Dans un article du 11 septembre 2009 dans le Journal Sud-Ouest, Thomas Longué pose tous les problèmes liés à cette initiative du maire de Bruges concernant le Moncaut et à la polémique qui s'en suit.
Le 20 juillet dernier, le Conseil municipal de Bruges autorisait son maire, Xavier de Canet, à signer une convention avec la société Daniel, d'Arbus, en vue de l'extraction d'un matériau assez rare (lherzolite) au massif de Moncaut (1), sur une parcelle d'environ 15 hectares, au-dessus de la pisciculture de Pé-de-Hourat.
Ce jour-là, un observateur très attentif, et pour cause, avait pris place parmi le public: le maire du village voisin, Patrick Labernadie.
Explication:
Le site d'extraction envisagé se trouve cadastré sur la commune de Louvie-Juzon. Mais, - car il y a un grand "mais"... - Bruges en est le propriétaire privé, tout comme le
village l'est, en piémont, de centaines d'hectares sur Louvie, de même que sur Asson. Ce en vertu de droits dont Xavier de Canet indique qu'ils remontent à la
création de la
bastide de Bruges (1357), sous Gaston Fébus: "Henri II de Navarre, le grand-père du futur Henri IV, les a confortés le 23 mars 1520 ; nous avons tous les documents en mairie".
Mais en fait, ce sont les éleveurs de Bruges, une vingtaine d'exploitants réunis en groupement, qui ont tiré les premiers. Au motif que les 15 hectares du projet de concession étaient inclus dans les 800 hectares qui leur sont loués à bail par leur commune, depuis 1979.
"Inexact", rectifie Xavier de Canet, catégorique: certes, le secteur concédé empiétait initialement sur les terres louées au groupement de... 0,42 are. Autant dire peanuts. Mais ces malheureux 42 m²viennent d'être enlevés du périmètre concédé. Au reste, évacue le maire de Bruges, lui-même éleveur, "c'est un caillou où je me demande ce que les vaches feraient dessus".
Un caillou, peut-être. Mais dans un secteur Natura 2000, objecte le maire de Louvie. Et surtout, poursuit celui-ci, "dans une zone de sources à grands débits", sur un bassin-versant dont dépend l'alimentation en eau potable des communes avoisinantes, dont Louvie, et ce jusqu'à Pau.
Ce "risque majeur pour l'alimentation en eau et l'environnement", fait d'ores et déjà réfléchir Patrick Labernadie à une procédure d'expropriation. Entre un caillou même "noble" et la ressource en eau...
M. Labernadie ajoute que les habitants de Pé-de-Hourat seraient opposés à cette exploitation: le seul accès routier à la carrière passerait par ce quartier excentré de Louvie. Même si semble être envisagé un téléportage des matériaux extraits au Moncaut, vers Arthez-d'Asson.
Mais au point où en est le projet, inutile de jouer les vierges effarouchées, réplique en substance le maire de Bruges: "Nous allons signer, la semaine prochaine, une convention de mise à disposition du site qui comprend une étude de faisabilité de six mois. Car il faut avant tout quantifier le gisement. Si, et seulement si, il s'avère "rentable", on engagera, dans un an, une étude d'impact écologique, hydraulique, etc."
Yves de Canet résume en une métaphore: "On est encore dans le tunnel des vestiaires et l'on ne sait même pas si on va jouer le match... De toute façon, au final, c'est le préfet qui donnera ou non le ballon". Bien nommé Moncaut! En béarnais, ce nom signifie "mont chaud"...
(1) Localement prononcé "Mouncaout". Peut s'écrire "Moncaut"
Que le massif de Moncaut soit propriété privée de Bruges ou non, le maire et voisin de Louvie-Juzon regrette de ne pas avoir été le moins du monde informé du projet de carrière, à l'encontre de tous les usages entre communes voisines. "Il aurait été plus judicieux que tout soit réglé avant", considère M. Labernadie.
Ce dernier dit même ignorer si l'entreprise Daniel a déjà oeuvré sur le site. Renseignements pris: seule une étude géophysique-électrique aurait été réalisée par ses soins, à ce jour.
Le jeune président du groupement des éleveurs brugeois, Bernard Allègre, dit lui être "estomaqué de la façon dont les choses se sont déroulées". Quand bien même le groupement n'aurait rien à y voir - ce qu'il conteste -, M. Allègre s'interroge: "La convention dit que la parcelle est libre de toute utilisation: et l'ONF? Et la chasse?"
Réplique du maire de Bruges: "Ne pas avoir avisé Louvie est le seul point qu'on pourrait me reprocher. Mais j'ai appris - parce que n'imaginez pas que j'agisse sans conseil juridique - qu'en tant que propriétaire privé, Bruges n'avait rien à demander... Et à Louvie moins qu'à quiconque! Figurez-vous que, depuis dix-sept ans, tous les jours sauf le week-end, 40 à 50 camions venant de la carrière de Louvie, traversent dès 6 h 30 Mifaget et le bourg de Bruges, et nul ne nous a jamais demandé si cela nous dérangeait..."
Xavier de Canet avance les arguments d'emplois pour le pays (sept Brugeois travaillent déjà pour la société Daniel, à Asson); d'un loyer pour la commune (316 Euros/an et par hectare concédé) et, le cas échéant, d'une redevance à la tonne. "Je n'ai pas envie de voir mourir mon village... Ce qui m'importe aussi, ce sont les garanties que nous avons quant à l'état de restitution du site au terme de l'exploitation. Sans oublier que, contrairement à Asson, celle-ci n'aura pas d'impact visuel."
Auteur: Thomas Longué
Source: Sud-Ouest du 11 septembre 2009
Cet article permet de mettre en évidence les vraies motivations du projet du maire de Bruges qui peuvent paraître nobles et digne d'intérêt pour la collectivité. Il avance notamment:
Mais d'autres problèmes abordés par Thomas Longué manquent de réponse, notamment:
Il y a encore du chemin à faire d'autant que la procédure décisionnelle pourrait être entachée de problèmes de forme selon certains opposants sans compter sur l'initiative toujours possible du maire de Louvie-Juzon dont dépend administrativement le terrain de prendre des mesures de protection en faveur de l'eau.