"C'est pas le loup qui me fait peur"..... (Anne Vallaeys à France-Inter) Les principales réactions au livre d’Anne Vallaeys ne peuvent venir que du milieu écologiste. Les plus virulentes sont le plus souvent des journalistes dits «spécialisés» qui, en fait, n’ont que très rarement mis les pieds sur une estive ou un alpage où rode le loup. Ont-ils même quelque fois parlé à un berger? Rien n’est moins sûr mais ils sont pleins de leur suffisance et de leurs pseudo-compétences autoproclamées pour casser l’ouvrage de celle qui n’a fait que rapporter et analyser une situation catastrophique créée au nom de l’écologie en se moquant des femmes et des hommes qui vivent sur ces territoires de montagne. Ci-dessous, nous reprenons ces principales réactions pour les commenter.
Un article dans le dernier Marianne se fait l'écho d'un livre d'Anne Vallaeys intitulé Le Loup est revenu chez Fayard. Ce livre est une enquête sans concession sur la façon dont le loup s'est réintroduit depuis l'Italie sur le territoire français, puis s'est mis à proliférer avec la complicité des écologistes français.
Il ne s'agit pas de faire le résumé d'un article qui est lui-même le résumé d'un livre. Je n'ai pas lu ce dernier (peux pas tout lire...) mais l'article est déjà éloquent lorsqu'il évoque la façon dont les pouvoirs publics ont cherché à faire croire qu'ils dominaient une situation alors qu'elle leur échappe de bout en bout.
Il faut rappeler que la défense du loup en France est l'apanage d'un groupe d'individus qui ont tous en commun une vision de l'écologie détachée du réel, une sorte d'hallucination collective pleine de brebis stupides élevées par des bergers voués à disparaître avec le reste de l'humanité (tant qu'on y est...), des bouffées délirantes à base de gentil loup qui ne tue que pour se nourrir.
Pour s'en convaincre, il suffit de lire le texte d'un défenseur du loup publié dans le même numéro. Un certain Jean-François Darmstaedter, président d'une association philanthropique appelée Ferus ("sauvage" en latin) qui défend le loup toutes dents dehors. L'article s'intitule "Non aux battues aux loup dignes du moyen âge!". Il est vrai que la présence du loup n'évoque pas du tout le moyen âge... Pour l'instant, il n'y a pas encore eu de victime humaine. Les arguments de ce bienfaiteur de l'humanité sont surprenants et confirment ce qu'écrit Anne Vallaeys: pour ce médiéviste, la filière ovine française sous sa forme pastorale doit disparaître ou au moins s'adapter "à la présence du prédateur". On voit que cet expert s'est longuement imprégné du problème: "Oui, les troupeaux peuvent être protégés de la prédation. (...) La présence du loup est une chance pour nos écosystèmes, une aubaine pour l'écotourisme vert de qualité (...)." J'en passe...
Dans ces 6 pages d'hebdo, on trouve aussi un bref entretien avec José Bové, contre lequel une association écolo a porté plainte parce que le syndicaliste, dans un accès de lucidité, avait dit qu'il fallait tirer sur les loups s'ils menaçaient les éleveurs.
Le tribunal pour l'écologie, c'est une seconde Nature, on le sait bien...
Je propose à M. Darmstaedter et autres défenseurs de prédateurs d'aller exercer leurs talents en Inde du Nord où se trouve des candidats à la mesure de leur talent. Les tigres y sont tout à fait redoutables et n'attendent que leur arrivée pour les boulotter tranquillement. Ces doctes conseilleurs pourraient ainsi défendre, en donnant de leurs personnes, la cause qui leur est si chère: l'équilibre des écosystèmes. Qu'ils aillent, tous ces donneurs de leçons, ces apprentis sorciers en culottes de peau, appliquer par eux-mêmes les principes qu'Yves Paccalet propose dans son best seller: L'Humanité disparaîtra, bon débarras! (cité par Marianne) On pourrait alors se féliciter et chanter en choeur avec les bergers soulagés
L'écologie disparaîtra, bon débarras!
