Lorsqu'une catastrophe est passée, nous avons tendance à l'oublier sans en tirer les enseignements. Afin d'éviter cet oubli, nous reproduisons ici, dans la mesure du possible, tout ce qui peut concerner cette catastrophe annoncée qu'est la fièvre catarrhale ovine - FCO - en Ariège - Pyrénées qui touche tous les ruminants d'élevage (moutons, vaches, etc...) et sauvages.
La fièvre catarrhale ovine (FCO) , c'est quoi?
Diaporamas de présentation de la fièvre catarrhale ovine (FCO) en Ariège
Environnementalistes: la haine de l'éleveur pyrénéen
A compter du 1er aout, les autorités espagnoles, à l'instar de l'Italie et quelques autres pays européens, n'accepteront plus sur leur territoire en provenance de zones réglementées FCO (= toute la France) que des animaux valablement vaccinés depuis au moins 60 jours. Cette décision fait suite à la mise en évidence d'animaux porteurs de virus FCO sur des lots récemment importés. Une exception reste possible, concernant des animaux de moins de 90 jours, restés confinés depuis leur naissance, désinsectisés et présentant une sérologie négative au moment du départ.
Source: Préfecture de l'Ariège au 05-08-2008
Pour tenter d'endiguer la fièvre catarrhale qui se répand et protéger leurs troupeaux.
Son premier cas de fièvre catarrhale, Patrick Ferrié, éleveurs d'ovins à Nalzen, l'a constaté vendredi matin. Soit le lendemain de la fameuse cellule de crise (lire notre édition de samedi) à laquelle il participait en tant que président départemental du Groupement de défense sanitaire des animaux domestiques.
Dans les prairies qui jouxtent sa bergerie située en direction de Roquefixade, vendredi matin deux béliers manquaient à l'appel: "Ils étaient à l'écart du troupeau, couchés dans un coin d'ombre, complètement abattus. Naseaux et bouche ruisselants. Souffrant d'une forte fièvre et boitant dès qu'ils ont tenté de se déplacer. Ils avaient si mal que l'un d'eux ne supportait pas que je le touche" raconte Patrick Ferrié. Autant d'aspects cliniques qui ont permis au vétérinaire de confirmer le diagnostic: fièvre catarrhale. "J'aurais la confirmation sérologique du virus en début de cette semaine" poursuit l'éleveur dont les deux béliers ont été mis illico sous antibiotiques et anti inflammatoires. Hier matin, un troisième bélier était à son tour atteint par la fièvre. Ces trois bêtes de reproduction, issues d'une longue sélection, risquent la stérilité. Samedi soir, la maladie s'est déclarée chez une brebis qui a agnelé il y a dix jours: "en douze heures, elle a perdu tout son lait, m'obligeant à nourrir au biberon son agneau" explique l'éleveur dont une quarantaine de mères viennent de mettre bas comme leur soeur. Autant dire que si elles tombent malades en série et perdent leur lait (les aphtes les empêchent de manger), ce sont leurs quarante agneaux auxquels il faudra donner le biberon. Pour l'heure le gros du troupeau de 430 têtes est en estives au-dessus d'Auzat, au barrage de Soulcem. "Il semble que l'altitude l'ait protégé du moustique qui transporte le virus et le transmet en piquant les animaux. Mais... gros souci à l'heure de la transhumance de la mi-septembre si l'épidémie bat encore son plain dans la vallée. Non, vraiment, l'élevage ariégeois n'avait pas besoin de ça tant la conjoncture économique est déjà difficile" s'inquiète Patrick Ferrié.
Ce matin, au titre de président du GDS de l'Ariège Patrick Ferriél va alerter, par courrier, ses 80 délégués cantonaux afin qu'ils informent tous les éleveurs du département des gestes préventifs à suivre pour protéger les animaux. Il leur demande une surveillance accrue des troupeaux.
La procédure de protection, Jacques Hato, du GAEC de Peychou (150 veaux et vaches limousines, encore indemnes), vient de mettre trois jours pour la réaliser. "Le plus long est de récupérer le bétail qui vit en "plein air intégral" dans les prairies. Ramenés à la stabulation, les animaux sont canalisés dans "le couloir" métallique où, l'un après l'autre, on les traite au Butox. Un insecticide répulsif pour le moucheron qui transmet la fièvre. On le vaporise sur le dos des bêtes, le long de la colonne vertébrale. En gros, il faut une heure pour traiter 40 animaux. Le Butox s'achète (125 €/HT) par bidon de 2,5 litres; ce qui correspond à 80 doses pour animaux adultes. Reste ensuite à ramener le bétail dans ses prairies" explique Jacques Hato.
