Le Monde des Pyrénées

Le Pic du Midi: Plus d'accès au sommet pour les montagnards? - 2000

Bilan et Constat

Les randonneurs, alpinistes, skieurs alpinistes et raquettistes n'auront plus accès au sommet du Pic ou alors un petit morceau pour ne pas déranger et ne pas se mélanger aux touristes. C'est, en somme, pouvoir faire l'ascension sans jamais la finir. C'est la conséquence du modernisme et du développement touristique. C'est aussi le constat de ce que Daniel Taupin appelait "l'aventure moribonde".

Et pourtant, la FFME et la Compagnie des guides des Pyrénées se sont battus pour obtenir cet accès. Pas assez? Peut être? Trop incistant? Peut être aussi. Bref! Il y aura toujours quelqu'un ou quelque chose pour critiquer. Mais le fait est que peu ou pas de pratiquant ou de clubs ne se sont vraiment mobilisés pour obtenir ce "droit" au sommet pour un montagnard après en avoir fait l'ascension.

- Avant le Projet de Réhabilitation

La route du col du Tourmalet (2.114m) aux Laquets (2.650 m) est ouverte en 1972. Elle est donnée en concession à une entreprise privée qui fait payer l'accès non pas aux voitures mais aux personnes qui sont dans les voitures ou à pied. Les tarifs sont clairement diffusés dans la presse locale. Ainsi peut on voir dans la Nouvelle République des Pyrénées du 18 juin 1996:

Adulte: 24 F, enfants (6 à 10 ans): 12 F, piétons: 7 F, ...

Comme les itinéraires de randonnée ne passent pas par la caisse du péage de la route mais passent presque tous par le col de Sencours (sauf ceux versant Nord qui passent par le col d'Aouet), inmencablement le vigil du col réclamait les tickets et exigeait le paiement du passage. Si vous aviez un peu d'autorité et qui plus est, si vous étiez muni d'un bâton ou d'un piolet, il était facile de ramener ce pendor d'opérette à une plus juste réalité des choses en ce lieu pyrénéen.

A plusieurs occasions, la FFME était intervenu pour que la gratuité du passage soit officiellement accordée aux randonneurs. Mais sans résultat car rien n'était prévu juridiquement dans le contrat de concession. Il fallait donc attendre vers l'an 2000 (je ne me souviens plus de la date exacte) pour qu'une révision de la concession soit effectuée.

Néanmoins, il était possible d'accéder au sommet et d'atteindre sans problème la terrasse de l'observatoire et même de le visister dans certaines conditions.

- Le Projet de Réhabilitation

Dès l'annonce dans la presse du projet de revalorisation du Pic, Pierre Dollo, alors Président du Comité Départemental FFME écrivait au Préfet des Hautes-Pyrénées (lettre du 30 novembre 1994) pour lui exposer la situation vis à vis des montagnards (randonneurs et alpinistes), les difficultés déjà rencontrées et le souhait de participer à l'élaboration du projet.

En juin 1996, le Président du Conseil Général présente le projet d'ensemble à la Commission Départementale des Sites. La FFME expose une nouvelle fois ses craintes et ses souhaits par écrit adressé au Vice-Président du Conseil régional par ailleurs Président du Syndicat Mixte du Pic du Midi. Ce courrier est également adressé à tous les partenaires du projet.

Le 9 juillet, José Marthe, Président du Syndicat Mixte répond:
[...] "Toutes les observations que vous formulez méritent la plus grande attention, et notamment le libre accès des piétons qui pose problème avec l'actuel gestionnaire de la route.
"Le Syndicat Mixte du Pic du Midi étudiera toutes les propositions des divers partenaires intéressés par ce grand projet".

Le 13 septembre 1996, sur proposition de l'Architecte des Bâtiments de France (ABF), la Commission Départementale des Sites donne un avis favorable à la totalité du projet y compris les diverses gares du téléphérique.

