Cartographie: les débats qui agitaient l'AlpiListe

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L'AlpiListe n'existe plus.
AlpiListe était une liste de discussions créée par Glénat Presse et consacrée à la montagne dans tous ses états, sportifs, touristiques et culturels.
Créée à l'origine par Pascal Koeber, rédacteur en chef de Alpe des Editions Glénat, elle est tombée peu à peu en désuétude. Elle avait l'avantage d'être l'objet de débats trés intéressant sur des sujets aussi bien techniques liés à la montagne et l'escalade que culturel...
Avant sa disparition nous avons pu récupérer quelques éléments des débats. Certains liens ont probablement disparus ou renvoient sur le site des éditions Glénat.

- Cartographie

AlpiListe était une liste de discussions créée par Glénat Presse et consacrée à la montagne dans tous ses états, sportifs, touristiques et culturels.

Sur les pages qui suivent, vous pourrez consulter une sélection de contributions (classées par thème et par ordre chronologique) postées sur cette liste de discusssions. Ces messages, envoyés par courriel, n'ont pas été retouchés en ce qui concerne l'orthographe, la syntaxe, les titres ou la grammaire employées par leurs auteurs respectifs... Les opinions exprimées n'engagent que leurs auteurs.

- Alpes franco-italiennes

Comme beaucoup de montagnards, j'aime bien les cartes topographiques. Dans les représentations du terrain, il y en a une toutefois qui surpasse toutes les autres: c'est la photo satellite du massif alpin. La raison est simple: on voit tout et il n'y a pas de frontières! France, Suisse, Autriche, Italie, Slovénie se trouvent réunis, organisés, autour des montagnes! Pas de toponymes non plus, ça aiguise le sens de l'observation et fait mieux comprendre les assemblages de montagnes, vallées... Pas de trace de interreg non plus ;-) Je peux donner les coordonnées de l'éditeur aux personnes intéressées. Sale temps dans les Alpes du sud ces jours-ci. La plupart des troupeaux sont redescendus. Les marmottes se font rares, et les rares qu'on voit sont grosses.

François Masselot, 21 octobre 1999

- Cartographie

Une petite requête. Pensez vous faire un petit truc sur les astuces de la cartographie: exemple: pourquoi certaines courbes de niveau possèdent des petites flèches au centre? Les croix des églises respectent-elles quelque chose dans leur direction?

Laurent Petrilli, 22 octobre 1999

Quelques éléments de réponse à tes questions concernant la cartographie (signalez moi si je dis des bêtises... ;-)) La petite flèche au centre d'une courbe de niveau (la courbe la plus "petite") indique une dépression. Elle évite de confondre avec une bosse ou un "mamelon"... Normalement, la croix indiquant une église est orientée dans le sens de la nef de l'église (en gros: depuis l'entrée et en direction de l'autel). Ceci dit, je n'ai pas de carte sous les yeux pour vérifier... Petite précision: le mot "orientée" vient de "tournée vers l'orient", donc vers l'est. Il provient justement des règles de construction des églises au moyen âge... De quoi alimenter quelques conversations de refuge:-) PS: toute précision (ou correction) concernant ces infos sera la bienvenue...

Olivier Lacaille, 22 octobre 1999

Les courbes de niveau qui forment un cercle avec une petite flèche vers le milieu indiquent une dépression (souvent une doline en pays calcaire). Lorsqu'il n'y en a pas c'est un monticule. Quant à la direction des églises, je ne crois pas qu'il y ait de signification particulière.

