L’interrogation qui guidera cette étude est la suivante: comment les acteurs industriels et les autres acteurs liés aux activités du secteur industriel font face à l’émergence du
thème de la biodiversité? En question subsidiaire, on peut également se demander si son traitement s’inscrit au niveau stratégique ou si il n’est pas qu’un effet de mode. Précurseur
de cette problématique, le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, en 1988, préconisait, en filigrane, une approche globale qui apparaît
aujourd’hui de plus en plus difficile à mettre en œuvre.
De nombreuses controverses autour des objectifs à atteindre se sont, en effet, développées au cours des années 90, en même temps que les acteurs institutionnels se faisaient de
plus en plus nombreux: au niveau international, huit ans après le sommet de Rio, l’avenir de la gestion de la biodiversité se concentre autour des débats d’experts, du lobbying des
multinationales et des campagnes médiatiques des ONG.
Depuis l’entrée en vigueur de la Convention de la Diversité Biologique (1992), l’enjeu porte sur la définition des bases d’une gestion responsable et démocratique de la diversité du
vivant à l’échelle mondiale. A ce niveau, la biodiversité recouvre un ensemble de valeurs culturelles, écologiques et économiques, dont la définition et la perception appellent une
approche sociologique
On peut légitimement se demander comment tous les acteurs arrivent à se concerter sur une question aussi complexe que la gestion de la biodiversité, alors que, si on ne s’en tient
qu’à l’approche des scientifiques, son traitement relèverait, à l’instar des questions environnementales, d’une approche par type d’organisme concerné et de milieu menacé
(air, sols, eaux) déjà très difficile à mettre en oeuvre. Pourtant, l’occurrence ces dix dernières années de plusieurs catastrophes majeures, avec des impacts tangibles sur la
biodiversité, nous rappelle qu’en matière de gestion de la biodiversité, il faut désormais compter avec d’autres cercles (industriels, politiques, société civile) qui peuvent juger
leurs intérêts immédiats ou potentiels menacés.
Après nous être attachés à définir, puis à circonscrire dans le temps et l'espace le concept de “ biodiversité ”, et avoir replacé la France dans le contexte mondial actuel (1ère partie), nous explorerons l’état de la question, à l’aune de la classification largement admise par la communauté scientifique: les écosystèmes, les espèces et les gènes. En guise d'illustration de la complexité et de la diversité des phénomènes rencontrés dans ce domaine, dix cas d'étude sont présentés, en fonction de la nature des processus de conflits, du jeu des acteurs et de résolution des problèmes soulevés par les interactions des activités humaines, de type industrielle, avec la biodiversité: atteintes anthropiques, mais aussi collaborations institutionnelles en vue de sa préservation et de son exploitation éventuelle (2ème partie).
Pour parvenir à une représentation plus juste du positionnement industriel sur cette question, en validant notamment les hypothèses dégagées dans la seconde partie, une douzaine de responsables “environnement” de groupes industriels en France a été interviewée: au-delà des intérêts purement scientifiques, aux enjeux économiques et politiques incertains, nous avons essayé d’identifier, sur un registre plus prospectif, les pratiques que les sociétés ont mises en œuvre, et à partir de quelles expériences, pour gérer ce nouvel enjeu (3 partie).