- Les histoires de famille des ours des Pyrénées racontées par l'ADN
Les résultats des tests ADN des divers prélèvements sur les oursons des Pyrénées centrales sont formels.
Pyros avait «séduit» en Slovénie les deux mères. Il est le père de la presque totalité de leur progéniture.
A force de temps et de patience on commence enfin à mieux dessiner l'arbre généalogique des plantigrades relâchés dans les Pyrénées centrales entre mai 1996 et mai 1997 et de leurs progénitures. A l'évidence cet arbre plonge ses racines en Slovénie et plus encore dans les forêts de la région de Medved qui s'étalent sur des milliers d'hectares et où vivent un bon demi millier d'ours. C'est là que fut décidé au moment du lancement de l'opération de réimplantation des ours dans les Pyrénées centrales que l'on irait chercher les plantigrades. Présentant pas mal de ressemblances avec l'ours brun des Pyrénées, l'ours slovène fut ciblé. Une équipe scientifique mit en place divers pièges pour capturer l'animal idéal.
- Les deux ourses étaient pleines au moment de la capture
La première capturée fut une femelle Ziva (elle avait 7 ans alors) qui après un voyage dans un fourgon spécial mit ses pattes sur la terre de la forêt domaniale de Melles. Un mois plus tard une autre femelle débarquait en Comminges après avoir été capturée de la même façon dans la région slovène située au sud de Ljubljana la capitale de cet état. Elle avait 5 ans à cette époque là et fut baptisée Mellba. L'équipe de piégeage sur place et notamment Alain Arquillère le vétérinaire d'Artus France savait qu'au moment de la capture les deux ourses étaient pleines. Mellba et Ziva allaient donner respectivement naissance à 3 et 2 oursons lors de l'hiver 96-97. Mais avant que ces naissances ne soient connues et une certaine confusion estompée (on crut même que Ziva avait recueillie les oursons de Mellba à la mort de celle-ci victime d'un chasseur quelque peu affolé lors de son face à face) on estimait qu'il n'y avait que des oursons de Mellba. Ils étaient bien trois au début de l'été 97 comme le montra le document photo publié en une de «la Dépêche du dimanche», mais le plus fragile décéda dans cette période estivale.
- Le père arrive un an après
Pour compléter le plan Diren-Life qui était établi sur la présence de trois adultes une nouvelle expédition partit en Slovénie en avril 97 pour capturer un mâle. La probabilité était plus faible et il fallut relâcher d'autres ours capturés mais ne correspondant pas comme un jeune mâle subadulte de trois ans. Enfin le premier mai 1997 on tombait sur le mâle idéal Pyros (9 ans et 235 kilos). Le 2 mai au matin, puissamment il retrouvait la liberté à Melles et partait à la découverte de son espace et peut-être des femelles. Et c'est là que l'on ne sait s'il faut continuer à parler de conte de fées ou bien plus froidement de comptes de faits. Chez l'ours la saison des amours obéit à des rythmes biologiques et d'horloges bien précis. Et l'on avait tout loisir d'imaginer des aventures romantiques à ces ursidés. Mais pour l'équipe de suivi et surtout son biologiste Pierre-Yves Quenette une enquête passionnante débutait. Il collectait toute une série d'indices sur les lieux où étaient repérés les ours subadultes muni d'émetteurs ou non. Ceux -ci furent transmis au laboratoire du professeur Taberlet à l'université de Grenoble qui disposait déjà de morceaux de tissus des ours capturés. Et l'analyse génétique ainsi que les tests ADN sont formels Pyros était un père multiple. La progéniture de Mellba portait bien sa «griffe» et un des deux oursons de Ziva -Néré - est aussi de sa conception. Le second peut avoir été conçu par un autre père lors de la période des amours en Slovénie mais on n'en est pas tout à fait certain. La morale de cette histoire c'est que le hasard a tellement bien fait les choses, en faisant se retrouver à 2.000 kilomètres de leurs domaines amoureux et en l'espace d'un an trois ours, que l'on peut se demander si la probabilité est une science exacte...
J-. P. F.
- Trois sont en Ariège
Si l'on dressait une carte des localisations des plantigrades à ce début septembre on aurait Pyros comme d'habitude entre Hautes-Pyrénées et Haute-Garonne. Ziva prolonge son séjour sur le versant espagnol des Pyrénées dans le Pallars- Sobira. Le subadulte qui a le plus défrayé la chronique en attaquant des brebis en mai vers Luz Saint-Sauveur (30 ovins tués) et qui se trouve maintenant aux franges du Béarn s'appelle Néré et c'est un fils de Ziva. En Ariège un subadulte de Mellba issue de la même portée se trouve entre Seix et Bonac -Irazein- ce serait Caramelles. Enfin les deux compères qui déchaînèrent les passions l'an dernier au dessus d'Orlu ou vers la haute vallée de l'Aude ont bien le même père Pyros mais deux mères différentes. Il y a Boutxy le subadulte de Mellba (équipé d'un émetteur depuis septembre 99) et un autre rejeton de Ziva qui se trouve aux franges des Pyrénées-Orientales et qu'à l'époque on avait baptisé Medved du nom de la forêt où il fut conçu en Slovénie. On est donc loin des deux oursons de Mellba qui déchaînèrent depuis plus d'un an les foudres sur leur dos. Avis aux nouveaux imprécateurs. Enfin pour la statistique les ours ont commis autant de dégâts aux troupeaux ou ruches que l'an dernier, toujours aussi bien indemnisés mais sans vent de révolte apparent.
- L'identité des Pyrénées
L'été 2000 n'a ressemblé en rien à son devancier surtout en Ariège sur le plan de la fronde anti-ours. La manifestation des éleveurs d'ovins à Foix en août 99 tout comme toutes les prises de positions des élus de haute Ariège dans le sillage du député Augustin Bonrepaux semblent à des années- lumière. Mais on n'a pas pour l'instant tout rangé au rayon des souvenirs. Il y a eu toutes les péripéties et turpitudes autour de la loi chasse et du fameux amendement Bonrepaux et ce il y a juste quelques mois. Au delà le problème demeure et la cohabitation est moins idyllique que ne le laissent transparaître une actualité plantigrade moins négative que douze mois avant surtout au travers des dégâts aux troupeaux. Mais il y a fort à parier que l'ours soit la vedette d'une assemblée générale constitutive qui se déroulera en Comminges vendredi. L'idée de la création de l'association pour le développement de l'identité des Pyrénées revient à Augustin Bonrepaux. Le député de l'Ariège qui fut un temps président de l'association nationale des élus de la montagne (Anem) veut fédérer les élus des Pyrénées centrales. Et son message via les élus des communes de montagne invite les conseillers municipaux, éleveurs et bergers à venir à cette réunion. Nul doute que vendredi à 15 heures il y aura du monde à Cierp-Gaud entre Sanit-Béat et Luchon pour valider cette nouvelle association.
Extrait de la Dépêche du Midi du Mercredi 13 Septembre 2000