David Gueyffier, 22 octobre 1999

Petite précision au courriel d'Olivier: le sens actuel du mot orientation s'explique du fait que c'étaient les cartes, et non seulement les églises, qui au moyen âge étaient "orientées", c'est-à-dire que le haut de la carte était à l'est et non au nord. Ce sont les cartes en T-O, dites ainsi parce qu'elles étaient rondes comme un O et séparées en trois par un T délimitant les trois continents: Asie à l'Est (donc en haut), occupant la moitié de la carte, Europe en bas à gauche et Afrique en bas à droite. Jérusalem est au centre du monde et de la carte, et à son sommet se trouve le paradis terrestre, situé à l'extrémité de l'orient. Les églises reproduisaient de manière symbolique ce modèle cosmologique. Par la suite, les cartes ont été souvent orientées dans le sens "utile". La carte des Pyrénées de Roussel et La Blottière, au 18e siècle, était orientée au sud, vers l'Espagne. Puis "l'orientation" vers le nord a fini par s'imposer, mais le mot est resté. On s'éloigne un peu de la montagne, mais pas de la cartographie. Cela dit les cartes modernes sont remplies de petits symboles de ce genre dont le sens précis n'est pas toujours indiqué dans la légende, et cependant parfois très utiles pour se repérer. Il y a quelques années l'I.G.N. pouvait fournir une plaquette indiquant tous les symboles susceptibles de se rencontrer sur les cartes françaises. Je ne sais pas si elle est toujours disponible.

Sylvain Jouty, 23 octobre 1999

- Cartographie (les ombres)

Les photos par satellite représentant les massifs alpins sont trompeuses. Elle nécessitent une rééducation de l'oeil. Les monts semblent apparaître en creux et les vals en relief. A cause des ombres. Sur les cartes IGN, les ombres aident à l'identification des reliefs. L'éclairage théorique est situé au Nord-Ouest. Les versants orientés au Sud Est sont grisés, ombrés, et les reliefs deviennent plus lisible, laissant deviner la raideur des pentes, les successions de bosses et de creux, l'orientation. Tous le monde y est maintenant habitué, mais cette aide visuelle n'a été rendu possible qu'avec l'utilisation des ordinateurs. Quand on regarde aujourd'hui une carte d'Etat Major de massif montagneux au 1/ 25.000 ou 1/ 20.000 des années 50, elle paraît très plate et s'y repérer demande un effort de méninge. Sur les cartes satellites "en couleur naturelles", c'est l'ombre réelle qui est photographiée et fait le contraste: comme chacun sait le soleil n'est pas fixe au Nord-Ouest, il parcourt l'horizon de l'Est à l'Ouest au cours de la journée. L'ombre portée des montagnes fait que ce sont les faces Nord qui sont ombrées. Les alpinistes, eux le savent bien, c'est bien au Nord qu'on trouve la glace. La convention est donc inversée par rapport aux cartes. Si on est malin, on met la photo satellite tête en bas, et les ombres apparaissent (presque) comme sur la carte. (Ne faites pas pivoter la carte, car vous ne pourriez plus lire les toponymes...). L'inconvénient, c'est que le Sud passe en haut, ce qui est aussi perturbant. Mais, quitte à se croire dans l'autre l'hémisphère, autant que le Mont Blanc ne soit pas une course de spéléo, et que les reliefs apparaissent vers le... haut. Tout ceci n'est qu'une question d'habitude. Que changer pour restaurer la cohérence? Reprogrammer l'ombrage des cartes, ou déplacer le soleil au Nord Ouest? Moralité: La carte n'est pas le terrain. PS: Les couleurs des photos satellite en "couleurs naturelles" résultent en fait de l'interprétation humaine. Contrairement aux photos aériennes classiques (c'est à dire prise d'avion), les photos satellites ne montrent que des différences de longueur d'onde et la couleur restituée est arbitraire: marron pour la mer, vert pour les lacs, rouge pour les forêts... Sur les photos "en couleurs naturelles" les villes apparaissent en gris, les forêts en vert, les lacs en bleu (parfois reteintés)... Finalement on utilise à peu près les mêmes conventions de couleurs que les cartes pour recolorier les photos en vrai-fausses couleurs... Normal, les photos satellites sont aussi préparées par des géographes habitués aux cartes. En tout cela nous permet de nous y retrouver, (pour les couleurs, pas pour les ombres) et sans doute de trouver les couleurs "naturelles".