A propos de la sortie hyper-médiatisée du livre d'Anne Vallaeys "Le Loup est revenu", un lecteur de Terre sauvage nous adresse la tribune ci-dessous, à laquelle la rédaction de Terre sauvage adhère... sans Réserve!
"Nombreux sont les commentateurs qui en parlent à tort et à travers.
C’est le cas d’Anne Vallaeys qui présentait son livre, "Le Loup est revenu" (Fayard), le samedi 28 septembre à Barcelonnette.
D’une part, elle semble d’une ignorance étonnante concernant la nature et son fonctionnement. Comment peut-elle, en effet, reprocher au loup de tuer des cervidés? Non seulement, ils font partie de ses proies naturelles.
Mais, de plus, le loup joue ainsi un rôle important pour faire baisser la pression qu’exercent les cervidés sur la végétation et que regrettent forestiers, biologistes et propriétaires de forêt.
Ne sait-elle pas que la relation prédateurs/proies est la base même de la nature?
Vous viendrait-il à l’esprit de regretter que la grenouille mange des insectes et le renard des souris?
Elle va même jusqu’à se scandaliser que les «pro-loup» le nomment «super prédateur» ; elle y voit une sorte de compliment à l’égard de cet animal!
Ne sait-elle pas qu’en biologie, un super prédateur est un animal qui mange aussi des prédateurs? Ainsi le loup mange des cervidés (herbivores) et des renards (prédateurs).
Ce que font les animaux en bout de chaîne alimentaire (lion, tigre, etc.).
D’autre part, et c’est selon moi le plus grave, elle n’apporte rien au débat ni aux bergers: de manière tout à fait démagogique, elle joue sur le désarroi de ceux-ci. La séquence concernant la femme et le loup en laisse dans la forêt de Fontainebleau puis dans la cuisine où il tourne autour de la table et des convives comme autour des moutons qu’il va dévorer, est un exemple affligeant de cette attitude.
Cette histoire illustre la bêtise humaine, la colporter participe de cette bêtise, d’autant que cela ne contribue qu’à inquiéter un peu plus encore des bergers qui n’ont pas besoin de cela.
Les bergers sont confrontés à de très graves difficultés.
Ils ont besoin de respect et non de démagogie.
De compétence et non d’ignorance.
De propositions de solutions et non de surenchères sur leurs malheurs.
Je suis navré qu’un éditeur, mais aussi France Inter et France Info, donnent la parole et donc de la crédibilité à une personne qui n’est évidemment pas crédible."
Auteur: Jean-Philippe Grillet.
De la part de Terre Sauvage, metteur en scène d’un retour médiatique du loup en 1992 alors qu’il est présent depuis longtemps, il ne fallait pas s’attendre à un commentaire positif du livre d’Anne Vallaeys.
Qui est l’auteur de ce commentaire? Jean-Philippe Grillet, Directeur des Réserves Naturelles de France (RNF), co-auteur de "Le Monde sauvage de Robert Hainard"? Comment très souvent, un écologiste se cache et n’attaque jamais franchement. Si c’est bien ce monsieur adepte de Robert Hainard, rien d’étonnant. Comme Stéphan Carbonnaux, son objectif est sans doute de revenir à une nature 2000 ans en arrière (Rapport Ferus / ADET / WWF de 2008 sur l’ours dans les Pyrénées).
Il semble que les termes de «démagogie» et «bêtise» pourraient parfaitement se marier avec les propos de ce commentateur. Anne Vallaeys a, selon moi, fait le constat d’une situation tant du loup dans les estives que de la situation des éleveurs face au loup. Son libre n’est pas un essai de biologie ou de zootechnique. Si l’ouvrage d’Anne Vallaeys «illustre la bêtise humaine», Jean-Philippe Grillet est manifestement au-dessus du panier de cette «bêtise humaine». Pour lui elle «ne contribue qu’à inquiéter un peu plus encore des bergers qui n’ont pas besoin de cela». Que Jean-Philippe Grillet soit rassuré. Anne Vallaeys a, contrairement à TOUS les commentateurs écologistes et notamment les associations environnementalistes, travaillé de concert avec les éleveurs, directement sur les estives, chez eux, dans et avec leurs familles. Et ceci depuis plusieurs années comme en témoigne une enquête déjà réalisée en 2011 pour Libération.
