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C'est, officiellement, une loi du 5 avril 1884 qui a institué pour la première fois des commissions syndicales en France, notamment dans les Pyrénées. Mais dans les faits, elles connaissaient une existence parfois depuis le moyen âge. C'est le cas de celle du Haut Ossau d'où la commune de Bielle en Ossau voudrait se retirer.

- Jean Baylaucq et Bielle en Ossau retoqués au Tribunal Administratif au sujet du syndicat du Haut-Ossau.

La dernière estimation des biens indivis des huit villages du canton de Laruns remontait à Napoléon III

32 millions de patrimoine "Complètement farfelue" Pour le maire de Bielle, pas question de faire machine arrière. Jean Baylaucq juge la répartition au 1 / 8e "complètement farfelue" et l'expertise "extravagante".

Le tribunal administratif de Pau, saisi en référé par la commune de Bielle, a débouté celle-ci, hier. Bielle et son maire, Jean Baylaucq, contestaient les conditions dans lesquelles la Commission syndicale du haut Ossau avait mandaté un expert, pour estimer les biens indivis de cette collectivité qui réunit les huit communes du canton de Laruns.

Des biens considérables (estimés à 31.867.074 Euros) à l'échelle d'une vallée de 3.500 habitants. Qui se répartissent entre 2.392 hectares voués à l'activité pastorale et forestière, dans les montagnes d'Ossau, mais aussi, beaucoup plus lucratifs, sur les quelque 800 hectares du Pont-Long.

Là, au nord de Pau (Sauvagnon, Uzein, etc.), le haut Ossau reçoit les "dividendes" de terrains viabilisés (150 hectares) à vocation industrielle et commerciale; il y exploite aussi en régie directe la Ferme du Pont-Long, la plus grande exploitation agricole du département. Les excédents totaux ont atteint 1,230 million d'euros l'année dernière.

Précisément, l'expertise de tous ces biens communs - 200 000 Euros hors taxes à la charge de la commune de Bielle, comme l'a confirmé le jugement d'hier - a fait suite à la demande de ce village de se retirer de l'indivision séculaire. Son Conseil municipal avait délibéré en ce sens, le 15 octobre dernier.

Sauf à imaginer que Jean Baylaucq revienne sur sa décision de retrait de l'indivision - ce que l'intéressé exclut catégoriquement - le haut Ossau n'est pas au bout des tribulations judiciaires.

M. Baylaucq a engagé trois autres procédures. Elles visent, en dehors de la légalité de la dévolution de l'expertise, dont Jean Baylaucq considère qu'elle a été faite au mépris des règles des marchés publics (appel d'offres), la gestion du président de la Commission syndicale, Augustin Médevielle, maire d'Aste-Béon, qui au printemps 2008 a succédé à Jean Baylaucq. Lequel en tenait les rênes depuis vingt-cinq ans, cela n'était pas neutre dans l'affaire...

- Un travail de titan

Le 15 avril dernier, la Commission syndicale du haut Ossau, par six voix contre une (Bielle) et une abstention (Gère-Bélesten), a arrêté sa proposition: 3.983.384 Euros de compensation à Bielle pour solde de tous comptes.

Ce chiffre correspond au huitième du patrimoine haut ossalois tel que l'a estimé Me Michel Lagarde, de Serres-Castet, un expert juridique spécialiste du droit des commissions syndicales, qu'ont épaulé deux experts fonciers près la cour d'appel de Pau, Marc Jusforgues et Anita Lacarra.

Tout y est! "Du pic du Midi d'Ossau jusqu'à la chapelle du Pont-Long", résume plaisamment Augustin Médevielle, la main sur la pile d'épais volumes de l'expertise. Celle-ci a notamment recouru à la photo satellite, qui fournit des images à partir desquelles peut-être appréciée la qualité des herbages...

Le dernier état des lieux patrimonial remontait à l'époque où était intervenu (1861) le partage entre bas et haut Ossau. C'est sur celui-ci que se fonde Jean Baylaucq, pour réclamer un échange de montagnes, sur la base des pratiques et usages pastoraux toujours en cours, selon lui. Quant au Pont-Long: "Il n'est pas à vendre et nul n'y a davantage de droits que nous", tonne Jean Baylaucq.

- Inconciliables

Les points de vue paraissent aujourd'hui irrémédiablement inconciliables. Pour leur part, Augustin Médevielle et cinq des autres délégués de communes s'en remettent au Code général des collectivités territoriales, et tout particulièrement à une disposition voulant que "la commune qui n'a pas de bien indivis sur son territoire ne peut prétendre qu'à une compensation", c'est-à-dire à un dédommagement financier.

Mais du "fric" (sic), "Bielle n'en veut pas". Et ce d'autant moins que Jean Baylaucq revendique la part de sa commune selon le nombre de feux (77 pour Bielle sur 372), la dévolution ancestrale établie sous Gaston Phoebus (1385) et légèrement corrigée en 1549 et 1644.

Augustin Médevielle invoque, lui, le principe d'égalité, un huitième par commune donc, tiré du Droit civil. Avec pour corollaire la jurisprudence d'un arrêt de la... cour d'appel de Pau (20 janvier 1982), consécutif à la demande de retrait de la commune de Saint-Michel de la Commission syndicale de Cize. Arrêt qu'avait confirmé le Conseil d'état, stipulant que "les droits de chacune des collectivités locales sont de nature strictement identique."

Exhortation

"Moi, dit M. Médevielle, j'étais tellement persuadé qu'il n'était pas possible de quitter une commission syndicale, que j'ai mis du temps à réaliser. Je ne peux pas comprendre comment Bielle, tellement ancrée dans l'histoire de la Jurade et de la commission syndicale, et dont le maire a lutté des années pour conserver l'unité et valoriser le syndicat, puisse, au-delà du droit, dire "je casse tout et je m'en vais". Je souhaite qu'il réfléchisse bien à toutes les conséquences et qu'il revienne sur sa décision".

Auteur: Thomas Longué
Source: Sud-Ouest du 21 avril 2006