François Masselot, 25 octobre 1999

- Cartographie

Puisque l'on nous demande des suggestions... Parmi d'autres choses, j'aimerais voir traité dans l'Alpe, à l'occasion du numéro sur la cartographie ou dans un autre, la question de la dénomination des lieux, la toponymie. Il y a l'aspect "histoire des noms de lieux" sur lequel il existe de nombreux ouvrages et sans doute quelques spécialistes. Par rapport à cette histoire figée, je n'ai jamais vu d'étude plus "dynamique" portant sur le choix des noms portés sur une carte et sur les modifications d'usage qu'ils suscitent. A propos de la carte en général, j'étais tombé il y a quelques années sur un bouquin qui m'avais bien intéressé et dont le titre est plus rébarbatif que le contenu: Christian Jacob, 1992, "L'empire des cartes - Approche théorique de la cartographie à travers l'histoire", Albin Michel. Si certains sont tentés... Bravo pour l'Alpe.

Olivier Klein, 25 octobre 1999

- Cartographie (toponymie)

La dynamique des toponymes et en particulier des oro-toponymes (noms de montagnes) me passionne aussi. C'est un sujet très complexe qui lie la linguistique (les zones d'influence des langues, leur évolution et déformations) et la géographie physique (les montagnes prennent souvent leur nom des formes, nature du rocher, climat). D'après certains toponymistes, les noms de montagnes sont les plus anciens de tous les toponymes. Leur évolution est figée comme les montagnes qu'ils désignent, du moins à l'échelle humaine, alors que les lieux habités changent de noms au gré des révolutions politiques et culturelles. Les racines Pel- Par- Lan- par exemple, que l'on retrouve dans Pelvoux, dent Parachée, La Pare, Lançonnet, Lans en Vercors) seraient des racines pré-celtiques, c'est à dire des vestiges des langues qui se parlaient il y a plus de 2500 ans dans les Alpes, avant les invasions celtiques des 4e et 3e siècles avant JC et donc bien avant l'invasion romaine. (Je ne peux citer ma source de mémoire, mais elle est sérieuse). Les toponymes "Aiguille de Ravanel et Mummery", "Directe Américaine", en revanche évoquent un passé plus récent. Je me demandais récemment si les études toponymiques actuelles utilisaient des SIG (Systèmes d'Informations Géographiques) pour rendre compte de cette dynamique. Quelqu'un a-t-il des tuyaux là-dessus? En parlant de racines linguistique anciennes, il y en a une toute proche qui se cache: l'Alpe. Alp- et son altération Arp- sont des racines qui désignent des hauteurs et qui se retrouvent dans tout l'arc alpin dans toutes les langues: Dome de l'Arpon, Alpe de Villard d'Arêne, Alpetlistock, Alpelenhörnli...

François Masselot, 25 octobre 1999

- Cartographie au 1/10.000

A ma connaissance, notre institut national a produit à la fin des années 40, une carte au 1/10.000 de la partie française du massif du Mont-Blanc et des environs. Il s'agissait semble-t-il d'une opération de prestige. Ces cartes sont effectivement superbes, en couleur, avec une teinte dominante jaune correspondant aux alpages. Elles forment un assemblage imposant. J'en possède quelques feuilles à plat, et deux autres pliée dans un étui cartonné. Elles ont donc été diffusées sous ces deux formes. Je me suis toujours demandé dans quelle mesure le figuré des zones rocheuses était réaliste. Dans le genre historique, l'IGN diffuse aussi, entre autres via son site web, des photos aériennes prises lors de différentes campagnes au cours des cinquante dernières années. La comparaison des images d'une même zone à des dates différentes est passionnante. Malheureusement, ces documents restent très chers, surtout en grand format.

Olivier Klein, 26 octobre 1999

Effectivement, je n'ai jamais vu de telles cartes dans le commerce. Celles de montagne, que j'ai pu regarder, étaient encadrées. Visuellement, c'est très beau (exemple: gros plan sur l'Aiguille du Midi) et c'est ce qui m'a poussé à en faire mention. Le site de l'Institut géographique national présente ce type de cartes et propose des copies. J'imagine que sur commande spéciale, on peut obtenir des tirages de qualité (?). L'utilisation sur le terrain paraît en effet beaucoup moins pratique que celle des 1/25.000... Pour Chamonix-Zermatt, combien de cartes? Mais peut-être que dans certains cas de secteurs peu connus, ou reliefs très compliqués...

