Le Monde des Pyrénées

Incompatibilité ours et pastoralisme en Slovénie

Un document vient confirmer les mensonges des Ministère français, FERUS, FIEP et ADET

En 2002, le Comité Permanent de la Convention de Berne demande des explications à la Slovénie sur sa politique d'élimination des ours par la chasse. Le mémoire en réponse est rédigé par Marko Jonozovi?, Chef du département de la faune sauvage du service forestier slovène. Sur ses analyses plus récentes, je renvoie au document sur les mensonges de l'ONCFS à propos du plan ours français, document remis au Préfet de Région par Philippe Lacube au nom de l'ADDIP au début de la réunion du Groupe ours à Toulouse.

De ce rapport 2002 en réponse au Comité Permanent de la Convention de Berne, je traduis ci dessous les extraits concernant les problèmes posés par les ours en Slovénie. Le rapport fait aussi état de leur nourrissage notamment avec de la viande, je n'ai pas traduit ce passage: l'information est en effet reprise de façon plus précise dans des documents postérieurs (2005, 2007) déjà traduits

On constatera l'importance croissante des dégâts qui dépassent même les budgets d'indemnisation prévus à cet effet, et entraînent dans la population slovène une perception de plus en plus négative des ours. La raison de ces problèmes? L'expansion des ours des zones limitées où ils étaient cantonnées vers des territoires où ils sont incompatibles avec les activités humaines, "pâturage libre dans les montagnes" notamment. Nous revenons sur cet aspect en note à la suite de cette traduction.

B.Besche-Commenge - ASPAP/ADDIP 28 octobre 2009

Mensonges et manipulations

Strasbourg, 28 November 2002 T-PVS/Inf (2002) 45
Convention on the Conservation of European Wildlife and Natural Habitats
Standing Committee 22nd meeting Strasbourg, 2-5 December 2002
Follow-up of Recommendation No. 82 (2000) concerning brown bear in Slovenia Report by the Slovenian Government
Document prepared by the Government of Slovenia

Pages 6-7-8
Reasons for the increased cull of bears in 2002
Why the decision to cull more bears in 2002?
Problems connected with the coexistence of man and bear in Slovenia have started to increase particularly over the last five to seven years and have escalated in the last two to tree years. There are a number of reasons for this, which cannot be wholly explained, as experts provide assessments of the reasons from their own particular point of view and cannot agree either on the reasons themselves or their relative importance. It is unarguable that the Slovene bear population is progressively increasing, as is the area in which they live. These two reasons, alongside other as yet unnamed ones, have led to difficulties. Today, the number of bears in Slovenia exceeds the sustainable capacity of their environment and problems involving bears have turned the image of the species into a negative one.

Raisons expliquant l'augmentation des éliminations d'ours en 2002
Pourquoi cette décision?
Les problèmes induits par la cohabitation ours/hommes en Slovénie ont commencé à croître de façon plus prononcée au cours des 5 ou 7 dernières années, et ont atteint un sommet dans les 2 ou 3 dernières. Plusieurs raisons l'expliquent, que nous ne pouvons pas toutes envisager, étant donné que les experts fournissent des analyses chacun de son point de vue particulier et ne réussissent pas à se mettre d'accord sur les raisons elles mêmes ou leur relative importance. Il est indiscutable que la population d'ours slovènes augmente en continu, de même que l'espace qu'elle occupe. Ces deux raisons, à côté d'autres mal identifiées, ont conduit aux difficultés actuelles. Aujourd'hui, la population d'ours en Slovénie excède les possibilités du milieu, et les problèmes impliquant les ours ont eu pour conséquence que l'image de l'espèce s'est inversée, devenant négative.
/.../
Cases of damage involving bears
The assessment of the present state of affairs, based on the data collected so far (8-year analysis), regarding damage incurred by bears (in line with the methodology of compensation payments) and the analysis for 2002 shows the following:

Nombre de dommages impliquant des ours
L'évaluation ci-dessous de l'état actuel des affaires est basée sur des données recueillies sur une durée de 8 ans avec en regard le montant des compensations versées, et pour 2002 l'évolution constatée est la suivante:

Mensonges

The data shows that, prior to 2002, the number of damage cases settled around just over a hundred a year. The nominal value of compensations kept increasing, slowly at first, whereas in 1998 and 1999 it went up dramatically. But the amount declined after 1998. In 2002, the number of cases shot up. It is highest in the Ko?evje and Notranjska areas and in the wider Alpine and sub-Alpine region. In the former, this is the result of the higher number of bears; whilst in the latter the main cause is the utilisation of the land (free pasture in the mountains), as the number of bears here, compared to the central area, is considerably lower, but nevertheless on the increase.

Les données montrent qu'avant 2002 les dommages tournaient aux environs d'un peu plus d'une centaine par an. La valeur nominale des dédommagements augmentait d'abord lentement, puis en 1998 et 1999 un palier dramatique fut franchi. Il déclina après 1998 mais, en 2002, le nombre de cas a explosé. Il est particulièrement élevé dans les territoires de Ko?evje et de Notranjska et dans la grande région alpine et sous alpine. Dans les deux premiers territoires, c'est la conséquence d'un nombre d'ours très important; tandis que dans l'autre région la principale cause est dans les usages qui la caractérisent (pâturage libre dans les montagnes), tandis que le nombre d'ours est très nettement plus faible que dans le territoire précédent, même si lui aussi augmente.

Experts of the Slovenia Forest Service assess the damages incurred, whilst compensation is paid out by the Ministry of Agriculture, Forestry and Food. In 2002, there were so many cases of damage incurred by bears and wolves that for a few months now the Ministry has been unable to pay compensation, as the amount is much greater than the funds available for this in the national budget.

