L’ours est une espèce en voie d’extinction dans plusieurs pays d’Europe, dont la France, qui est passée de 150 ours au début du XXe siècle à seulement 5 individus en 1995. Depuis cette date, une grande opération de réintroduction a été mise en œuvre. On compte désormais en 2012 une vingtaine d’ours dans les Pyrénées. Cette réintroduction s’accompagne d’un suivi scientifique pour mieux connaître leurs comportements et leur répartition géographique sur le territoire pyrénéen. Explications dans cette émission en coproduction avec l’ONCFS en compagnie de Pierre-Yves Quenette.
Si l’ours est aujourd’hui réintroduit dans le massif pyrénéen, il le doit à l’évolution du comportement des hommes.
Jusqu’en 1947, des primes de destruction etaient versées et il aura fallu attendre 1960 pour interdire les battues administratives. Aujourd’hui, notre regard sur l’ursidé a bien
changé! Réintroduit depuis 1996, il est devenu un véritable patrimoine, chaque ours porte un nom, attribué sur concours par les écoles. Pour relancer la démographie de l’espèce
(il ne restait plus que 5 ours en 1995) les chercheurs sont aller trouver des individus en Slovénie dont les «caractéristiques génétiques et écologiques correspondaient le mieux
aux Pyrénées» précise Pierre-Yves Quenette. «Nous avons démarré avec une phase expérimentale en réintroduisant 3 individus seulement, pour s’assurer qu’ils allaient bien s’adapter
à leur nouvel habitat. Nous avons constaté qu’ils se déplaçaient plus que la normale, jusqu’à 70 km du lâcher avec des trajets un peu désorganisés. Et puis au bout de quelques
semaines, leurs comportements se sont structurés». Opération réussie, d’autres réintroductions ont vu le jour depuis cette date. Ils sont aujourd’hui 22 ours à la fin de l’année
2011, dont 3 naissances. Mais pour sortir de la catégorie des espèces en voie critique d’extinction, il faudrait au minimum une
trentaine d’individus sur le territoire dont 8 femelles, «ou 50 pour avoir une probabilité d’extinction faible sur le long terme».
En attendant, les équipes de l’ONCFS et son réseau de correspondants s’attèlent à l’observation de ces individus; une observation fastidieuse lorsque l’on sait que le terrain de
jeu d’un ours mâle est de 1000 km2 et que son activité est essentiellement nocturne!
Quelques ours ont été équipés de collier émetteur, envoyant régulièrement des informations précieuses aux scientifiques. Mais les colliers sont devenus obsolètes. Reste donc la
technique d’observation indirecte: «On repère la présence des ours à partir d’indices (poils, fèces) récoltés sur le terrain. Nous avons également récemment mis en place un
système de piégeage photographique pour repérer les femelles accompagnées de leurs oursons». La population, observée, encadrée, reste cependant fragile. Outre le taux
d’accroissement assez faible (naissance de deux oursons en moyenne par femelle), la mortalité chez les petits est de l’ordre de 30 à 40% la première année. Autre élément qui
pourrait poser problème à long terme: la perte de la diversité génétique: «Nous sommes partis d’un nombre limité d’individus (8 ours réintroduits). Et sur les 22 ours actuels,
seul un mâle dominant participe à l’essentiel de la reproduction, pouvant poser le problème de consanguinité». D’où la nécessité d’introduire de nouveaux individus... Mais la
décision demeure politique. Car deux stratégies sont possibles: réintroduire dès maintenant quelques individus supplémentaires ou attendre que le nombre d’ours augmente
naturellement, et qu’un jeune mâle remplace le dominant.
- La cohabitation entre l’ours et l’homme
Lorsque l’ours est dérangé dans sa tanière, qu’il se retrouve blessé ou qu’une femelle sent ses oursons menacés, il peut être dangereux pour l’homme. «Depuis 1996 et jusqu’en 2010, nous avons comptabilisé 495 rencontres homme-ours dans les Pyrénées. Sur le total de ces rencontres, l’oursl s’est montré agressif dans 4 cas seulement. A chaque fois, il s’agissait une femelle avec ses petits». Aujourd’hui, les exploitations forestières et le tourisme ont pris en charge cette composante pour éviter les rencontres dangereuses. Autre point: son alimentation. L’ours est à 70% végétarien. Les 30% restant sont d’origine animale, dont une petite partie d’animaux domestiques. La cohabitation avec le pastoralisme se pose alors. «Sur 600 000 brebis, nous avons imputé en 2011 à l’ours des attaques sur 250 bêtes. Le ratio est faible mais pour les éleveurs, c’est toujours trop. Il y aura toujours de la prédation avec un grand carnivore, mais il faudrait arriver à un niveau plus acceptable avec tout un panel de prévention, avec la présence de bergers, de chiens de protection et des clôtures électrifiées. Il est vrai que cela impose au berger des contraintes qu’il n’avait pas auparavant».
Pierre-Yves Quenette est chef de projet de l’unité de recherche consacrée aux ours à l’ONCFS, Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Émission proposée par: Elodie Courtejoie
Source: Canal Académie du 7 octobre 2012