Les éleveurs n’ont pas besoin du livre d’Anne Vallaeys pour s’inquiéter encore plus. Cette inquiétude existe depuis les délires environnementalistes de 1992 dont Terre Sauvage fut le principal colporteur. Ils l’ont exprimée à travers des motions votées dès 1995 dans les assemblées de leurs chambres d’agriculture. Mais jamais ils n’ont été entendus. Jean-Philippe Grillet a raison de dire que les éleveurs et bergers ont besoin «De propositions de solutions et non de surenchères sur leurs malheurs». Mais qu’-t-il fait, lui? Qu’ont fait les associations écologistes? RIEN! Absolument rien en dehors de quelques mesurettes stupides (cas de Pastoraloup qui représente moins de 1% des aides matérielles apportées aux éleveurs) pour se donner bonne conscience et faire illusion.
La principale démagogie c’est de vouloir faire cohabiter un grand prédateur carnivore avec des brebis, des chèvres, des vaches, des chevaux…. C’est imaginer que le loup distinguera la proie sauvage de la proie domestique… Pire que de la démagogie, c’est de la bêtise. Et dans ce domaine, Jean-Philippe Grillet semble s’y connaître.
Louis Dollo, le 16 octobre 2013
"L'historien Jean-Marc Moriceau, spécialiste de l'histoire du loup, affirme qu'il y a bien eu des cas d'attaques de loups sur l'homme en Roumanie et que la situation est aussi tendue dans les autres pays européens qu'en France. Il s'est exprimé sur France Inter, dans l'émission La Tête au carré du 7 octobre 2013. Anne Vallaeys décrit quant à elle la réalité des dommages causés par le loup et la méconnaissance de la réalité du pastoralisme du grand public. Ecoutez l'émission diffusée sur France Inter"
Anne Vallaeys: "C'est pas le loup qui me fait peur".....
C’est peu de dire que la nature abordée par des journalistes non spécialisés est souvent «maltraitée».
Ce traitement des questions de nature par les médias a été analysé de façon très précise aux Etats-Unis pour le sujet de controverse le plus intense de l’histoire environnementale du pays, à savoir la protection de la chouette tachetée dans les forêts anciennes du nord-ouest (voir mon livre La nature malade de la gestion).
Cette chouette qui vit dans les dernières forêts anciennes des Etats-Unis est devenue dans les années 1990 le symbole de la défense de ces forêts face à l’industrie forestière. Les journaux ont principalement traité ce sujet en le polarisant sur le conflit entre les industriels et les défenseurs de la chouette, le réduisant au choix cornélien «chouette ou bûcheron». Une analyse des sources de 198 articles traitant du sujet dans 11 journaux parus dans les années 1990 a permis de faire le constat suivant: pour 110 articles, les sources venaient de l’industrie forestière, pour 67 articles des défenseurs de la chouette et seulement pour 14 articles de sources scientifiques.
Alors que les experts économiques reconnaissaient que le déclin de l’industrie forestière était amorcé bien avant la «crise de la chouette», les journaux continuaient de se focaliser sur le conflit en entretenant l’idée plus spectaculaire qu’il fallait choisir entre la chouette ou le bûcheron. Il est clair que la tendance au spectaculaire conduit les journaux à montrer les conflits, quitte à les entretenir, plutôt qu’à présenter une réalité toujours plus complexe qu’il n’y paraît pour mener vers des solutions. Les sources scientifiques moins engagées et peu manichéennes s’accordent mal avec la tendance de trop nombreux médias à se focaliser sur la confrontation des forces en présence.