Hervé Bodeau, 25 octobre 1999

A ma connaissance, ces cartes peuvent être soit simplement des agrandissements de la carte au 1/25.000, sans ajout de détails supplémentaires (comme c'est le cas en Belgique), soit des documents encore plus précis, comme en Suisse, ou l'équidistance est plus réduite et ou de nombreux détails sur l'occupation du sol sont ajoutés (du moins sur les cartes de la région de Zermatt que j'ai eu l'occasion de lire). Les cartes suisses au 1/10.000 sont de véritables petits bijoux, aussi en ce qui concerne leur prix (48 CHF pièce environ)... En ce qui concerne la France, je ne sais pas à quel cas de figure elle se rattache, ne visitant qu'épisodiquement votre beau pays... Enfin, je crois qu'il convient de rappeler que ces cartes sont principalement à usage professionnel, où leur précision accrue est vraiment appréciée (pour aménageurs du territoire, gestionnaires, géographes, géologues, géomètres et autres geos...). Je n'ai jamais vu personne les utiliser en randonnée dans les Alpes.

Angélique Prick, 26 octobre 1999

- Cartographie (toponymie)

On ne se rassasie jamais des bonnes choses: que la liste me pardonne d'insister un peu sur la toponymie, bien que la revue qui nous rassemble en ait fait déjà beaucoup sur ce sujet... La revue c'est l'Alpe, au singulier universel, et ça n'a rien à voir avec les Macintosh. Même en tirant l'éthymologie par les cheveux on n'arrivera pas à rapprocher Apple de Alpe, par contre les ordinateurs permettent ce genre de raccourci clavier:-o, mais alors il faut mettre 2 L à Apple (- ; (je suis gaucher ;-)) Outre l'article que Pascal mentionne, l'éthymologie de "chalet" taillée à la serpe de main de maître dans un autre numéro ainsi que l'article sur les montagnes à vaches ou à moutons ont retenu mon attention avec un bonheur non feint... La liste a contribué aussi avec l'échange sur les montañeros. Mais les temps changent: dans un coin des Alpes que je connais, la montagne des Agneliers (de Agneau) est aujourd'hui donnée en pâture aux vaches et celle de Bouzoulière (de Bou- = boeuf, bovin) aux agneaux... le monde à l'envers.

François Masselot, 28 octobre 1999

- Cartographie au 1/10.000

Olivier a écrit:
"L'IGN diffuse aussi, [... ] des photos aériennes prises lors de différentes campagnes au cours des 50 dernières années. La comparaison des images d'une même zone à des dates différentes est passionnante."
Moi qui bêtement voyait dans les montagnes quelque chose d'immuable... tu nous dis que les différences sont captivantes... Etrange sentiment. Mais nos aménageurs y sont sans doute pour quelque chose. Je pense qu'on est plus frappé, en comparant des photos aériennes prises à cinquante ans d'écart, par le nombre de chalets, les remontées mécaniques, la voirie que par l'effondrement de la Directe Américaine aux Drus, ou autres chutes de pierres moins célèbres. La glaciologie en revanche doit y trouver son bonheur: avancée ou recul, la diète des langues glaciaires doit se voir comme le nez au milieu de la moraine. Dans mon jeune temps, je m'amusai à comparer des cartes du Queyras de deux époques: celles modernes dessinées à partir des photos aériennes et celles, basées sur des relevés des années 30, bien que publiées dans les années 50. Et ô surprise, mon sens de l'orientation en prit un coup: certains vallons se superposent très mal, accusant un écart relatif de 20 degrés. Pour être plus clair, le même vallon est orienté au NNO en 1950 et au NO en 1980. C'est particulièrement flagrant dans des zones difficiles d'accès (Ségure, Traversette). Je suis convaincu que les gars faisaient la triangulation à la main ou plutôt à pieds. Si j'organisais des courses d'orientation dans ce secteur, je donnerai la fausse carte...

