Je n’aborderai pas ici cet aspect où pour tenter de faire accepter l’animal il devient ainsi une nouvelle espèce: l’ours tirelire ou fond de commerce. En 2006 encore, mais dans les Asturies cette fois, c’est le propre président de la Fondation Ours Brun, Palomero García, qui proclamait: «il faut rendre l’ours productif» (hay que poner al oso a producir), ce qui suscita notamment cette réplique dans le journal El Comercio Digital du 17 juin, sous le titre Épitaphe: "Palomero nous a ainsi montré clairement qu’il ne dirige pas une organisation conservationniste mais une entreprise qui ne recherche que la rentabilité de l’ours".
Je n’insisterai pas non plus sur la piètre méthode suivie dans ce mémoire absolument pas scientifique mais totalement impressionniste et parfois très ignorant: les auteurs eux mêmes, page 63, indiquent que pour recueillir l’avis des Catalans pyrénéens, ils ont interrogé des personnes «au hasard», sans qu’elles constituent un échantillon représentatif. Hasard assez téléguidé, puisque les interlocuteurs sont très majoritairement des journalistes et techniciens de l’environnement. Au Val d’Aran par exemple, où l’on sait comment éleveurs et chasseurs sont opposés à ces lâchers, les auteurs indiquent page 68, note 7: «les seuls acteurs sociaux que l’on a pu rencontrer sont une journaliste et un technicien» … ça tombe bien!
Par contre on trouve dans l’échantillon ce même Palomero Garcia qui, dans les Asturies on l’a vu, cherchait lui aussi comment vendre l’ours, là aussi ça tombe bien!
Ignorance tout aussi sélective dans cette mention, page 66 par rapport aux lâchers décidés par l’Etat sur le versant français: «Il n’y a eu dans les Pyrénées françaises aucune opposition à cette décision du gouvernement central» (no hi ha hagut cap tipus de contra posició en els territoris del Pirineu francès envers a aquesta decisió del govern central.)», cette contre vérité suffit à situer la «qualité» du mémoire! Il ne s’agit pas du tout d’analyser scientifiquement le terrain mais a priori de chercher à prouver que, oui, ce terrain est bien globalement favorable à l’ours tiroir caisse.
Mais ce n’est pas tout, car voici le plus désolant, ou comique selon l’humeur du lecteur.
Les auteurs consacrent toute une partie de leur mémoire (2-3, pp 19-31) à une étude de la biologie de l’ours: synthèse de divers travaux, de diverses sources très inégales. Une
analyse très détaillée de la dentition de l’ours et de son mécanisme occupe les pages 21 à 23, je la traduis ci dessous:
"2.3.1.5.- Étude de la dentition et de son mécanisme
On explique ci dessous la structure de la dentition de l’ours, partie importante de son anatomie qui détermine aussi son alimentation.
2.3.1.5.1.- Description de la structure des mandibules
Elles présentent les trois caractéristiques suivantes qui sont communes à tous les grands carnivores:
- les mandibules sont longues (comme chez les chiens, les loups ou les lions) et présentent un vide à côté des canines;
- la mandibule inférieure est plus étroite que la supérieure sur quasiment toute sa longueur. Cela permet aux dents de la mandibule supérieure de venir s’ajuster le long de celles de la mandibule inférieure en position de ciseaux;
- la mandibule inférieure dispose d’une ramification osseuse plate, située sur la partie latérale antérieure. Cette dernière s’écarte pour se prolonger et remonter jusqu'à la tempe, en croisant un ample anneau osseux de la mandibule supérieure qui lui sert de guide. Cette pièce anatomique est reliée à la mandibule supérieure et à la boîte crânienne par des muscles puissants. Cet ensemble permet de résister à n'importe quel risque de dislocation de la mandibule inférieure quand l’ours attaque des animaux vivants, ou quand, déjà prisonnières des crocs, les proies tentent de se libérer et de fuir en exerçant des mouvements brusques et violents.
2.3.1.5.2.- Description de la dentition
L’ours possède sa dentition définitive vers 12-15 mois, elle comprend généralement de 36 à 39 dents. Sur chaque moitié de la mandibule se trouvent:
- trois dents incisives à l’avant. Elles sont de petite taille, finement dentelées du côté extérieur. L'ensemble s’ajuste suffisamment bien pour permettre une occlusion légèrement en forme de tunnel;
- une canine est disposée sur la face latérale près de la partie antérieure. Elle se développe en forme de croc très puissant. Celle de la mandibule inférieure prend place et s’ajuste devant la mandibule supérieure. Un espace vide se trouve sur le côté à l’arrière des crocs, avec parfois deux vestiges de dents carnivores (prémolaires chez l’ homme);
- trois dents puissantes profondément ancrées à la mandibule:
- la première dent de chaque moitié de la mandibule appelée carnivore, est grande, pointue, ajustée en lame de ciseau avec la dent opposée;
- la deuxième de chaque moitié de la mandibule est coupante;
- la troisième enfin est différente selon la mandibule. La dent supérieure est grande et composée de deux parties de formes différentes: la moitié interne, en forme de molaire, et la moitié externe qui déborde vers le bas en forme de couteau-scie coupant. La dent inférieure est, elle, petite et en forme de molaire.
2.3.1.5.3.- Mécanique des mandibules et des dents
Les mandibules permettent un mouvement alternatif dans le plan vertical et doivent résister à différents types de difficultés: attaque et mise à mort des proies animales, dépeçage
et partage des viandes et des os pour les ingérer.