Un récent article paru dans Marianne (du 28 septembre au 4 octobre 2013) sur le loup illustre parfaitement ce travers des médias en insistant sur le choix exclusif «loup ou éleveur» prenant fait et cause pour l’élevage. Le journaliste est libre de ses opinions, mais s’il fait le choix d’opter pour un camp, mieux vaut avoir de solides arguments et un minimum de rigueur, ce qui n’est pas le cas de cet article.
Les commentaires accompagnant le titre soulignent d’emblée la volonté de parler du loup sous un angle défavorable, avec un sous-entendu à peine voilé: «il vient d’arriver dans le Gévaudan…», ancien nom du département de la Lozère où a sévi la fameuse «bête» tueuse au XVIIIe siècle, faisant un lien évident entre le loup et la «bête». Puis vient immédiatement le bilan attribué aux 300 loups, à savoir 5.000 ovins tués. Aucune source d’information citée à propos de ces chiffres, notamment les 300 loups, alors qu’il est bien difficile de trouver une estimation précise de la population sur le site du Ministère de l’écologie, chargé du suivi des grands prédateurs via l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage. En effet, les derniers chiffres font état de 31 zones de présence permanente du loup, dont 21 avec reproduction. Si l’auteur avait consulté ce site, il y aurait découvert que le nombre d’animaux domestiques tués par les loups s’élève à 6 102 à la fin 2012. Certains pourraient dire que nous ne sommes pas à 1 000 ovins près. Et bien si, car 1 250 ovins sont tués annuellement par les chiens divagants (chiffre également indiqué sur le site du Ministère). Certes, vous me direz que les chiens errants tuent moins que les loups et doivent probablement être plus nombreux. Mais le nombre de victimes par attaque est plus faible pour les loups (2,7) que pour les chiens errants (3,8), encore une donnée du Ministère de l’écologie. Enfin, il aurait été intéressant que l’auteur mette le chiffre des déprédations des loups en perspective avec les 500 000 ovins présents dans leurs zones de présence.
Le manque de rigueur se révèle dans une autre partie du titre: «le «Canis lupus» prolifère». Notre ami journaliste ignore que le verbe proliférer, «se multiplier en abondance rapidement» (voir Le Petit Robert), s’applique à certains insectes, aux micro-mammifères ou au lapin, mais jamais aux super-prédateurs dont le taux de reproduction est plutôt faible et qui sont limités par le nombre de leurs proies et par une forte concurrence territoriale. Voici donc la progression démographique du loup qui fait les gros titres: 300 individus en à peine 25 ans! Dans le même temps, la population humaine s’est accrue en France d’environ 7 millions d’habitants. Enfin, le gros titre «La fable du gentil loup, ça suffit!» tombe un peu à plat car dans l’inconscient collectif, c’est plutôt le mythe du grand méchant loup qui marque les esprits!
L’article est centré sur le «complot» de l’administration et de militants pro-loup qui connaissaient la présence du prédateur dans le Mercantour avant la date officielle d’annonce en 1992. Quel scoop! Avant de savoir si une espèce s’installe définitivement sur un territoire donné, mieux vaut attendre de savoir combien il y a d’individus et si ces individus sont capables de se reproduire ou non. Pour une espèce difficile à approcher comme le loup, mieux vaut prendre ses précautions avant justement de crier au loup! L’article nous dit que le loup est arrivé en bordure du parc national du Mercantour dès 1987. Entre cette date et 1992, si les loups avaient été nombreux, ils auraient déjà fait parler d’eux au-delà du cercle des protecteurs de la nature. Le complot en question consistait selon l’auteur à ne pas révéler tout de suite le retour du loup et à «verrouiller son annonce». Tout cela pour faire prendre un arrêté du 21 mai 1992 paru au Journal Officiel qui inscrit le loup sur la liste des animaux à protéger.