François Masselot, 28 octobre 1999

Dans mon coin (région marseillaise), l'IGN a sorti depuis pas mal de temps la cartographie des Calanques au 1/15 000: c'est vraiment très lisible. Une autre précision: quand j'ai commencé la spéléo, en 67, l'IGN éditait le 1/50.000 de base, et aussi le 1/20.000 qui était aussi extrêmement clair. Malheureusement, pour des raisons d'uniformisation européenne, peu de temps après 67 (vers le début des années 70), le 1/20.000 a été remplacé par le 1/25.000, déjà nettement moins "clair", et donc moins facilement exploitable. De plus, au fil des ans, ce 1/25.000 a été surchargé par des indications de type touristique, le point culminant de cette surcharge étant la série des TOP 25: itinéraires de marche à pied en rouge, ceux de ski en bleu, et toute une symbolique pour des indications qui ne sont pas vraiment indispensables... On trouve encore, malheureusement de moins en moins, des 1/25.000 Série Bleue sans aucune surcharge... bientôt, ce seront des reliques! Loi du marché oblige! (...) Si quelqu'un a eu entre les mains le découpage de la France en feuilles au 1/25.000, il ne lui aura pas échappé qu'il y a des centaines et des centaines de feuilles. Donc, pour la mise à jour, un nombre incalculable d'années. Quoi qu'il en soit, l'IGN met constamment à jour ses cartes, mais je crois savoir que la priorité a été donnée aux zones urbanisées... et encore, l'IGN a du mal à suivre, vu la rapidité de l'évolution urbanistique (ça construit à tours de bras...). Donc, la mise à jour des zones qui nous intéressent (montagne et zones peu ou pas urbanisées) est passée un peu au second plan (si j'ose dire!). Néanmoins, l'IGN est toujours sur le terrain pour la mise à jour. Je me souviens (il y a quelques années) avoir reçu, à la mairie où je bosse, des gars de l'IGN, venus pour mettre à jour des erreurs de leurs cartes, concernant l'emplacement des lieux-dits. Le but de la manoeuvre a été de comparer les plans cadastraux, sur lesquels les lieux-dits sont correctement indiqués (c'est bien une des rares choses qui soit correcte sur ces plans cadastraux!) et la carte au 1/25 000 de la commune, pour les mettre en concordance: on s'est aperçu que la carte IGN présentait pas mal d'erreurs en ce qui concerne l'emplacement de ces lieux-dits, et on a passé ensemble plus d'une demi-journée pour faire le tour de toutes les erreurs (donc, tirez-en les conclusions, notamment si vous vous renseignez auprès d'un gars du coin, au sujet d'un lieu-dit que vous avez lu sur la carte). Ceci étant, je n'ai pas eu la curiosité de vérifier, plus tard, s'ils avaient sorti une édition mise à jour après ce travail. Faut dire que je m'en bats l'oeil avec une pelle à tarte, parce que ma commune et ses lieux-dits, je les connais depuis un paquet d'années, et je n'ai pas besoin d'une carte, encore moins d'une boussole:-) pour m'y retrouver! (...) Il est fort possible (et même quasiment certain) que l'IGN édite uniquement pour l'armée des séries spéciales à des échelles plus grandes (1/10 000, 1/5 000, voire plus): là, évidemment, non seulement la précision intrinsèque est nettement meilleure, mais de plus il peut y avoir beaucoup plus de détails, tout simplement parce que, sur le papier, il y a plus de place pour en mettre. Exemple tout bête: si vous avez une carte au 1/50.000 et une au 1/25.000 (elles peuvent être d'endroits différents, ça n'a strictement aucune importance), comparez, dans la légende, la valeur en mètres de l'équidistance des courbes de niveaux: vous pigerez tout de suite. Une dernière chose sur l'IGN et l'armée: l'IGN, qui est maintenant un établissement public à vocation commerciale, donc civil, a été fondé en 1940, et s'est peu à peu substitué à l'ancien "Service Géographique des Armées", pour le remplacer définitivement après la dernière guerre (si mes souvenirs d'étudiant sont intacts).