Le 25 septembre 1996, le Préfet des Hautes-Pyrénées prend un arrêté de création d'un "comité de suivi de l'autorisation de l'Unité Touristique Nouvelle (UTN) pour la valorisation touristique du Pic du Midi..." et la FFME y est incluse dans le "collège des défenseurs de l'environnement".

Après un entretien avec Guy Dotter, Vice-Président du Syndicat National des Guides de Haute Montagne, une nouvelle lettre est adressée par la FFME au Président du Syndicat Mixte pour lui rappeler la necessité d'envisager la possible montée par téléphérique des skieurs (au moins skieurs alpinistes) dans les mêmes conditons qu'à l'Aiguille du Midi ou à La Grave, en rappelant les termes de la lettre de juin. Une lettre est également envoyée à tous les partenaires.

Lors de la mise en place officielle du Comité de suivi le 8 novembre 1996, Louis Dollo, représentant la FFME "expose les préoccupations des amateurs et des professionnels de la montagne qui souhaitent le maintien d'un accès libre au sommet, tout en acquittant les tarifs des prestations touristiques et muséographiques qui seront proposés aux visiteurs".

Le Préfet demande à la FFME de "lui adresser un cahier des charges à ce sujet qui sera porté à la connaissance du Syndicat Mixte". Ce rapport fut transmis le 31 janvier 1997. Il retraçait l'ensemble des activités relevant de la FFME (randonnée en montagne, alpinisme, ski alpinisme, raquettes à neige) et reprenait la liste des itinéraires et voies décrites autant sur des cartes que sur des topos imprimés et diffusés par des éditeurs. Il précisait les souhaits des pratiquants de la montagne sans exclusive.

Le 18 novembre 1996, la Préfecture écrit: ".... J'ai l'honneur de vous faire connaître que je prescris une étude de cette affaire par les services compétents dont je ne manquerai pas de vous communiquer les résultats".

Le 3 décembre 1996, le SEATM adressait les résultats de son étude au Préfet des Hautes-Pyrénées. Il faisait état de la situation à l'Aiguille du Midi et à La Grave. Il parlait également des conséquences de "l'accident Duchatel" à la Grave et faisait état d'une consultation auprès de Maître Delafon, "avocat renommé" à Grenoble. Il concluait: "En conséquence, et sous réserve de confirmation par les services administratifs et les juristes compétents évoqués ci-dessus, le SEATM est très favorable à une ouverture réglementée du téléphérique du Pic du Midi aux skieurs de montagne."

Le 14 février 1997, le SEATM répond à la FFME au sujet du cahier des charges transmis au Préfet en disant: "je rejoins globalement vos propositions avec les commentaires suivants:
a) les aspects "responsabilité et sécurité" surtout l'hiver devront faire l'objet d'un travail plus précis...[...]...Un cabinet spécialisé pourrait être contacté à cet effet.
b) Une étude d'aménagement détaillée devrait également être menée....."

Et il concluait: "La maîtrise d'ouvrage de ces études, me semble nécessairement revenir au Syndicat Mixte du Pic du Midi, entouré des compétences spécialisées (FFME, Guides, ...), le SEATM étant disposé à apporter son expérience."

- La Phase de Travaux

Durant les travaux, la FFME est régulièrement intervenue pour que l'information des randonneurs ainsi que leur sécurité soient assurées aux périodes de tire de mines et de mise en place des câbles du téléphérique. Ces divers dialogues ont démontré que la maîtrise d'ouvrage et les entreprises ont une totale méconnaissance du milieu voir même du lieu et des diverses possibilités d'accès. Un chef d'équipe s'est trouvé surpris un jour, de voir arriver des randonneurs au milieu du chantier au sommet du Pic. "Ils n'avaient été vu par personne" disait-il. Personne ne comprenanit (et il nous a été impossible de le faire comprendre) qu'on pouvait y accéder hors sentier et que des équipements de cette nature n'étaient indispensable que pour des touristes ou des promeneurs. On a pu constater que ce chantier ne s'est pas déroulé dans des conditions optimales de sécurité puisqu'on a pu voir plusieurs morts:

Tout ceci a contribué à développer le mythe de la "montagne tueuse" et à ficher la frousse aux amateurs contemplatifs de la montagne.