Ce long et fastidieux scénario prophylactique, les éleveurs de l'Ariège le vivent pour la 3e fois en un mois. Et, ce n'est pas fini... "Le 1er a eu lieu le 20 juillet avec la campagne de vaccination obligatoire; le rappel, le 14 août, a nécessité le 2e branle-bas de combat. Après l'opération "Butox" en ce moment, se profile la nouvelle et urgente campagne de vaccination contre le virus SéroType1 qui vient d'entrer en Ariège. On la situe vers le 15 septembre; en espérant que toutes les doses nécessaires seront disponibles. Le rappel interviendrait alors début octobre" précise l'éleveur de Raissac.
Ce lourd calendrier qui aura rythmé et compliqué la vie des éleveurs ariégeois est entrain de poser les jalons d'une "catastrophe économique": zéro broutard vendu en 2008; chute de la production de lait; absence de trésorerie... La crise qui se profile est si grave que certains éleveurs, pour rebondir et limiter les pots cassés, évoquent une tout autre organisation économique et commerciale à inventer ici. Ce que veut dire Jacques Hato lorsqu'il déclare: "Il nous faut mettre à profit ce malheur".
Auteur: Bernadette Faget
Source: La Dépêche du Midi du 25 Août 2008
Fièvre catarrhale. Une nouvelle cellule de crise sanitaire est convoquée, ce soir, à Foix.
Avant de participer à la conférence débat de l'Association des Eleveurs et Acheteurs Associés (ELVEA) qui se tenait, hier après-midi, aux Forges de Pyrène, Gérard, éleveur de bovins en Barguillère, révèle qu'il est passé chez son notaire. "J'envisage de vendre l'une de mes parcelles en terrain à bâtir. Il me faut à tout prix de l'argent frais. Depuis ma dernière vente d'animaux, en mai, nous n'avons plus une goutte de salaire. Ma femme qui était, comme moi, à temps plein sur l'exploitation, a commencé à chercher du travail à l'extérieur. Les cotisations MSA sont exigibles au 1er septembre; il y a des emprunts à la banque... La maladie est déclarée dans mon élevage de 120 mères. Qu'est-ce que je vais faire des 100 broutards qui vont descendre des estives? Je n'ai pas les bâtiments suffisants pour loger, cet hiver, tout ce bétail dont les broutards auraient dû partir à l'automne vers le marché italien... et me payer le travail de l'année".
Terrible témoigne susceptible de se multiplier par X. "132 communes d'Ariège sont à ce jour touchées par la fièvre catarrhale dont la courbe exponentielle explose" a confirmé Carole Gauthier qui représentait la DDSV au débat de Montgailhard. Elle rappelle que l'arrêté préfectoral du 21 août qui classe l'Ariège en zone interdite BTV1 et indique aux éleveurs les procédures à suivre dans la lutte contre l'épidémie, est consultable sur www.ariege.pref.gouv.fr (effacé depuis); cliquer dans la rubrique "actu" et la rubrique "gestion des risques". On devrait y trouver, dès ce soir, de nouvelles indications suite à la deuxième cellule de crise qui se réunit aujourd'hui, à 17 h 30, à la préfecture. Une cellule qui risque d'être "très chaude" au regard des questions et des accusations qui ont ponctué, hier, un débat à vif. Parmi les coups de gueule: "Pourquoi, lors de la vaccination de juillet contre le virus BTV8, essentiellement destinée aux broutards en raison de l'exportation, n'a-t-on pas respecté cette priorité? Le nombre de doses de vaccin étant alors insuffisantes, mon élevage n'a toujours pas été vacciné" dénonce cette éleveuse de Saint-Michel. Aujourd'hui, le virus BTV1 est chez elle et, deux vaccins différents sont donc à l'ordre du jour. Une cacophonie départementale qui a fait dire à l'un des participants: "L'Ariège c'est la Corse du continent!". A la mise à l'index de la gestion départementale de la première crise sanitaire, les éleveurs ajoutent bien des reproches à l'encontre du ministère qui "a tout fait à l'envers dans le nord de la France touché par le BTV8; et qui a fait petit bras dans le sud où flambent maintenant les deux virus BTV1 et 8". Avec ses conséquences dramatiques sur les plans économique et social, l'épidémie semble éclater comme une bombe à retardement.