Ce que notre journaliste oublie de dire, c’est que le loup était déjà inscrit sur l’annexe 2 de la convention de Berne de 1979 comme «espèce strictement protégée», convention ratifiée par la France le 31 décembre 1989. Difficile de croire que cette ratification ait été faite uniquement pour le loup, tant le nombre d’espèces protégées par cette convention concernant la France est élevé. Quant à la date du 21 mai 1992, c’est celle de la parution de la Directive Habitats n°92/43 de l’Union Européenne qui a donné au loup le statut «d’espèce d’intérêt communautaire prioritaire» devant être protégée. Complot de l’Europe? Si la France a pris un arrêté, c’est pour être en conformité avec cette directive européenne. De toute façon, l’article 16 de cette directive permet de déroger à ce régime de protection «à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, […] pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété».
Depuis janvier 2007, le Guide interprétatif sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire par la Directive Habitat 92/43/CEE valide la possibilité de mettre en œuvre ces mesures dérogatoires à titre préventif sans attendre que des dommages aient lieu dans les cas où il est vraisemblable qu’ils se produisent. L’arrêté du 27 mai 2009 a retiré le loup de la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d’extinction en France et dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département. Cet arrêté permet une plus grande autonomie au niveau local pour la défense des troupeaux domestiques. Les Préfets concernés disposent alors de la compétence pour la délivrance de dérogations visant à prévenir de dommages importants et avérés aux élevages, quand il n’existe pas d’autres solutions alternatives et sans compromettre l’état de conservation de l’espèce.
En clair, il n’y a aujourd’hui aucun verrou réglementaire qui rende le loup impuni face aux dommages qu’il peut occasionner aux éleveurs. Où est le complot des défenseurs du loup? L’article ne manque pas de contradictions puisque à peine après avoir traité les technocrates de l’environnement de comploteurs, on les accuse d’incompétence pour ne pas avoir anticipé ce qui allait se passer. Soit les pro-loups savaient parfaitement à quoi s’en tenir sur le comportement du carnivore en France et des remous que cela allait provoquer et ont tout fait pour retarder l’annonce officielle, et c’est l’hypothèse du «complot», soit ce sont des ignorants qui n’ont pas anticipé les problèmes occasionnés par le loup et c’est l’hypothèse des «incompétents», mais pas les deux.
L’article n’est pas plus plausible quand il évoque les écolos et leur «vision idéologique d’une bête dont ils ignorent tout» car ces loups venus d’Italie n’ont pas modifié leur comportement en traversant la frontière, il n’est pas imaginable que les écolos amateurs de loup ne se soient pas renseignés sur ce qui se passait côté italien où les loups attaquent les troupeaux depuis toujours.
Plus loin, un rapport qui préconisait un zonage de l’arc alpin entre des territoires refuge pour le loup et des territoires de gestion avec une régulation est brocardé en se demandant si ces zones seront signalées par des panneaux indicateurs. Si le zonage est vite tourné en dérision, c’est sans doute parce qu’il est une solution, certes critiquable, pour tenter de faire coexister le loup et l’élevage. Mais aucune interrogation pour savoir pourquoi le loup en France ne dispose même pas de zones protégées sans élevage, notamment dans les zones centrales de parc national?
Puis vient le couplet sur le loup qui coûte cher. Pas de comparaison avec le coût d’autres programmes de protection de la nature ni de mise en perspective avec les subventions allouées aux éleveurs. L’auteur cite: «un éleveur de Sisteron a calculé que dans son département le «budget loup» équivaut à celui consacré aux sans-emploi». Que vaut une telle information du niveau du café du commerce sans aucun moyen de vérification possible? Soit il y a peu de chômage dans les Alpes de Haute Provence, soit il y a plus de chômeurs que de loups! Comme le fait remarquer Hélène Grimaud dans son dernier ouvrage Retour à Salem, contrairement à la morale du loup et l’agneau qui veut que la loi du plus fort soit toujours la meilleure, aujourd’hui l’agneau pèse plus lourd économiquement que le loup, l’éternel problème du développement économique face à la protection de la nature.