Les dents des carnivores sont adaptées à trois types d’action selon leur forme et leur place sur la mandibule:
- les incisives permettent de ronger, couper, attraper la nourriture ou la prendre dans des cavités profondes, entre les pierres ou les galeries des micro mammifères. Faute de disposer d’éléments anatomiques adaptés pour assurer la prise et l’ingestion de quantités importants d’herbe, elles ne lui permettent pas de hacher l’herbe comme le font les herbivores chez qui l’on trouve coussin oral, lèvres pinçantes, langue enroulée.
- la canine et la lumière dentale arrière (espace libre adjacent situé à côté de chaque canine chez les carnivores à mandibule longue): ces deux éléments permettent à l’ours de saisir fermement les proies; quand il attaque, il tente d’engager une part osseuse des membres ou du cou de sa victime dans les lumières latérales de sa dentition pour la saisir plus fermement entre ses crocs. Il peut ainsi maintenir entre ses mandibules des proies de grande taille et en même temps refermer complètement sur elle ses mandibules dents carnivores et crocs se referment alors en position croisée."
Et maintenant, le gag:
Les auteurs abordent ensuite les autres caractéristiques de l’ours brun: «Résumé des principales caractéristiques de Ursus arctos. Source: élaboration propre». En fait d’élaboration propre, il s’agit d’un tableau qui reprend les données synthétiques que l’on trouve dans tous les programmes Life-Europe et les documents militants des associations espagnoles favorables aux importations d’ours dans les Pyrénées, dont le FAPAS asturien (cité p. 29 à propos du régime alimentaire).
Le régime alimentaire reprend donc aussi le discours de ces associations, totalement faux comme nous l’avons déjà montré et allons y revenir:
«Alimentació - Omnívor (75-80% vegetals, 8% d’insectes, 7% de carronya i 7% de bestiar). Considerat hipocarnívor: està preparat per a la caça i és carronyer, però la seva dieta és essencialment vegetariana.» = «Alimentation – Omnivore (75-80% végétaux, 8% insectes, 7% charognes et 7% bétail). Considéré comme hipocarnivore: bien qu’il soit adapté à la chasse et charognard, son régime alimentaire est essentiellement végétarien».
Ainsi, après avoir décrit de façon très détaillée l’anatomie d’un animal incapable de se nourrir d’herbe faute de disposer d’éléments anatomiques adaptés, mais à l’inverse disposant, comme chez les chiens, les loups ou les lions, de tout l’appareil du parfait carnivore, c’est un végétarien qui nous est à présent proposé! Exactement comme le FIEP, dans une brochure à destination des enfants des écoles: «Comme une vache: au printemps, l’ours broute l’herbe tendre /…/».
Chez nos auteurs catalans, on cherche en vain à propos de cette mutation végétarienne d’un carnivore les analyses aussi rigoureuses que celle proposée pour l’anatomie de la bête. Les pages 28-30 commencent par indiquer que «quasiment 90% de son alimentation est végétale» (p. 28), ajoutent que 7% seulement est composé de bétail, et on trouve à la fin de cette partie, page 30:
«Comme déjà dit, les estomacs des ours ne sont pas si bien adaptés à la digestion de la matière végétale que ceux des herbivores stricts, aussi doivent-ils se limiter aux parties les plus tendres des végétaux et aux fruits, éléments les plus faciles à digérer. A la saison, les champignons entrent aussi dans le régime de l'ours, comme les truffes que leur odorat développé leur permet de détecter.»
En fait, comme dans tous les écrits militants, ce qu’est ce pseudo «mémoire», la même erreur scientifique grave est à la base du propos: page 30, «Els excrements reflexen la dieta de l’ós» = «les excréments reflètent le régime alimentaire de l’ours». C’est Totalement Faux.
Et je renvoie ici à l’analyse de fond proposée en réponse à un autre texte, celui là franchement militant et tout aussi faux, le dossier de presse ADET / Ferus distribué aux médias pour le «5e anniversaire du lâcher de l'ourse ŽIVA 19 mai 1996 – 19 mai 2011». Réponse où nous avons révélé certains des plus grossiers mensonges diffusés à propos des ours, notamment celui de leur régime alimentaire, voir: «2) - Nouvelle espèce, l’ours-vache, sans manipulations génétiques mais avec d’autres» (pièce jointe).
Simple extrait, l’analyse des plus grands experts scientifiques de l’ours dont J. Swenson, consultant de la France pour son plan ours, dans la publication européenne: «Plan d'action pour la conservation de l'ours brun (Ursus arctos) en Europe», publiée en 2000 (p. 26):
"«Etant donné qu’elle est très digeste et d’une grande valeur nutritionnelle, la viande semble jouir de leur préférence quand elle est disponible. /…/ La plupart des études sur les habitudes alimentaires de l’ours brun se fondent sur l’analyse de leurs déjections et sous estiment l’importance des animaux, et notamment des mammifères, dans le régime de cette espèce".
Très exactement ce que fait ce mémoire catalan dans sa vaine tentative militante de transformer un carnivore totalement appareillé comme un carnivore, en un délicat herbivore!
Que l’Université Autonome de Barcelone donne sa bénédiction à un tel mémoire bidon est quand même assez inquiétant.
Auteur: B.Besche-Commenge, 01 juin 2011
Pièces jointes:
- Le mémoire: «ÓS: VISIÓ SOCIOECOLÒGICA A LES VALLS DEL PIRINEU - Projecte de final de carrera Llicenciatura de Ciències Ambientals - Universitat Autònoma de Barcelona Curs 2008-2009»
- analyse des mensonges du dossier de presse ADET / Ferus dont «2) - Nouvelle espèce, l’ours-vache, sans manipulations génétiques mais avec d’autres»
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