L'ours, le loup et le lynx ne sont pas des animaux spécifiques de la montagne. Aujourd'hui, tous ces grands prédateurs sont partout, y compris en plaine, au plus proche des exploitations et des villages. Les éleveurs, bergers et chasseurs ne sont plus les seuls à être en contact avec eux. Les randonneurs, automobilistes, habitants des vallées et des plaines sont de plus en plus confrontés à la problématique. Mais ceux qui paient le plus lourd tribu en France restent les éleveurs de moutons mais aussi de bovins, chevaux, volailles, etc...
Les syndicats agricoles sont préoccupés par cette situation imposée aux éleveurs. José Bové, à l’encontre de son parti politique, Europe-Ecologie, se souvenant sans doute de son passé syndical, adopte une position radicale à l’égard du loup: le tuer. De son côté, le syndicat majoritaire, la FNSEA, avec la FNO (Fédération Nationale Ovine) et les Jeune agriculteurs, adoptent une position plus nuancée avec, néanmoins un objectif: l’arrêt des prédations.
C’est dans ce contexte de crise, autant au sujet du loup que de l’ours et du lynx, que les dirigeants syndicaux et associatifs (FAR, Eleveurs et Montagne, ADDIP/ASPAP/ASPP65…) se sont réunis hier à Valence dans la Drôme.
«C'est la guerre» dit l'un d'eux. «Une question de survie» pour d'autres. Mais unanimement, la sortie d'une réunion des syndicats qui s'est tenu jeudi à Valence, «la situation doit cesser». Pour les syndicats, «L'objectif est toujours le même depuis un an. L'arrêt des prédations». Et de mettre en avant l'article L113-1 du Code Rural. Mais que faire face à un ministre de l'agriculture qui donne en touche vers la Ministre de l’Écologie qui ne semble pas spécialement ouverte aux problèmes des éleveurs. Et il y a urgence lorsque nous voyons les prédations journalières, parfois en très grosse quantité. C'est le cas ce jeudi matin avec pas moins de 86 brebis tuées dans le Dévoluy à la suite des deux attaques de loups malgré la présence d'un berger, un parcage et des chiens de protection. La situation des bergers devint intenable, et pas seulement l’été en alpage, mais aussi en vallée, le reste de l’année, au plus proche des exploitations dans les enclos.
«Bien heureux les naïfs qui pensent que les prédations diminuent». En Ariège, dans le Biros, c’est l’ours qui pose problème. Daniel Chertier, éleveur transhumant nous dit: «Les
attaques d'ours c'est tous les jours sur Urets et Bentayou et il y a deux bergers sur chaque estive». Et nous savons qu’une bergère y a laissé la vie dernièrement en travaillant
seule. Au-dessus de Salau, à l'estive de Pouilh, le berger ne sait plus à quel saint se vouer face aux attaques de loups pratiquement toutes les nuits malgré un chien de protection
et un regroupement nocturne sans un enclos.
Dans les Alpes du sud comme du nord, même observation concernant le loup sur tous les alpages. Près de 5000 brebis tuées l’an dernier «dans des conditions les plus horribles» nous
disent des bergers et éleveurs la larme à l'œil. «Et on nous parle de bien-être animal…». Et ils poursuivent: «Et maintenant c'est aussi en Lozère, en Ardèche...Le Massif Central
est atteint comme le reste des massifs… Et comme s'en débarrasser?» Dans les Vosges, le loup ne se limite pas à la montagne. Il est aussi en plaine.
Dans le reste de l'Europe, même situation. Dans le Trentin, la région arrête son aide et veut réduire de moitié la population d'ours. En Espagne, dans le massif des Cantabriques
(Picos de Europa), la situation est catastrophique. La moyenne de brebis par exploitation dans les Asturies est de 5. Est-ce vraiment encore une exploitation agricole ou de
l'élevage de brebis tondeuses occasionnelles? Dans les Pays Scandinaves, nous ne pouvons pas dire que tout est serein. Bien au contraire. Et pourtant, les associations écologistes
prétendent que tout se passe bien ailleurs en Europe. Et inversement, dans ces pays, ils disent que tout se passe bien... France. Mensonge? Manipulation? A l'évidence il y a des
mensonges. Mais il existe des faits évidents: ça se passe mal en France quel que soit le massif ou le type de grand prédateur.
La FNSEA, les Jeunes Agriculteurs, la FNO (Fédération Nationale Ovines) sont exaspérés depuis des années. Mais cette fois il faut «en finir» selon de nombreux responsables réunis le 19 juillet à Valence. «Il faut remettre les pendules à l'heure» disent-ils. La FNSEA «alerte le gouvernement pour le sensibiliser à toutes les biodiversités». Et pour eux ce n'est pas en sauvegardant 3 espèces emblématiques que l'on protège la biodiversité. «La biodiversité c'est un ensemble pas seulement 3 bêtes». Cette dimension ne semble pas être prise en compte par l’État. Et personne ne parle de développement durable... L'élevage est bien une activité économique dont on dit qu'un emploi direct induit 7 emplois indirects.
La colère des éleveurs est bien visible sur tous les massifs français et jusque dans les plaines. Le gouvernement laissera-t-il faire en estimant qu'il est urgent de ne rien faire en attendant des palabres futures incertaines. Actuellement, c'est la pagaille dans les alpages et les estives pour «le plus grand bonheur d'écologistes irresponsables et de fonctionnaires incompétents». Le ton est donné et les mois qui viennent risquent d'être chauds des Pyrénées aux Vosges en passant par les Alpes, le Jura et le Massif Central.
Louis Dollo, le 19 juillet 2012