Nul ne sait dans la filière viande bovine ce que l'on va faire des milliers de broutards que les éleveurs ariégeois vont avoir sur les bras. Les marchands de bestiaux ont eu beau dire, hier, "que le beau temps revient après la pluie, et qu'il y aura encore des marchés", ils n'en ont pas moins signalé que "dès la semaine prochaine, ils exigeraient, pour la vente à l'export, un certificat de virologie pour les veaux de moins de 40 jours et ceux de 40 jours à 3 mois; et un certificat de sérologie pour tout animal au-delà de 3 mois". A l'heure du règlement des comptes sur les exploitations qui se télescope avec celle des règlements de compte de la gestion de la crise, le conseil général a rappelé par la voix d'André Rouch que "le département ne laisserait pas tomber les agriculteurs en matière de prophylaxie, registre qui ressort de ses compétences".
Auteur: Bernadette Faget
Source: La Dépêche du Midi du 29 Août 2008
Bernadette Faget, excellente connaisseuse du milieu pastoral atiégeois présente clairement le problème. Pendant ce temps, d'autres qui n'ont strictement rien à faire des problèmes des éleveurs entretiennent la polémique à partir d'amalgames assez minables et lamentables qui montrent bien leur haine des éleveurs et du pastoralisme au nom d'une idéologie du tout sauvage.
Nous pouvons également noter les défaillances coupables des services de l'Etat qui ont toujours minimiser la situation. Normal! A la veille des vacances....
Louis Dollo, le 30 août 2008
Afin de mieux comprendre la maladie, le Comité Départemental Santé et Protectyion Animal de l'Ariège (CDSPA) propose quatre thèmes sous forme de diaporamas sur la fièvre catarrhale ovine (FCO)
Le département de l'Ariège est passé en zone réglementée FCO par arrêté ministériel du 21 juin 2008.
Conformément aux orientations retenues en comité de pilotage départemental, les premières doses délivrées l'ont été à destination des estives, pour lesquelles les responsables d'estives ont fait remonter les besoins correspondants à la DSV. A ce jour, environ 9 000 animaux ont été vaccinés, dont 3800 broutards, couvrant 95% de la demande recensée.
Pour ce qui concerne les broutards restés en plaine, la demande recensée à ce jour ( vaccination obligatoire pour l'exportation en Italie) est d'environ 13500 têtes.
La première mise à disposition de vaccins spécifiquement destinés aux broutards "export-Italie" a eu lieu le 24juin, mais pour un quota de doses limité (1350), du à des aléas de production au niveau des laboratoires fabriquant le vaccin. C'est pourquoi il a été décidé collégialement de réaffecter les 3500 doses transhumance non encore utilisées afin de pouvoir renforcer la dotation des broutards "plaine"; Au 4 juillet, environ 4800 doses ont pu être ainsi mises à disposition des cabinets vétérinaires , soit environ 35% des besoins totaux de vaccination broutards.
Une deuxième dotation de 3.700 doses a été attribuée le 11 juillet et dans les cabinets vétérinaires, pour une couverture des besoins d'environ 60%.
Une nouvelle dotation de 7.500 doses a été attribuée le 18 juillet et sera repartie prochainement dans les cabinets vétérinaires, à raison de 5.500 doses pour les broutards sédentaires (couverture totale des besoins, qui ne représente néanmoins que 85% des effectifs de cette classe) et de 2.000 doses pour le reste des transhumants, avec une priorité sur les broutards correspondants.
D'autres dotations en vaccins "broutards" devraient intervenir dans les semaines à venir, mais en petites quantités, destinées à permettre les réajustements nécessaires avant la généralisation de la vaccination (extension facultative aux reproducteurs des troupeaux) prévue pour la fin Aout.
Au total, environ 17.000 broutards devraient pouvoir être vaccinés d'ici à la fin juillet, pour des exportations Italie comprises entre la mi septembre et la fin octobre.
Source: Préfecture de l'Ariège le 30 août 2008
Vaccination, hier, à Saint-Felix de Rieutort. Photo DDM, JPHC.Plus de 1.100 têtes à vacciner: c'était la tâche qui attendait hier matin, Jean-Pierre Alzieu un des vétérinaires mobilisés dans la vaste opération de vaccination du troupeau ruminant ariégeois. Christian Desramond, sur son élevage ovin de Saint-Felix de Rieutort, faisait défiler les bêtes sous la seringue du véto. Il était neuf heures. Opération terminée, vers 13 heures. Sur le troupeau, quinze brebis ont été affectées de la fièvre catarrhale: "Et encore, c'est peu" notait l'éleveur.
