"Toi tu sais comment on vit. Tu connais mes enfants. Tu sais que lorsqu'ils étaient petits on leur donnait un agneau dans les bras pour s'endormir, faire la sieste prés de la grange. Ils n'avaient pas de peluche comme d'autres de la ville. Le soir quand ils restaient à la grange avec mon père, c'était pareil. Ils s'endormaient avec l'agneau dans les bras et la brebis à côté dans le foin. Moi j'ai connu ça avec mes parents. Mes parents l'ont connu de mes arrière-grands-parents. Et c'est comme ça pour tout le monde depuis toujours dans la vallée.
"Lorsque j'étais gosse à 12 ans, on allait plus à l'école. Je gardais les moutons à la cabane. La nuit, lorsque le vent soufflait j'avais peur tout seul. Je restais contre les moutons pour me rassurer."
Avec une larme à l'oeil il continue
"Nous les moutons, on les aime. Tout petit on a appris à les aimer. On n'a jamais eu d'ours en peluche dans les bras. On nous a toujours dit que l'ours tuait les moutons. Tout le monde le raconte ici. Tout le monde à des exemples et encore aujourd'hui. Et on voudrait nous faire aimer l'ours? Ca JAMAIS! L'ours n'a rien à faire ici et il n'y reviendra pas."
Et Jeantou s'en va à travers la pente avec ses moutons, toujours la larme à l'oeil.
Son fils à côté de moi, qui a aujourd'hui 30 ans, éleveur lui aussi, me dit:
"Qu'est ce qu'on peut faire? Qu'est ce qu'on va devenir?"
Je crois que cette histoire vraie, recueillie par hasard en mai 2000 après qu'un ours slovène est massacré une trentaine de brebis dans la vallée, traduit à la fois la haine et le désespoir de toute une population qui ne comprend pas qu'on leur impose ce que d'autres ne veulent pas chez eux.
Louis Dollo, le 6 juin 2000
Note complémentaire:
Depuis que cette page est affichée, elle a reçu de nombreux visiteurs. La très grande majorité n'ont pas réagit. Par contre une petite minorité qui se dit naturaliste et défenseur
de la nature a régi de manière violente, voir très violente avec des propos difficiles à reproduire ici. Pour cette minorité, les bergers sont des pollueurs qu'il faut éliminer
physiquement. Le pastoralisme ne doit plus exister, il ne doit plus y avoir de brebis en montagne il faut même démolir les cabanes.
Qu'on se rassure, ce n'est pas l'orientation des pouvoirs publics et je ne crois pas que ce soit également l'avis de la majorité des responsables d'associations pour la protection
de la nature.