Les experts du Service forestier slovène évaluent les dommages, tandis que le paiement relève du Ministère de l'Agriculture, des Forêts et de l'Alimentation. En 2002, il y a eu une telle quantité de dommages causés par les ours et les loups que depuis quelques mois et actuellement le Ministère se trouve incapable de payer les dédommagements, dont le montant est beaucoup plus élevé que les fonds prévus à cet effet dans le budget national.

Page 10 Conclusion (extrait)
Instances of damage incurred by bears and the number of conflicts with man are increasing, causing the image of this species to be perceived in a progressively negative way. In the last five years, 3 serious incidents involving a bear's attack on a person resulting in serious bodily harm have been recorded. As a consequence of this, there is the strong possibility of the unlicensed hunting of bears, that is completely uncontrolled encroachments into the bear population;

Les cas de dommage dus aux ours et le nombre de conflits avec les humains augmentent, avec pour conséquence une perception de l'espèce qui devient progressivement négative. Ces 5 dernières années, 3 incidents graves ont concerné des attaques d'ours sur des humains avec de sérieuses conséquences corporelles. Il est donc fortement possible que la chasse sans autorisation se développe, avec des effets totalement incontrôlés sur la population d'ours.

- Note à propos des lieux cités et de la réalité du pastoralisme

A) - Habitat central: Ko?evje et Notranjska
Disponible en français, un article du Département slovène de l'Organisation des forêts et des ressources renouvelables de la forêt, précise que ces deux régions sont celles où, dès 1889, l'ours a été l'objet d'une politique de protection, elles forment aujourd'hui "l'aire centrale où l'ours vit encore actuellement".
Dans ces deux régions, le programme Life Europe "Conservation of large carnivores in Slovenia Phase I" adopté en 2002 prévoit: "Installation de places de nourrissage pour l'observation des ours dans régions de Notranjska (Masun) et Ko?evje". Rappelons que la région de Masun est celle d'où ont été extraits les ours importés en France.

Pour le pastoralisme, ce plan organise "réglementation des pâturages, clôtures électriques, chiens de protection et prévention du pâturage illégal dans les forêts".
Rien de nouveau. En ce domaine, ce plan n'est que la reprise des modes de gestion ours/homme/pastoralisme antérieurs. Pour cette même zone centrale où l'on trouve l'essentiel des ours slovènes, en 1998 un rapport de voyage d'étude d'une délégation de l'IPHB conduite par Michel Maumus, conseiller général du canton de Lasseube, rendait ainsi compte de la situation:
"En Slovénie, la zone centrale (350 ours) est en pleine déprise et bénéficie d'une politique volontariste d'aménagement du territoire et notamment de reconquête pastorale. Il n'y avait plus de tradition pastorale et c'est donc une population urbaine qui recolonise un territoire où sont présents des ours mais aussi des loups et des lynx. Vis à vis de cette nouvelle population, les gestionnaires qui ont reçu la délégation leur ont assuré qu'ils avaient fait la même chose que l'IPHB: informer, sensibiliser, installer des dispositifs de sécurité pastorale (enclos mais aussi clôtures électriques de jour)."

De jour comme de nuit, ce qui est donc parqué ce n'est pas l'ours, ce sont l'homme et ses activités. Mais c'est à juste titre que ce rapport précise que l'on est dans une zone de "recolonisation". Comme l'indique par ailleurs le document " BROWN BEAR (Ursus arctos) MANAGEMENT STRATEGY IN SLOVENIA - 2002", le Slovénie a été confrontée à un abandon brutal des surfaces pastorales (au rythme énorme pour ce petit pays de 4000 ha par an) ; aujourd'hui, pour ses besoins alimentaires la reconquête de ces terroirs est indispensable.

B) Région alpine et sous-alpine
Le problème de l'incompatibilité noté dans le texte de 2002, avait déjà été souligné lors du même voyage d'étude:
"Slovénie Est, dans la région des Alpes mitoyennes de l'Autriche (10-15 ours nouvellement installés), les troupeaux ne sont pas gardés et la population ursine mal acceptée et non gérée. La question de sa survie dans ce secteur se pose de façon inquiétante."

Pour conclure:
document du gouvernement slovène en 2002, compte rendu de voyage en 1998. Ours et activités humaines ne sont compatibles que lorsque c'est l'homme que l'on parque, sur des terres jusqu'alors abandonnées à l'ours mais redevenues nécessaires à l'agriculture et l'élevage. Zones alpines et sous alpines de la Slovénie comme Pyrénées, là où par contre une utilisation des sols et une culture pastorale ont perduré, où l'élevage extensif continue d'exister, la cohabitation est une chimère.

Venus d'une zone où les activités humaines sont restreintes et parquées, les ours slovènes sont aussi inadaptés au pastoralisme pyrénéen qu'ils le sont au même contexte slovène. Une solution serait de faire partir les Pyrénéens, laisser passer le temps, se rendre compte de la perte pastorale, faire revenir leurs descendants (devenus sans doute chômeurs en ville entre temps), les parquer eux aussi avec quelques troupeaux, et vive la liberté! A l'est comme à l'ouest, ce n'est peut être pas tout à fait comme celà qu'on envisageait en Europe les suites de la chute du "mur"...

Quant à l'augmentation du nombre de dégâts, notamment des attaques aux humains, elle est en train d'amener en Slovénie une perception négative de l'espèce.
Sur tous les plans, réalité bien plus complexe, bien moins consensuelle que celle que certains fonctionnaires du Ministère et le FIEP et Cie agitent comme des leurres.

Traduction et note: B.Besche-Commenge - 28 octobre 2009