Gérard Renon, 15 décembre 1999

(...) Je suis un touriste pure race quand j'évolue hors de mon jardin (la vallée de Barcelonnette). Ainsi, dans les Pyrénées, le Piémont, les Grisons ou ailleurs, j'aime par dessus tout trouver les surcharges rouges pour touristes sur les cartes. Imagine, quand j'emmène ma belle mère (une hanche artificielle), ou mon neveu asthmatique voir les marmottes, que je les promène dans des vernes, sur une mauvaise draille, ou galérer dans des ronces, et des éboulis foireux! Drame familial assuré. Par contre quand je me promène seul, j'aime savoir ou vont les autres (sur les surcharges), pour m'écarter a priori de leurs itinéraires. Et encore, quand je suis pris par la nuit ou le brouillard, toujours seul, je suis heureux de retrouver les sentiers bien tracés et bien balisés et de rentrer à la voiture en marchant sur les surcharges. Ou encore, on ne réussit pas les courses engagées en commençant à innover dés la marche d'approche... Ni les voies d'escalade quand on ne trouve pas le site. Par ailleurs, les Top 25 couvrent une région équivalente à plusieurs cartes série bleue, et sont centrées sur les zones touristiques, c'est à dire les plus intéressantes, et permettent de couvrir un séjour avec une seule carte (58 F) au lieu de deux à quatre série bleue à 46 F pièce. La carte fait voir le terrain à celui qui ne le connaît pas, en fournissant aussi des informations sur l'état des chemins, leur entretien, les équipements fixes (échelles, câbles...). En effet, les surcharges rouges assurent presque à coup sûr que l'itinéraire en question est fréquenté et bien entretenu. En ce sens les surcharges ajoutent de la valeur à la carte. Libre à chacun d'utiliser cette information ou non. Mon jeu favori, dans mon jardin, c'est de me balader sans sortir la carte du sac afin de développer le sens du terrain. Mais on ne peut jouer à ce jeu dans un environnement totalement nouveau, celui où on est touriste, sauf à passer beaucoup de temps sur des fausses pistes. Et nous sommes tous des touristes dés que nous sortons de notre jardin. Les cartes Top 25 sont donc bien faites pour nous, sauf peut-être celle de notre jardin.

François Masselot, 15 décembre 1999

Au contraire, dans les Pyrénées, IGN est tellement défectueux que c'est L'institut géographique de Catalunya (Espagne) et Rando éditions qui ont sortis ensemble une carte au 1/50.000 portant sur les deux côtés de la chaîne pyrénéenne. Difficilement lisible avec les surcharges touristiques (pour randonneur: rentabilité l'exige) sûrement pas indispensable pour ceux qui savent lire une carte mais j'ai le sentiment qu'on fait des cartes pour ceux qui ne savent ni la lire ni s'orienter et aussi pour ceux qui refusent une formation minimum à l'orientation. C'est un point que Mountain Wilderness devrait rajouter à sa Charte avec le chapitre sur les topos: plus de surcharges à touristes. Le pire est quand même de savoir que toutes les parties sous couverts ne sont pas revues ni modifiées. D'où le nombre d'erreurs grossières accumulées depuis des décennies avec les pistes forestières et l'abandon des chemins traditionnels. Certaines cartes comme dans le Nistos ou la Barousse dans les Hautes-Pyrénées ne veulent plus rien dire pour une grande partie de la superficie.

Louis Dollo, 15 décembre 1999

- Cartographie

La lecture des carte est pour moi un exercice sans cesse renouvelé, et peut donner lieu à des finesses insoupçonnées au premier abord. Le problème qui se pose souvent est de trouver une balade calibrée, optimisée en fonction de la météo, de l'horaire disponible, de la saison, du groupe de promeneurs... L'équation peut devenir complexe: comment faire plaisir à sa vieille maman, sans s'ennuyer soi-même toute la journée, trouver une motivation pour faire marcher un ado, ne pas refaire la balade de la semaine passée, et éviter à tout prix les galères? Où trouver les moutons le 20 août? Le gypaète sera-t-il encore où on l'a vu la dernière fois? De fait il y était, mais pas le jour où nous y allions "exprès"! Où voir des lys martagons le 1er juillet, et manger des groseilles à la Saint Michel? Quand on est près de chez soi, on trouve, mais remplir ce cahier des charges dans d'autres alpes devient gageure. Poutant, avec du flair on identifie sur la carte les zones à chamois, à framboises, sans parler du génépy. Or ni les pieds de framboisier, ni les sabots des chamois ne figurent explicitement sur la carte. Cependant au delà du terrain, elle donne des indications à interpréter pour trouver de quoi se mettre sous la dent, ou sur la pellicule, respectivement: orientation, végétation, altitude, nature des terrains, toponymes. On parvient à réaliser des tours de force, et parfois à de grosses bourdes qui fâchent belle-maman... Et seul, encore une fois, le plus grand plaisir est de ne pas sortir la carte du sac et de ne se fier qu'à son inspiration.