A la fin de l’article, l’auteur s’en prend à tous ceux, Boris Cyrulnik compris, qui osent parler des représentations mentales du loup par l’homme. N’en déplaise à notre journaliste ignorant des aspects psychologiques liés à la perception de la nature, les gens se reflètent dans le loup, qui agit comme un miroir. Ils ne voient pas le loup tel qu’il est, mais tel qu’ils voudraient qu’il soit: un animal nuisible pour les uns, un prédateur sauvage qui mérite de vivre pour les autres. Et, de toute évidence, refuser le loup revient à refuser la nature sauvage que l’on ne contrôle pas.
L’article se termine par une interview de José Bové qui laisse perplexe car d’une part il en appelle à la légitime défense des éleveurs en cas d’attaque du loup et, d’autre part, il affirme qu’«il faut éviter les tirs sauvages, les empoisonnements clandestins, les milices anti-loup». De même, le député européen estime le loup incompatible avec l’élevage bio, mais ne dit pas ce qu’il propose vraiment: l’éradication complète (il n’oserait pas car il n’ignore pas la directive habitat qui considère le loup comme espèce à protéger) ou le zonage (ce qui reviendrait à interdire l’élevage dans certaines zones protégées)? Enfin, il montre que sa vision de la nature est anthropocentrique, sans aucune considération pour la vie sauvage en affirmant que le choix est binaire: «le paysan ou le désert». Il oublie qu’il n’y a plus de paysans, mais des exploitants agricoles, que ces derniers ne sont pas les seuls usagers de la nature et que, sans les agriculteurs, la vie sauvage se développe grâce aux friches, aux forêts spontanées et au loup.
Soyons honnêtes, le journal Marianne a respecté la parole adverse en publiant le point de vue de Jean-François Darmstaedter, président de Ferus, pas à la suite de l’article anti-loup, mais dix pages avant, sans doute pour ne pas rééquilibrer les arguments contre le loup.
Cet article montre que certains médias préfèrent le clivage au terrain d’entente. Des populations de loup bien plus importantes ne conduisent pas à ce même déchaînement médiatique en Italie, en Espagne ou en Allemagne. C’est sans doute une autre forme de l’exception culturelle française, à savoir ce caractère très anthropocentrique, cartésien et rationnel qui rend intolérant à la nature sauvage. Si un consensus doit être trouvé, il faudra que les protecteurs acceptent une régulation du loup (mais où? et comment?) et que les éleveurs acceptent de partager l’espace avec les grands prédateurs.
Auteur: Jean-Claude Génot
Source: JNE du 16 novembre 2013
Jean-Claude Génot n’est sans doute pas idiot. Mais comme beaucoup de membres de l’association des journalistes / écrivains pour la nature et l’écologie (JNE) c’est un menteur et un manipulateur. Il en fait une très belle démonstration dans sa diatribe contre l’ouvrage d’Anne Vallaeys, «Le loup est revenu» avec la suffisance de l’expert autoproclamé.
Pour ce journaliste dit «spécialisé» en environnement, les autres journalistes n’auraient pas droit de parler de ce sujet au motif qu’ils n’y connaissent rien et qu’ils maltraitent la nature. Stupéfiant! Edifiant! Nous voyons là les vieux démons anti-démocratiques ressortir. L’écologie, domaine réservé à quelques bobos qui, manifestement, n’ont jamais mis les pieds dans les estives, n’ont jamais vu un loup et surtout n’ont jamais discuté avec un berger très probablement de médiocre qualité intellectuel. Comportement le plus abjecte des défenseurs des dictatures. Mais peut-être est-ce dans la droite ligne des fondateurs du WWF?
Pour se justifier Génot fait la leçon: «Ce traitement des questions de nature par les médias a été analysé de façon très précise aux Etats-Unis». Qu’il se rassure, nous ne sommes pas aux Etats-Unis et on s’en fout au nom de la liberté d’expression. Anne Valleaeys a le droit de donner son opinion et surtout d’avoir une vision de la situation différente de ces journalistes toutou qui suivent la voix de son maître en avalant toutes les âneries diffusées par les idéologues des ONG environnementalistes. Néanmoins il précise: «Le journaliste est libre de ses opinions, mais s’il fait le choix d’opter pour un camp, mieux vaut avoir de solides arguments et un minimum de rigueur». Extraordinaire, Génot nous explique qu’il ferait bien de se taire car il est assez rare de le voir avec des arguments solides notamment en matière de pastoralisme, grands prédateurs, développement de la biodiversité en zone de montagne et plus globalement en développement durable qu’il semble ignorer.
