Si le Sénat s'intéresse aujourd'hui à la filière ovine, nous pouvons dire que la filière ovine intéresse beaucoup de parlementaires et de ministres mais que les résultats pour
sa relance et son développement sont bien maigres pour ne pas dire nuls.
Revenons seulement au
1er décembre 1999 où, Jean Glavany, député des Hautes-Pyrénées, était Ministre de l'agriculture, répondait à une députée par ces propos "Pour avoir constaté, comme vous, les
difficultés auxquelles se trouvent confrontés les éleveurs ovins, j'ai confié à MM. Launay et Thomas une mission d'évaluation et de prospective" et il précisait "Les auteurs du
rapport mettent l'accent sur la nécessité de préparer l'évolution inéluctable de la filière en utilisant notamment toutes les possibilités qu'offrent les contrats territoriaux
d'exploitation. "et il apportait des solutions: "...des mesures structurelles doivent permettre de trouver une nouvelle dynamique, dans le cadre des contrats de plan et en
utilisant les moyens supplémentaires de l'enveloppe complémentaire...."
Peut-être que les éleveurs seront en mesure de répondre. Néanmoins nous pouvons signaler une grande réflexion autour des ovins et de la filière ovine. Un sujet qui semble passionner.... Et qui mobilise beaucoup d'énergie depuis.
En novembre 2002, une mission sénatoriale s'intéresse à l'avenir de l'élevage incluant évidemment les ovins. Puis, en juin 2006, le premier Ministre confie une mission au député Yves Simon "sur l'avenir et la relance de la production ovine en France."
A l'automne 2006,, quelques mois après la mise en place de la mission Simon de l'Assemblée Nationale, "la commission des affaires économiques du Sénat avait décidé la mise en place d'un cycle d'auditions sur la situation de la filière ovine, devant déboucher sur la rédaction d'un rapport d'information sur le sujet". C'est ainsi que Gérard Bailly (Sénateur du Jura - UMP), président du groupe d'études sur l'élevage, et François Fortassin (Sénateur des Hautes-Pyrénées - RDSE) sont investis de cette mission qui leur a permis de rencontrer des éleveurs pyrénéens après avoir vu ceux du Béarn dans les Pyrénées-Atlantiques.
L'élevage ovin des Hautes-Pyrénées est essentiellement axé sur la production de viande. Néanmoins, il existe des producteurs laitiers qui valorisent leur production par la fabrication de fromage qu'ils commercialisent directement. Nous trouvons essentiellement ces producteurs dans la haute vallée de l'Ouzoum, proche du Béarn, dans le Val d'Azun, quelques uns en vallée d'Aure et Louron mais également en Barousse.
C'est dans le Val d'Azun, à la ferme Cazaux, que nous avons retrouvé la mission sénatoriale. François Fortassin et Gérard Bailly nous ont expliqué les raisons de leur mission qui consiste essentiellement à s'informer. Pour François Fortassin qui connaît bien nos montagnes, "l'élevage ovin qui existe est le dernier rempart avant la friche" et il nous développe ce qui est le fondement d'une activité dans le cadre du développement durable des vallées pyrénéennes qui justifie cette activité indispensable pour l'équilibre environnemental, économique et social. Mais il s'interroge "Pourquoi la viande ovine est cher chez le boucher et l'éleveur n'est pas payé? "Probablement un problème de circuit commercial mais peut être aussi un déficit identitaire. Et de citer le cas du " label rouge "que le boucher pourra toujours présenté comme de la viande des Pyrénées même s'il s'agit d'une race britannique (souvent de la sufolk à tête noire par exemple) élevé partiellement au granulé d'une grande marque agro-alimentaire.
Il faudra "peut-être lancer des pistes sur un label pyrénéen" Et puis cette autre réflexion "la France ne produit que la moitié de ses besoins en viande ovine et doit importer le reste. Pourquoi?" Les bonnes questions sont posées. Reste à trouver les réponses pour mettre en oeuvre des moyens efficaces qui puissent favoriser le marché de cette viande et plus spécialement celle de qualité des Pyrénées.
C'est la question posée aux parents de Jean-Pierre Cazaux. A plus de 80 ans, ce couple qui a connu la fauche à la main, le transport du fourrage sur le dos, l'ours, l'absence de primes et la vente des fromages sur le bord de la route du Soulor avant qu'il n'y ait foule comme aujourd'hui en été.
