Le Monde des Pyrénées

Attaques de loups dans les Alpes Maritimes: les Pyrénées apportent leur soutien aux éleveurs

La coordination pyreneenne ADDIP apporte son soutien aux éleveurs des Alpes-Maritimes victimes des prédations de loups

Porte parole de l’ADDIP, Coordination Pyrénéenne des départements de la chaîne qui militent contre les importations d’ours slovènes et pour le développement durable d’un massif dont le pastoralisme a toujours été la clef de toutes les autres activités, tourisme notamment, je viens à ce titre de passer une semaine dans les Alpes Maritimes pour prendre contact avec les éleveurs confrontés aux loups.

Louis Ascenzi était de ceux que je devais voir, il n’a pu être là, il montait ses bêtes en estive. D’autres éleveurs de sa vallée m’ont exprimé leur désespoir et leur colère avec une intensité humaine qui ne pourrait laisser indifférent personne. J’ai appris avant de rentrer l’attaque dont les bêtes de Louis avaient été victimes. Le J.T. FR 3 Côte d’Azur de ce jeudi midi [Ndr: jeudi 9 mai 2013] confirme qu’il s’agit bien des loups.

Au nom de notre association, j’apporte tout mon soutien à Louis et trouve tout à fait scandaleuse l’attitude de M. le Préfet du département qui, selon le JT, ne veut pas entendre parler de tir de prélèvement.

Quelle profession, M. le Préfet, accepterait les conditions de travail que Louis Ascenzi décrit dans ce reportage: à 67 ans dormir plusieurs nuits de suite sous un arbre pour protéger ses bêtes? Quelle profession accepterait de voir ainsi détruit son outil de travail, la passion de toute une vie? Quelle profession, comme me l’ont dit des femmes et des hommes de votre département, serait déchirée d’angoisse en voyant ses enfants décider de continuer le métier dans ces conditions, au lieu de s’en réjouir?
Car ce n’est pas seulement un nombre x de bêtes que les loups éliminent, vous semblez l’ignorer M. le Préfet: c’est tout un travail de sélection génétique, d’éducation des bêtes à un milieu, à des façons de faire, tout un attachement très fort entre l’homme et les bêtes, c’est tout cela que le loup fragilise et déchire. Un outil de travail qui explose, et il ne suffit pas d’acheter des bêtes à l’extérieur pour reconstituer cette complexe alchimie fruit d’une très longue histoire entre chacun et son troupeau.

Pour dire cette histoire et la catastrophe que représentent les attaques, mes amis éleveurs dans les Asturies espagnoles, où tout se passe très mal avec les loups contrairement à ce que certains racontent, ont cette image très parlante: imaginez un écrivain dont le manuscrit partirait en flammes alors qu’il n’en a pas de double, vous pouvez lui payer tout le papier, tous les stylos du monde, ils ne remplaceront jamais le manuscrit perdu. C’est exactement cela que vivent les éleveurs confrontés aux grands prédateurs, dans les Alpes, les Pyrénées comme dans le Massif cantabrique.

En refusant les tirs de prélèvement, c’est le manuscrit suivant que vous condamnez M. le Préfet.

A croire que l’objectif, c’est vraiment qu’il n’y ait plus d’écrivain, que l’éleveur berger disparaisse pour laisser place au loup devenu le maître des lieux. Mais Louis Ascenzi et ses pairs ne sont pas les seuls menacés, le tourisme aussi est dans l’œil du cyclone, ou du loup.

C’est exactement ce qu’écrivait en 1997 une étude commandée par l’Europe à propos des grands prédateurs (1): prévoir des «secteurs de priorité majeure, où la conservation des grands carnivores est l’objectif principal. Dans cette zone sont inclus les secteurs où doivent être établies de fortes restrictions à l’élevage, en accord avec les réalités locales, afin que l’élevage ne perturbe pas les carnivores.» (Sic! c’est le monde à l’envers: l’agneau gêne le loup!)

Et elle ajoutait «c’est la totalité du paysage qui doit être incluse dans les plans de gestion» en visant les activités touristiques qui «peuvent conduire à des effets négatifs sur les populations de grands carnivores».

Dans ce qu’ils subissent, Louis et ses semblables ne sont hélas que les précurseurs d’une menace générale sur nos territoires de montagne. Nous refusons ce destin: l’ensauvagement de nos terres, et les Pyrénées sont aux côtés des éleveurs des Alpes Maritimes pour construire un autre avenir.

B. Besche-Commenge, porte parole ADDIP – jeudi 9 mai 2013

(1) Livestock subsidy systems in Europe and reform proposals to benefit large carnivore conservation - Septembre 1997