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Cet article de Michaël Hajdenberg dans "Libération" est très révélateur d'une situation bloquée où l'incompréhension existe des deux cotés. L'auteur a su analyser les griefs et observations de chacun des acteurs et rend parfaitement compte de la situation dans certaines vallées des Pyrénées

- Vautour fauve, ennemi public pyrénéen

Espèce protégée, il s'attaque parfois aux troupeaux, ce qui rend les bergers féroces.

Le projet de réforme du statut des parcs nationaux présenté par le gouvernement suscite l'inquiétude des associations de protection de la nature. Avant son examen par le Parlement à la rentrée, chaque samedi, zoom sur l'un des sept parcs nationaux. Aujourd'hui: le parc national des Pyrénées.

Autour de la table, la discussion s'emballe. "Si ça continue, on va se balader avec une carabine sous le bras", s'emporte Jeannot, entre deux phrases en patois. Ce berger de la vallée d'Ossau peste contre les vautours fauves, une espèce protégée qui, selon lui, n'hésite plus à attaquer les brebis et les vaches vivantes. "Un de ces jours, c'est un homme qui va se faire bouffer, après s'être fait une fracture ouverte dans la montagne", renchérit un autre éleveur. "Oh! On n'est pas dans Lucky Luke", rit jaune un agent du parc national des Pyrénées, qui cherche à les raisonner. Après l'ours, les vautours constituent le sujet de polémique de la vallée. Moins sensible (lire encadré), mais il illustre autant les difficultés rencontrées par le parc à se faire accepter localement, quarante ans après sa création.

Longtemps, les rapaces n'ont posé aucun problème. Au début des années 60, il est apparu qu'il fallait agir. Certaines espèces sont alors au bord de la disparition, comme le gypaète, l'oiseau emblématique de la région, dont il ne subsiste alors que 5 couples. Plutôt que de recourir à une coûteuse réintroduction, comme dans les Alpes, le parc national décide de tout faire pour favoriser la reproduction. Avec une belle réussite, puisqu'on compte aujourd'hui 27 couples. Cela ne va pas sans négociations serrées avec EDF, pour convaincre la compagnie de placer des signaux visuels sur ses câbles, afin que les bêtes ne s'électrocutent pas en les percutant; avec des gestionnaires de téléskis, pour les mêmes raisons; avec la fédération d'escalade ou de parapente, pour protéger les nids. Mais, dans l'ensemble, cet oiseau doux et timide est accepté.

Animaux du diable
Ce qui n'est pas le cas du vautour fauve. Lui aussi menacé dans les années 70 (30 couples côté français), il prolifère aujourd'hui avec "plus de 500 couples, sans compter les 4.500 côté espagnol qui peuvent passer la frontière", selon Didier Hervé, directeur de l'Institution patrimoniale du haut Béarn (IPHB), un organisme politiquement proche des bergers béarnais, mais réunissant tous les acteurs locaux.

Le parc national en convient, l'attitude des vautours a changé: ils ne fuient plus aussi vite, n'ont plus autant peur de l'homme. De là à dire qu'ils sont devenus prédateurs... "Ils sont trop nombreux et n'ont plus assez à manger avec les charognes, assurent les bergers. Alors ils s'attaquent aux bêtes vivantes, blessées ou vulnérables." Fantasmes? Pas complètement. Friands du placenta des vaches, les vautours ont causé quelques dégâts au cours des dernières années, notamment au moment où celles-ci mettent bas et sont en position de faiblesse. Pour en avoir le coeur net, l'IPHB a décidé de mettre en place un observatoire chargé de recenser toutes les plaintes. "En fait, il y a beaucoup de rumeurs, explique Didier Peyrusqué, garde du parc national attaché à la réserve d'Ossau. Au cours des dix dernières années, on a dénombré seulement une centaine de plaintes sur le département des Pyrénées-Atlantiques (dont 29 en 2004, ndlr). Mais toutes sont loin d'être justifiées et cela reste infime, comparé aux centaines de milliers de brebis et aux dizaines de milliers de bovins du département. N'oublions pas que les chiens, la foudre, les accidents, tuent aussi. Il ne peut y avoir de risque zéro."

Pourtant, la rumeur vole:
les vautours auraient changé. Ils ne se contenteraient plus de nettoyer la forêt de ses cadavres. "C'est encore la vieille imagerie populaire du rapace, estime Christian Arthur, responsable de la gestion de la faune du parc. Les animaux du diable. Une bête associée à la mort." Au parc aussi, une image est invariablement accolée. Celle d'une institution étatique, jacobine, ce qui ne convient guère aux "frondeurs" béarnais. "On est enfermés dans un jeu de rôles, regrette Didier Peyrusqué. Chacun reste sur ses positions et les bergers refusent de voir les choses en face: les générations précédentes n'auraient jamais laissé une vache mettre bas seule dans la montagne. Si les troupeaux sont laissés à eux-mêmes, ils ne sont pas protégés."

Empoisonnement
Pour Christian Arthur, il suffirait d'indemniser les éleveurs lors de leurs rares cas de pertes. Sauf que personne ne sait où mènerait le processus d'indemnisation. Et que les bergers n'en veulent pas. "On est indemnisés de partout", râle Jean-Noël. "Nous, on veut vivre de notre travail et rien, pas même l'argent, ne peut remplacer une bête à laquelle on est attaché", ajoute-t-il dans un élan sentimental un peu outré. La plus forte cause de mortalité des vautours reste l'empoisonnement. "Par des pesticides, explique Christian Arthur. Mais ce sont peut-être aussi des empoisonnements volontaires." Pour Didier Peyrusqué, tout cela est insensé: "Quand les vautours n'auront plus assez à manger, certains d'entre eux ne pondront plus et la nature se régulera par elle-même." Reste à en convaincre les bergers.

Auteur: Michaël Hajdenberg
Source: Libération du samedi 06 août 2005

- Commentaires

Il est évident que chacun campe sur ces positions et que personne ne veut céder. Mais tout le monde n'a pas tort comme tout le monde n'a pas raison.

Comme il est dit dans l'article, la prédation n'est pas énorme et il n'est pas demandé de l'argent. Alors que se passe-t-il?
Il serait peut être simple de discuter, dialoguer, reconnaître la problématique et rechercher des solutions satisfaisantes pour tout le monde. Nous pourrions aussi nous poser la question de savoir comment est assurée la formation pour certains éleveurs.