Leur petit fils, Baptiste, ne l'imagine pas. Ses grands parents ont vu l'arrivée de la voiture, de la motofaucheuse, du tracteur, de la trayeuse électrique et le troupeau multiplié par 7 ou 8. Lui, à une vingtaine d'années, est moniteur de ski de fond, entraîneur de cyclisme mais aussi paysan. "Je ne sais pas ce que je verrai dans l'avenir, mais peut-être moins d'évolution que mes grands parents". En fait, difficile d'imaginer l'avenir. Et pourtant, c'est le rôle des politiques et de leurs diverses missions: imaginer le futur de la filière ovine.
Nos sénateurs sont allés visiter la Pays Toy pour prendre conscience du développement d'une filière ovine à viande, celle de l'AOC Barèges-Gavarnie. Petits éleveurs (des troupeaux de 50 à 400 brebis) d'une race historique et emblématique locale, la Barégeoise. Un système d'élevage ancestral reconnu par un décret ministériel apportant une qualité remarquable à la viande. Mais aussi une commercialisation par circuit court directement du producteur au consommateur grâce à la présence d'un abattoir local situé dans la vallée garantissant l'origine et la qualité.
Dans la journée, à quelques kilomètres de distance, nous avons deux systèmes d'élevage avec deux systèmes de production et de commercialisation qui montre toute la complexité d'une filière qui ne peut pas être traitée de manière uniforme et seulement au niveau du territoire. Mais dans tous les cas des problèmes similaires comme l'ours et la commercialisation des produits de qualité.
Les éleveurs de moutons demeurent globalement les paysans les plus mal payés en dépit de leur rôle économique et écologique.
Bernard Martin, président de la Fédération nationale ovine (FNO) de la FNSEA, était mardi dernier à l'initiative d'une rencontre insolite avec des députés et des journalistes. Avec la complicité du député Richard Mallié, les responsables nationaux et régionaux de la FNO recevaient leurs invités à l'hôtel de la questure de l'Assemblée nationale pour un buffet dont le plat de résistance était de la viande d'agneau cuisinée de différentes manières.
Au-delà, il s'agissait pour les professionnels d'attirer l'attention des parlementaires et de la presse sur les difficultés d'une profession qui paie depuis bientôt trente ans la
libéralisation des échanges consentie en deux étapes au profit de la Nouvelle-Zélande. Une première fois, l'accord ovin de 1980 permettait à la Grande-Bretagne d'importer à droits
nuls des quantités importantes de viande congelée d'agneau néo-zélandais afin d'exporter ses viandes fraîches sur le continent.
Une seconde fois, en réparation politique de l'opération barbouzarde contre le Rainbow Warrior, la France a admis de faciliter une nouvelle fois les importations d'agneaux
néo-zélandais.
Maintenant, ce sont 227.000 tonnes de viande ovine néo-zélandaise qui entre à droits nuls chaque année en Europe. Du coup, les prix ne décollent jamais, chez nous les revenus baissent et le nombre d'éleveurs ne cesse de diminuer, tout comme le nombre de brebis, en dépit d'une réelle dynamique observée dans la modernisation des élevages ces dernières d'années mais qui reste fragile. Il a suffit d'une fin de printemps et d'un début d'été maussades, en 2007, pour que la consommation recule et que les cours à la production chutent. En ce moment, les prix payés aux éleveurs sont inférieurs de 8 % à ceux de l'été 2006, tandis que les prix des carburants et des engrais ont renchéri les coûts de production. Se sont ajoutées les conséquences des sécheresses récurrentes constatées plusieurs années de suite dans certaines zones d'élevage, fragilisant durablement des exploitations tandis que la hausse du prix des céréales vient cette année augmenter le coût de l'alimentation hivernale des troupeaux.
Selon une étude de l'Institut de l'élevage, les revenus disponibles s'érodent depuis trois à quatre ans et ce sont notamment les grandes régions ovines qui voient leurs effectifs chuter. Au point que le pays compte aujourd'hui moins de 7 millions de brebis mères et que la production de la viande ovine française est tombée à moins de 43 % de la consommation. On assiste à une lente agonie de la filière, aggravée par la réforme de la politique agricole commune de 2003 et le découplage des aides à hauteur de 50 %. De plus, le retour de la droite au pouvoir en 2002 s'est traduit par la fin des contrats territoriaux d'exploitation, ces accompagnements écologiques rémunérés auxquels avaient souscrit de nombreux éleveurs ovins. Certes, personne n'a semblé vouloir évoquer cette question mardi à la questure, si ce n'est en aparté.
Pour survivre, les éleveurs voudraient aujourd'hui une aide annuelle de 15 euros par brebis en attendant que l'examen à mi-parcours de la réforme de la PAC promise pour 2008 sous présidence française vienne corriger le traitement injuste que les éleveurs de moutons estiment subir depuis trop longtemps.
Auteur: Gérard Le Puill
Source: L'Humanité du 3 août 2007