour la vie? de leur goût pour leur terre? de leur capacité à voir plus loin au delà d'eux-mêmes? Qui sait où ils vont puiser cette énergie-là... Peut-être pèchent-ils par orgueil en s'obstinant à croire qu'en embellissant leur carré de jardin, ils contribuent à changer la face du monde. Peut-être aussi que c'est une bonne façon de la changer.
"C'était en 1964, la première fois que je franchis la porte de Kercabanac, cette arche de pierre percée à main d'homme au pic d'acier et qui ouvre la route vers les vallées du Haut Salat. Le charme de cette vallée envahit immédiatement mon imaginaire. Je pensais au film de Murnau, quand Hutter, le jeune héros romantique pénètre dans le pays du Comte Nosferatu". Et quand il eut dépassé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre" dit poétiquement l'intertitre du film. Voilà, tout surgissait en même temps, la montagne enneigée, la vallée glaciaire, encaissée et mystérieuse où les arbres avaient établi leur territoire, les maisons de pierres aux toits si caractéristiques, les paysans, fânant encore en famille, fauchant les prés ou retournant les andains et que la rareté des véhicules autorisaient encore à lever la tête au passage des automobiles. Les Pyrénées, rudes qui m'étaient inconnues avaient conquis un coeur de plus, celui d'un petit citadin, plus habitué aux pays de vignes du Languedoc et aux fermes de la vallée de la Garonne. J'y revins. Souvent. J'escaladai les sommets, explorai les vallées, les lacs, et plus précieux que tout, j'y fis connaissance de ceux qui devinrent au fil des ans les personnages de mes films. Ils m'apprirent l'extraordinaire épopée des paysans-saltimbanques de la vallée qui de 1850 à 1914 parcoururent le Monde: les Orsalhers, les Monteurs d'Ours." Francis Fourcou
France - 1996 - 1h33 - 1,17Go résolution DVD - Ecransud