- Et nos Problèmes de Pratiquants de la Montagne se poursuivent...

Le 2 avril 1998, Guy Dotter au nom des Guides de Haute Montagne intervient dans la presse locale pour réclamer une nouvelle fois le libre accès au Pic.

La presse locale s'étonne même (article de Thierry Jouve dans la Nouvelle République des Pyrénées) qu'il existe des cordes pour sortir de l'aiguille du midi..... Impensable dans les Pyrénées apparemment. Chacun appréciera!

Le 20 avril un nouvel article de presse fait état des problémes. Louis Dollo déclare: "Nous souhaitons qu'il y est la liberté d'accès sur la terrasse du Pic quelque soit le moyen que l'on ait utilisé pour y monter. Et également obtenir la possibilité d'utiliser le nouveau téléphérique"
"[...] il n'appartiendra pas à l'exploitant de juger de la dangerosité de la pratique du ski en haute montagne....
"S'engager en haute montagne, c'est un choix que l'on fait... Au Pic comme à l'Aiguille ou ailleurs, il s'agira de faire un affichage précis pour informer les pratiquants qu'ils s'engagent dans cette zone en connaissance de cause"
" ... les initiateurs et moniteurs fédéraux de la FFME ont des diplômes et des compétences requis pour emmener, bénévolement toutefois, des personnes faire la descente du Pic"

Et dans le même article, Suzane Lacroix, alors Présidente du CAF de Bagnéres de Bigorre, précise: "S'agissant d'y faire du ski, nous ne sommes pas favorables à ce qu'on l'aménage en piste...[...]...il vaut mieux la laisser hors piste et là chacun prend ses responsabilités de s'y engager ou non". Et elle rajoute "Au CAF, nous avons des gens compétents qui connaissent la montagne et qui encadrent des groupes".

- Voilà un sujet qui semble bien faire l'unanimité du milieu montagnard.

Mais les Préfets changent.... et ne se ressemblent pas. Jean Dussourd quitte les Hautes-Pyrénées au profit du Préfet Bougrier (qui nous arrive de Corse....) qui, début 1998, au cours d'une réunion du Comité de suivi nous étonne totalement: il ne connait rien au dossier du Pic. (quand je dis rien, c'est avec gentillesse et politesse). Tout le travail est à recommencer à zéro. Le 29 avril 1998, un dossier complet lui est adressé ainsi qu'a quelques autres autorités. Mais visiblement le sujet agace. La FFME devient-elle dérangeante en défendant ses pratiques sportives? Ou avons nous mise le doigt sur un point dérangeant? Au cours de cette même réunion, le Colonel Lavigne, Délégué Militaire Départemental déclare "le Pic du Midi aura cette particularité européenne: ce sera le seul sommet inaccessible aux montagnards".

- Le sujet pationne!

Aprés un calme plat d'une année (il fallait bien attendre la fin des travaux), arrive une réunion du Comité de Suivi UTN le 13 juillet 1999. Curieusement, le représentant de la FFME est approché par plusieurs fonctionnaires d'état (dont certains amis personnels) et il lui est dit: "le Préfet nous a interdit d'aborder le sujet de l'accés par les alpinistes et randonneurs ainsi que la question du ski de montagne pour ne pas qu'il se froisse avec le Président du Conseil Général. Nous sommes avec toi mais tu devras te débrouiller seul pour prendre la parole".

- Voilà un avertissement qui était clair.