Génot n’a manifestement rien à dire sur le livre d’Anne Vallaeys. Il préfère réserver ses critiques stupides aux propos du journaliste qui a osé écrire sans son véto.
«Le couplet sur le loup qui coûte cher»… Et oui, c’est une réalité que cela plaise ou non, à une période où on ferme les écoles et les services publics des vallées. Et de parler encore des subventions allouées aux éleveurs…. Mais pas qu’à ceux confrontés au loup… à tous, Monsieur Génot, pour que les français paient leur viande en dessous de son coût réel… C’est peut-être un peu social aussi??? Et si nous parlions des subventions aux associations écologistes dont nous ne savons jamais à quoi cela sert?
Et Génot poursuit ses attaques à l’encontre de l’auteur de l’article mais jamais contre Anne Vallaeys en disant: «journaliste ignorant des aspects psychologiques liés à la perception de la nature, les gens se reflètent dans le loup, qui agit comme un miroir». Nous sommes tenté de dire: «Pauvre imbécile, va demander au berger qui ne dort pratiquement pas et subit le loup jour et nuit tous les jours, "se reflètent dans le loup, qui agit comme un miroir"». Réaction d’un journaliste écolo de salon par excellence qui n’inspire pas beaucoup le sérieux.
La directive habitats n’interdit pas les tirs et les mesures de défense. Son article 1 parle de: «un état de conservation favorable». L’article 2 va plus loin dans son alinéa 2: «Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire». Quant à l’alinéa 3 il précise que: «Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales». Voilà qui donne de l’espace au Ministère et qui n’a jamais été appliqué du fait de la présence de fonctionnaires idéologues au sein même du Ministère de l’écologie. A l’état d’assumer en respectant ses propres lois notamment l’article L 113-1 du Code Rural.
De tout cela Génot n’en parle pas par ignorance et incompétence ou par dogmatisme? Il préfère critiquer un confrère qui défend l’auteur d’un ouvrage. Plus facile de démolir que d’argumenter. Mais c’est aussi la seule arme des médiocres.
C’est peu de dire que la nature abordée par des journalistes spécialisés est souvent "maltraitée" par suffisence, prétention, ignorance et incompétence..
Louis Dollo, le 2 décembre 2013
On croyait que le loup, exterminé par les lieutenants de louveterie, puis par l'urbanisation, avait disparu pour toujours. Il avait si longtemps fait régner la terreur. C'était la bête cruelle, aux techniques de prédation et de combat infaillibles, qui ne se contentait pas d'attaquer les troupeaux et leurs gardiens, mais qui entrait dans les villages, les années de grand froid, de guerre et de famine, pour y dévorer des enfants. Elle traquait aussi bien les humbles serfs que les grands de ce monde comme Charles Quint, harcelé par une meute de loups affamés sur une route de son immense empire. Mais on se trompait.
Les loups vont-ils entrer dans Paris comme dans la chanson de Serge Reggiani? La capitale va-t-elle ressembler à la vision qu'en donne Péguy, "la plus énorme horde où le loup et l'agneau aient jamais confondu leur commune misère"? "Le loup est revenu". Ainsi l'affirme Anne Vallaeys dans son livre. Tout a commencé dans le Mercantour. En 1977, on découvre douze dépouilles de mouton. Le cauchemar n'est pas fini. Il y a toujours un loup à l'origine de nos peurs. Au début, on a peine à y croire dans ce parc naturel de châtaigneraies et déjà peuplé de lynx, de sangliers, de chamois, de mouflons et de lagopèdes. On parle d'un drôle d'animal au pelage gris jaunâtre. Mais il faut se rendre à l'évidence: il s'agit bien d'un loup. Le Mercantour a beau être presque inhabité, il n'en bruisse pas moins de rumeurs. On évoque une vieille légende, celle du maître des loups, ce personnage inquiétant qui élève des loups, parle leur langage et les dresse à lui obéir au doigt et à l'oeil avant de les lâcher dans la nature pour le plaisir de terroriser les humains. Tous les regards se tournent vers un industriel allemand, Manfred Reinartz, qui a clôturé son domaine de hauts murs dans la forêt.
