Le Monde des Pyrénées

Battue en Haut-Adour pour refouler Franska

Après le lâcher de l'ours Franska, femelle importée de Slovénie, au Chiroulet dans la vallée de Lesponne en Haut-Adour (Hautes-Pyrénées) les éleveurs sont particulièrement en colère. Comme prévu, cette ourse n'est pas restée sur son lieu de lâcher. Aujourd'hui ce sont les éleveurs de Gazost qui veulent la renvoyer vers la commune qui a voulu l'accueillir...
Des battues discrètes sont donc organisées. Mais des battues sans violence. Juste de l'effarouchement. Comportement légitime pour défendre ses troupeaux.

- Une battue des anti-ours pour refouler Franska

En Haut-Adour, les éleveurs qui mènent des actions clandestines auraient chassé l'animal de Gazost.

Surmontée d'un écrin de neige, hérissée de couleurs émeraude, la montagne baigne dans un silence à peine déchiré par le chant des oiseaux ou le passage d'un hélico. Aucun signe apparent de tempête dans ce nouvel antre de l'ours A qui les éleveurs ont déclaré la guerre.
"On l'avait dit, dès que les paysans se tairont, ce sera grave." rappelait hier, Jacques Pelegry, président de l'interprofession Barèges-Gavarnie. Plus que jamais mobilisés contre l'introduction d'un deuxième plantigrade dans le Haut Adour, les opposants, à l'instar de leurs voisins de Haute-Garonne, sont entrés en résistance. Ils ont posté partout des sentinelles et tiennent des réunions clandestines en vue de conduire des actions secrètes. "On planque la nuit, on travaille le jour" résument-ils, bien décidés à ne pas se laisser surprendre par une arrivée inopinée comme ce fut le cas vendredi avec le lâchage de Franska, une ourse slovène. "On est sur nos gardes, on défend notre métier et l'intérêt de la montagne" explique, à son tour, une éleveuse. "Il faudrait que l'Etat respecte les procédures en cours" rappelle-t-elle alors que le Conseil d'Etat n'a pas encore rendu sa décision.

- "Minorité agissante"

La colère se focalise donc sur les responsables de cette réintroduction. Mais à quel destin l'animal est-il promis s'il doit en subir les dégâts collatéraux? On sait que des âmes bien intentionnées lui ont déjà concocté une mixture composée de miel et de verre brisé. "Des pro-ours sont peut-être capables de l'avoir mis pour nous faire porter le chapeau" déclare un élu. Des propos témoignant d'un climat passionnel et de l'impossible dialogue. Dans le massif, on ne tient pas l'animal pour inoffensif. "Quand l'ourse aura fait ses p etits, elle sera agressive" estime Bernard Souberbielle, le maire de Betpouey. Quant à Raymond Bayle, président de la commission syndicale de la vallée de Barèges, il constate: "Je me demande pourquoi Nelly Olin s'est protégée derrière une vitre. Les gardes de la chasse sont armés et nous, pauvres paysans, on devrait se promener sans rien..." Nous apprenions, hier soir, que Franska aurait été repérée lundi, aux environs de Gazost puis refoulée, lors d'une battue sur la zone de Bagnères. Le maire de cette localité qui s'était prononcé en faveur d'une réintroduction (après un vote de la municipalité et de la communauté de communes) s'est attiré les foudres. Seul contre tous, il assume sa décision: "Toute cette violence verbale dépasse l'entendement et la raison. Quand on voit que 1 % des dégâts 'ajouter: "Personne n'a le droit d'éradiquer une espèce vivante". Et devant la tournure que prennent les évènements, il estime: "Ca veut dire qu'on n'est plus en démocratie. Une minorité agissante s'oppose à une volonté nationale".
La mort de Canelle a été déterminante dans la prise de position de Rolland Castells. Qui promet: "Je garde mes cartouches pour le débat public".

Auteur: Josiane Battoue.
Source: La Dépêche du Midi du 3 mai 2006

- "Il faut agir sans faire de mal"

Réaction d'un éleveur et d'un restaurateur opposé à des actes violents

Rencontré, hier, en vallée de Lesponne, Elie Dussert est éleveur. Il possède une quarantaine de bêtes et son visage s'est laissé buriner par les tempêtes. "L'ours, je ne vois pas que ce soit très utile. D'ailleurs, nos ancêtres l'avaient enlevé" lâche-t-il. Avant d'argumenter qu'avant, il y avait 7 ou 8 personnes sur les exploitations. "Aujourd'hui il n'y en a plus qu'une ou deux." Cet ancien menuisier aimerait bien poursuivre l'oeuvre de ses parents, "mais ils nous prennent en traître". Ses propos restent cependant mesurés: "il faut agir sans faire de mal mais j'aimerais qu'on nous laisse tranquilles". Et il se montre dubitatif sur les indemnisations. " C'est ce qu'ils nous proposent mais encore faut-il pouvoir le prouver. Surtout que les vautours ont vite fait..."
De son côté, Philippe Arnal, restaurateur à Bagnères (L'Excelsior) a également un avis à exprimer: "Je ne suis ni pour, ni contre. Mais je suis choqué par la façon dont l'ours a été lâché. Il y a en France des problèmes plus graves à régler".
Il dit comprendre ceux dont le travail " est mis en péril par l'ours". Opposé à toute forme de violence, lui aussi déplore l'absence de concertation.

Source: La Dépêche du Midi du 3 mai 2006