Le rapport de cette réunion indique: "Monsieur Fortassin (Président du Conseil Général et du Syndicat Mixte), en réponse à une question de Monsieur Dollo, précise que les montagnards et les skieurs de montagne qui accèderont au site, devront acquitter le prix d'une visite s'ils pénétrent dans les locaux touristiques. Il précise à cet égard que les montagnards peuvent déjà accéder gratuitement à la plateforme sommitale. les skieurs de montagne ne pourront pas emprunter le tronçon supérieur du téléphérique du Taoulet, par principe de prudence afin d'éviter toute entrave à une bonne promotion du projet. Ces questions pourront être revues ultérieurement dans le cadre de la réglementation en vigueur après une ou deux années de fonctionnement du site dans sa nouvelle configuration. La convention entre le syndicat mixte et le gestionnaire laissera cette possibilité ouverte."

A l'issu de cette réunion, le Président Fortassin me proposait une "ouverture" pour en discuter hors réunion. Le bureau du Comité Départemental m'ayant refusé de saisir cette balle, je suppose que là, comme pour le Pibeste, il est urgent de ne rien faire et d'attendre.

- Chacun appréciera.

Depuis, le Préfet et les Sous-Préfet ont encore changé.....

Quant à la sortie du couloir Nord, elle reste ce qu'elle a toujours été: le bâtiment interministériel.... ou le mur de bêton.... selon l'enneigement.

- Epilogue?

Il est clair, et tout le lecteurs de cette page l'auront compris, que monter au Pic par tous moyens y compris à pied, est un "acte d'achat", ce qui, enterme juridique, constitut un acte de commerce. Ainsi le Pic, désormais ouvert aux touristes devient-il plus rentable que ouvert aux pratiquants de la montagne. De là à penser que le sommet leur sera fermé......

On constate toutefois que le Département des Hautes-Pyrénées a axé sa campagne de communication sur l'astronomie et la randonnée. Un espoir de reconnaissance est donc permis. Par ailleurs, Dominique Gaboriaud de la SODEXHO (restauration), un des gestionnaires du site avec TRANSMONTAGNE dit ouvertement: "Pas question d'interdire l'accès au sommet à quiconque. Nous mettrons en place un système de comptage, un tourniquet peut-être, afin de toujours connaître exactement le nombre de personnes sur le site. Il faut que les randonneurs puissent profiter du restaurant et, s'ils en ont envie, du musée et du téléphérique pour redescendre, moyennant 130 francs."

Voilà une position bien commerciale qui prouve que les commerçants ne perdent pas le Nord. C'est bien normal non? Une petite chance donc d'arriver au sommet sans payer si vous ne consommer rien et ne visistez pas le musée (ou en payant comme si vous montiez par le téléphérique?). Mais apparemment, si vous avez le malheur de visiter le musée en étant monté à pied, il vous en coûtera quand même 130 francs. Et puis, faire une descente ou une montée par téléphérique c'est le même prix.
Conclusion: pourquoi ne pas faire le touriste comme tout le monde? On est tellement mieux considéré!

En fait, personne ne sait à quelle sauce les randonneurs et montagnards vont être mangés.....

Cette affirmation date du 8 juin 2000 mais depuis.......

Suite à une réunion du Syndicat Mixte du pic du Midi le 31 aout, le Président Fortassin annonce la création d'une terrasse gratuite pour les randonneurs.
Seul probléme: cette terrasse ne permet pas de voir le panorama. Située entre les murs de béton du bâtiment interministériel et de la grande coupole au Nord et ceux du musée et du téléphérique au Sud, il est cair que François Fortassin veut faire payer le droit au paysage aux randonneurs.

Cette situation est inacceptable

Voir l'organisation du "Pic-Nique" du 10 septembre 2000

Affaire à suivre. Si vous montez au Pic, tenez nous informé.

- A lire

Mise à jour 1: 25/05/00
Mise à jour 2: 05/06/00
Mise à jour 3: 08/06/00
Mise à jour 4: 31/08/00