L'été dernier, Didier Trigance, un éleveur d'ovins exaspéré par trois loups qui lui ont tué deux agneaux, trois brebis et six de ses chiens, frappe avec un manche de pioche deux agents du parc national venus faire un "constat loup". Il avait entendu ou cru entendre l'un d'eux lui dire avec mépris:"Ici, on n'a plus besoin de vous." On ne saura jamais ce qui s'est exactement dit dans les solitudes du Mercantour, ce massif qui s'étend, au sud des Alpes, sur près de 70.000 hectares et s'étage de 490 à 3.143 mètres. Toujours est-il que Didier Trigance, dont les ancêtres ont toujours mené leur troupeau sur cette estive, le prend très mal. Il est véritablement endeuillé par la mort de ses chiens. Il ne lui reste plus qu'une chienne un peu craintive, et les chiens de berger sont de plus en plus rares et de plus en plus chers. Il a un coup de sang, et déclenche une jacquerie à lui tout seul. Le tribunal de Nice lui infligera trois mois de prison avec sursis, une clémence qui traduit l'embarras et la culpabilité de l'Etat.
Cette affaire survient à un moment critique: la fin de l'ère agricole où le paysan était intouchable et l'avènement d'une nouvelleère furieusement écologiste où les derniers paysans sont des ennemis qui s'opposent au retour à la vraie nature dans la pureté de ses origines. Aujourd'hui, c'est le loup qui est intouchable. La convention de Berne de 1979 et la directive Habitats Faune Flore de 1992 lui assurent un statut de protection et ont fait des éleveurs et des bergers une espèce en voie de disparition dont personne ne se soucie. Les éleveurs sont des survivants abandonnés à leur sort. On n'a plus besoin d'eux, comme l'a peut-être dit le garde du parc national.
Les pouvoirs publics se sont peu à peu rendus aux raisons de l'Association pour la Protection des Animaux sauvages (Aspas) et des durs de l'environnement: en gros, le monde est trop policé, l'homme a souillé, domestiqué et dévasté la nature, alors que le loup incarne la liberté. Le méchant, aujourd'hui, c'est le berger. Le croquant. Mais ce loup réintroduit n'est plus un animal sauvage puisqu'il est protégé. C'est un animal domestique, comme les agneaux qu'il dévore.
A l'abri d'une législation qui fait d'eux des animaux sacrés, comme les vaches en Inde, les loups sont de plus en plus nombreux, ils agrandissent leur territoire et s'aventurent maintenant dans les plaines. Ils peuvent parcourir 50 kilomètres par nuit. Leurs attaques sont de plus en plus fréquentes dans les élevages ovins de la Haute-Marne et de l'Aube où se réveillent les grandes colères paysannes du passé.
Le loup a un solide appétit. Il consomme 2 ou 3 kilos de viande par jour. Ce sont les éleveurs qui régalent: les animaux domestiques constituent de 10% à 25% de son régime alimentaire. Le loup est partout chez lui, dans les montagnes, les grandes plaines agricoles. Il s'est affranchi de la forêt. Il est encore rebuté par les villes parce qu'il a peur de l'homme. Mais pour combien de temps?
Les loups se risqueront-ils bientôt au coeur des villes pour y déchiqueter des enfants, comme le font parfois les chiens qui ont pourtant la faveur du public? Méfions-nous de "nos amies les bêtes". Les croisés de l'écologie dure, les partisans d'un retour à une virginité édénique devraient méditer ce qu'Alfred de Vigny fait dire à la nature: "On me dit une mère et je suis une tombe."
Auteur: François Caviglioli
Source: Le Nouvel Obs du 22-12-2013