Son exploitation était la première de l'Ariège à subir la vaccination, après réalisation de la "désinsectisation" qui était le geste le plus urgent, car c'est un moucheron qui propage la maladie. Samedi matin, on en était, sur l'Ariège, à 315 déclarations de suspicions, (deux tiers chez les bovins, un tiers sur les ovins). La majorité des cas observés concerne le Piémont, la maladie ayant cheminé le long des cours d'eau depuis la zone couseranaise. Les estives où les conditions d'altitude ne sont pas propices au développement de l'affection sont dans l'essentiel protégées.
Hier matin, Pierre Jabert, directeur des services vétérinaires et le secrétaire général de la préfecture se félicitaient de la rapidité avec laquelle les premières livraisons de vaccin BTVI avaient pu être obtenues. "Nous allons disposer de 20.000 doses pour la semaine, le gros de la dotation va suivre" soulignait M.Jabert. L'important, on l'a compris, c'était en préambule de procéder à la désinsectisation, pour éviter toute nouvelle contamination. Ensuite la vaccination des troupeaux va s'étaler sur plusieurs semaines et devra être suivie, au bout de trois semaines, d'un rappel. La vaccination n'est efficace que lorsque l'immunité vaccinale est installée, soit 15 jours après la seconde injection. La durée prévisionnelle de la vaccination complète des troupeaux est de 40 à 60 jours. "Des conditions de priorité ont été dégagées, prenant en compte l'impact économique de la crise" insistait le secrétaire général de la préfecture.
Quelles sont-elles?
D'abord la vaccination des animaux transhumants, afin de protéger ceux qui sont peu atteints avant la redescente en milieu infecté. Priorité donc aux broutards transhumants. Les
moutons ne pouvant être regroupés sur les lieux d'estive seront traités prioritairement dès retour à l'exploitation. Ensuite vaccination des broutards de plaine et des
reproducteurs. Puis vaccination des ovins dans les exploitations infestées, des bovins dans les élevages infectés, enfin toutes les autres exploitations.
Les conditions de circulation des animaux sont durcies, la zone réglementée est élargie aux départements du Tarn, du Tarn-et-Garonne, de l'Aude, des P-O et une partie du Lot et de l'Aveyron.
Auteur: J.-Ph.C
Source: La Dépêche du Midi du 31 août 2008
L'amère analyse d'un médecin sur la fièvre catarrhale
Michel Busch est médecin à La-Bastide de Sérou et également éleveur de ruminants. Fils de paysans de La Brie, il a toujours vécu avec des animaux d'élevage. Installé en Ariège depuis 15 ans, il analyse la poussée de fièvre catarrhale de cette saison, avec le calme de ceux qui en ont vu d'autres.
"L'hôte privilégié de ce virus est le mouton, explique-t-il. Vaches et chèvres peuvent l'héberger. Cette saison, le virus est plus virulent sur les bovins".
Comme celui de la grippe chez l'homme, il prend différentes particularités selon l'année ou la région; certaines formes de la maladie entraînent beaucoup de fatigue, d'autres moins. "On discerne donc, pour cet été, deux formes du virus, une très forte sur les bovins dans le sud de la France et en Espagne, l'autre, venant du nord de l'Europe, agit sur les ovins. C'est un moucheron, porteur du virus, qui transmet la maladie à l'animal".
"Nos éleveurs de moutons abandonnés par le gouvernement"
Inquiet, l'éleveur poursuit: "Les moutons malades sont très fatigués, ils mangent difficilement et sont donc épuisés à la fin de la maladie. Ils n'ont plus la force de fournir du
lait et de nourrir leurs petits. C'est une catastrophe pour les élevages productifs car il faut trois mois pour que l'animal puisse récupérer. Pour arrêter l'épidémie, les services
de santé demandent de cloîtrer les malades pendant 60 jours et de "désinsectiser" toutes nos bêtes. Cela pose un grave problème lorsqu'on veut employer le moins possible de
produits chimiques. J'estime que le gouvernement exagère en exhibant de façon immodeste ce souci sanitaire. Ce serait pour lui une façon de masquer sa responsabilité dans le recul
des aides financières aux éleveurs de moutons depuis une quinzaine d'années. Montrer les ours du doigt, alors qu'il n'y a pas d'ours, citer la fièvre catarrhale, alors qu'elle est
aussi vieille que la grippe, permet de cacher que nos éleveurs de moutons sont abandonnés par notre gouvernement".
Michel Busch évoque ce cas particulier de l'élevage du mouton depuis les années 90: "Avant nous vendions la laine, nous mangions nos moutons! Il n'y a plus de formation de pasteurs, meneurs de troupeaux, alors que c'est un vrai métier, avec des chiens qui accomplissent un vrai travail. Je crois bien que nous assistons à la mort de l'élevage ovin."