François Masselot, 15 décembre 1999

- Cartographie et montagne interdite

(...) Résumé: si Louis et moi sommes bien d'accord sur un point, c'est que la lecture des cartes est utile et nécessaire, (et pour cela d'avoir appris à le faire). Pas contre, nous divergeons sur l'intérêt de porter sur les cartes les "itinéraires" en plus des "chemins". Louis ne voit pas l'intérêt des itinéraires (surcharges en rouge), information tournée vers le randonneur, et non par exemple, vers le chasseur, le militaire ou le promoteur), par rapport aux chemins (tracé en noir, trait continu, pointillé etc.), c'est à dire un information factuelle, détachée d'une utilisation particulière. Pour conclure, la carte touristique est bien destinée aux touristes-randonneurs, cqfd. L'IGN fait son boulot. Louis semble ne pas apprécier autant l'IGN que moi! On peut encore déplier la carte, la retourner, pour n'y trouver qu'un terrain vierge, comme les tâche de blanc des cartes du XVIIe siècle, et s'aventurer dans ce milieu hostile ;-) Se perdre en montagne... Je souhaite revenir sur un point: quand je parle de me perdre en montagne, malgré le sens péjoratif de l'expression, c'est une expérience positive. Je cherche souvent à me perdre, c'est à dire à errer sans but, suivre ma route sans savoir où elle mène. Tous mes bonheurs en montagne viennent de ces situations, où l'inattendu reprend de la place. Les cartes restent alors volontairement dans le sac. Voyez y une prise de risque irresponsable si vous voulez, vous ne m'empêcherez pas de jouir de ma liberté d'homme galopant au hasard des croupes herbeuses. Les promenades touristiques en ville apportent aussi bien plus aux sens si l'on erre, que lorsque l'on suit un guide, humain ou papier. Montagne interdite... Quant à la réglementation de certains secteurs, voici une expérience vécue: les employées high-tech de la Bay Area de San Francisco sont coutumier de l'escapade en VTT. A tel point, que les conflits entre cavaliers, piétons et VTTistes sont fréquents, ont données lieu à des procès etc. L'état s'en est donc mêlé, bien dans son rôle, pour réguler une situation de conflit. Les pistes de VTT, en pleine colline, donnent lieu à des situations particulières, inimaginables en Europe: il y a des heures d'ouverture et de fermeture (ouvert de 8 h à 18 h par exemple) avec barrière. La circulation en VTT est interdite pendant les heures de fermeture. Le port du casque en vélo est obligatoire, des pistes sont réservées respectivement aux cavaliers, piétons et VTTistes, et certaines sont mixtes, la vitesse en vélo est limitée à 20 miles à l'heure, soit 32 km/h. Les contrôles radar fréquents des rangers (les gardes) donnent lieu à des contraventions et des amendes. La vitesse, quand on croise des piétons, est limitée à 5 miles/h. Bien sûr, je m'inquiète des interdictions galopantes (préfectorale cet hiver à la suite de l'avalanche du Tour, communale ici et là, administrative dans les parcs et réserves). La montagne que mes parents ont connue n'était pas interdite. Que connaîtront mes enfants? Note d'optimisme... Il y a un cas de réglementation sécuritaire en France qui a du plomb dans l'aile: c'est l'interdiction de pénétrer dans les massifs de Sainte Victoire, des Calanques et de Sainte Baume à date fixe (genre 30 juin, 20 septembre). L'objectif est, soi-disant, d'éviter au public d'être victime des incendies (un jogger est mort carbonisé dans l'incendie-catastrophe de 1989) et de limiter les risques d'incendie criminel ou accidentel pendant le période sèche. L'ironie, à l'esprit de tous les Aixois, est que c'est justement un ouvrier forestier chargé du débroussaillage préventif qui fut à l'origine de la catastrophe, de l'essence ayant été renversée sur sa tronçonneuse bouillante. Pourtant, les maires, bien qu'à l'origine de cette interdiction ne sont plus convaincus aujourd'hui de son bien-fondé. Cette interdiction est un handicap économique qui fait fuir les touristes des communes rurales et concentre tout le monde en ville. Elle ne peut être rigoureusement appliquée, car ces massifs ne sont bien entendu pas clôturés. Et les citadins aixois et marseillais sont mécontents qu'on leur interdise leur espace naturel de détente favori. On verra sans doute cette interdiction tomber à moyen terme, un ou deux ans, et être remplacées par d'autres règles, plus souples: interdiction les jours de grand vent seulement, comme c'est déjà le cas dans le département du Var.

