Dans les Pyrénées, le chien Patou, de son vrai nom "Montagne des Pyrénées", est la référence traditionnelles en matière de chien de protection des troupeaux face aux grands prédateurs. Dans la réalité du 21ème siècle, nous en voyons très peu. Il est trés peu utilisé pour des raisons purement pratiques, notamment le tourisme. Mais également par refus systématique de tout ce qui pourrait faciliter la présence de l'ours dans les estives qui est socialement rejetée.
Tous les ans, à Argelès-Gazost, dans les Hautes-Pyrénées, une fête du chien est consacrée au "Patou", Montagne des Pyrénées avec concours. Mais cette manifestation intéresse trés peu les éleveurs. Les chiens présentés ne correspondent pas à leurs besoins. Ces bêtes de concours sont beaucoup plus adapatées aux salons qu'aux bergeries et estives.
Argelès-Gazost: la fête du chien des Pyrénées
Les chiens de troupeaux dressent habitants et touristes contre les éleveurs
"Vous le voulez? je vous le donne!" René Gros nous tend la corde avec un sourire en coin. Au bout de la laisse de fortune, 55 kilos de muscles et de poils. Un patou splendide et doux comme un agneau. Sauf, il y a un mois, quand le chien de troupeau a sauté par-dessus le filet du parc dans lequel il protégeait les brebis, près du barrage d'Aussois.
Il s'est précipité sur la gardienne du refuge de Plan Sec et l'a mordue à plusieurs reprises aux bras et aux cuisses. Rien d'irréparable, mais Claire Bermond reconnaît qu'elle a eu la peur de sa vie. "Ca a duré plus d'une demi-heure et j'avais très peur de tomber tellement il a été agressif. J'ai vraiment eu du mal à m'en remettre, surtout psychologiquement, alors que je n'avais pas du tout peur des chiens jusque là."
Claire Bermond a porté plainte. L'affaire sera jugée en septembre à Saint-Jean-de-Maurienne. "Je ne demande rien, je n'ai rien contre le propriétaire, mais je veux marquer le coup. Il est temps que l'on prenne conscience de cette situation." Intenable pour tout le monde. A plusieurs reprises, Claire Bermond a reçu des appels téléphoniques de randonneurs demandant s'il y avait des patous sur le sentier menant à son refuge. Même agacement chez son collègue Franck Buisson, gardien du refuge de la Dent Parrachée: "les gens viennent dans le parc national de la Vanoise pour voir des marmottes, des chamois et des bouquetins. Encore faut-il que ces animaux ne se fassent pas courser par les patous, comme cela arrive régulièrement."
Aussois, Bramans, Sollières-Sardières, Termignon, La Toussuire... Les incidents se multiplient
Aussois compte cinq éleveurs qui ont une quinzaine de patous répartis sur les alpages. Alors la pression monte au fur et à mesure que l'on attend les vacanciers.
Monique Ratel, adjointe au maire chargée du tourisme, ne cache pas son inquiétude pour l'avenir: "il y a déjà eu plusieurs annulations de séjours à cause des chiens. Sans parler des coups de téléphone de gens qui viennent se plaindre parce qu'ils ont très peur sur le GR5 ou autour du Fort Marie-Christine. Ca tombe plutôt mal alors que la commune mène une étude afin de développer le tourisme. Ce n'est pas le moment de faire fuir tout le monde! Et ces histoires rendent les relations très tendues entre les habitants et les éleveurs. Les gens font une fixation sur le patou, alors que le problème vient du loup."
Pour René Gros, on nous met tout sur le dos, mais ce n'est pas nous qui avons demandé d'avoir ces chiens. On nous a subventionné pour les acheter et maintenant, c'est nous qui devons assumer les conséquences." En 2004, premières attaques sur le troupeau de brebis.
L'année suivante, il a ses premiers chiens. Il en a quatre aujourd'hui, dont "Alf", qui reste enfermé depuis l'attaque de la gardienne du refuge. "Ajoutez les deux allers-retours chaque jour, pour monter les nourrir, parquer les brebis pour la nuit. Je comprends que plusieurs éleveurs aient déjà arrêtés."
Aussois, Bramans, Sollières-Sardières, Termignon, La Toussuire... La liste des incidents, des morsures, des courriers de touristes exaspérés ne cesse de s'allonger en Maurienne.
Les crédits engagés en France pour la protection des troupeaux ont représenté 4 M€ l'an dernier, 10 à 15% étant consacrés aux chiens de protection.
Voir également le financement de La Pastorale Pyrénéenne
Auteur: Jacques Leleu
Source: Le Dauphiné Libéré du 2 juillet 2008