François Masselot, 15 décembre 1999

- S'orienter sans balisage

Un mien ami, berger et grand braconnier devant Saint Hubert, 59 ans, greffé d'un rein, eût largué tout le monde si la montagne était un sport, de par la puissance de son jarret, et sa fine connaissance des sentiers sur une assez grande région. Pourtant ses capacités à lire carte et boussole sont nulle. Explication: ses repères s'appellent en vrac: le coulet des pins, la grande cassille, le poste à lièvre, le baù, l'assalis, la couchade des béligues... Bref, quand il m'expliquait des lieux, je ne comprenais rien. Une fois que je lui demandais de m'expliquer un endroit d'après les repères de la carte, il resta dubitatif: rien ne correspondait: tel chemin effacé, tel rocher pris comme une cabane, tel source non figurée... Je lui tends la carte. Lui se gratte la tête, et près dix secondes me la rend en disant: "je comprend rien à ça, je t'emmènerai, tu verras l'endroit". De fait, l'endroit était, "après le coulet des pins, en s'envoyant un peu à gauche dans la grande cassille, et après les méles qui ont pris le tonnerre en juillet". Les coordonnées Lambert ne nous auraient pas aidé. Jacky ne sait pas lire une carte, et même il ne sait pas lire du tout. Sa montagne à lui n'est ni du tourisme, ni du sport. Quant aux secours, c'est parfois lui qui ramène au village les gens perdus dans le brouillard. Ca vous en bouche un coin, hein!

François Masselot, 16 décembre 1999

Je connais quelques universitaires, et surtout des "profs de terrain", qui appelle cela de la lecture de paysage. Et cela commence à s'apprendre à l'école. Toute personne qui s'aventure en montagne, devrait connaître ces petits signes laissés par la nature (érosion, couverture végétale, variétés d'arbres, d'arbrisseaux, d'herbes et de fleurs), les animaux (traces conduisant à une source, crottes, herbes délaissées), mais aussi par "l'homo sapiens" (cairns, sentes des bûcherons, branchages abandonnés, empilages de pierres, sentiers...). Arrêtons cette liste pleine de lacunes, car nombreux sont ces signes présents et laissés sur le terrain, qui sont tout particulièrement appréciables lorsque l'on a perdu son fil d'Ariane, ou bien lorsque l'on se retrouve en plein brouillard. Des "citoyens" comme Jacky cela existe encore, et j'ose espérer que ce n'est pas une espèce en voie de disparition. Ils n'ont pas besoin de boussole, car elle est intégrée avec leur "horloge interne", qui elle fonctionne sans bogue. Pour conclure, provisoirement, en ce qui me concerne, j'aime rencontrer des "Jacky" même si ceux là ne sont pas toujours "causants". En tout cas ils n'ont rien à voir avec "l'élite montagnarde et vantarde". Orientons-nous sans balisage, carte et boussole!

Daniel Leconte, 17 décembre 1999