Jean Glavany, député PS des Hautes-Pyrénées, toujours en recherche d’existence depuis qu’il n’est plus ministre, est en quête de «verdisation» depuis quelques années. Histoire de tenter de rentrer dans une sorte de moule nouveau correspondant au goût du jour. Problème: les goûts vont parfois plus vite que cet homme politique du passé et ne correspondent peut-être pas aux goûts d’une partie de son électorat. Le voilà donc qui, comme Brigitte Bardot, il veut changer le statut de l’animal. Pourquoi pas? Mais encore faut-il réfléchir à ce qu’on fait et analyser les conséquences de cet acte.
Ce projet tend à modifier plusieurs article du Code Civil et à sortir les animaux de la catégorie existantes depuis l’origine du Code Napoléon de «meuble par destination» tout comme peuvent l’être le pot de fleurs et la plante qui est dedans. Dans le même esprit juridique, un arbre planté dans un jardin est un immeuble. Une fois coupé c’est un meuble.
Alors que le code rural et le code pénal reconnaissent, explicitement ou implicitement, les animaux comme des «êtres vivants et sensibles», ces derniers sont encore considérés par le code civil comme des «biens meubles» (art. 528) ou des «immeubles par destination» quand ils ont été placés par le propriétaire d’un fonds pour le service et l’exploitation de celui‑ci (art. 524).
Cet amendement a pour objet de consacrer l’animal, en tant que tel, dans le code civil afin de mieux concilier sa qualification juridique et sa valeur affective. Pour parvenir à un régime juridique de l’animal cohérent, dans un souci d’harmonisation de nos différents codes et de modernisation du droit, l’amendement donne une définition juridique de l’animal, être vivant et doué de sensibilité, et soumet expressément les animaux au régime juridique des biens corporels en mettant l’accent sur les lois spéciales qui les protègent.
Ce texte soulève de nombreuses interrogations tant que les motivations que sur une éventuelle application.
Sonia Faure, dans Libé du 18 avril 2014 s'interroge: Quel statut juridique pour le chien Médor et l’ours
Baloo?Et puis, la surenchère La députée PS Geneviève Gaillard, présidente du groupe
d’étude sur les animaux à l’Assemblée nationale, qui n'est pas signataire de l'amendement Glavy, demande une révision du statut des animaux sauvages.... Une fois encore, nous
sommes en plein délire et désordre. Comme si les élus n'avaient pas de sujets plus importants à traiter actuellement.
L'amendement considère l'animal comme des êtres sensibles, susceptibles d'éprouver du plaisir et de la peine et de développer une intelligence et une affectivité considérable et
donc va dans ce sens puisqu'il vise à modifier le Code civil afin de donner aux bêtes la qualité «d'êtres vivants doués de sensibilité». Mais il reste purement symbolique. En
effet, le texte précise que ces êtres vivants restent soumis au «régime juridique des biens corporels».
Modifier le statut juridique de l'animal c'est se heurter à de nombreux lobbies qui vivent de l'exploitation animale de nombreuses tentatives dans le passé ont avorté. En 2005, le
ministre de la Justice Dominique Perben lance en vain des travaux. En 2012,
le Conseil économique social et environnemental (Cese) a mis fin à ses débats en interne sur la question, en raison de trop vives tensions entre les défenseurs des animaux d'un
côté et les chasseurs, pêcheurs et agriculteurs de l'autre. Les organisations de défense de la chasse, de la pêche et de l'élevage craignent qu'un changement de statut des animaux
ne vienne nuire à leurs activités. Idem des laboratoires pharmaceutiques, qui pour certains, utilisent les animaux dans la recherche.
Créer une personnalité juridique spécifique pour l'animal impliquerait en effet de reconsidérer la légalité de ces activités. Sans oublier les passionnés de corridas ou de combats de coqs. Que deviendraient-ils si l'animal devenait une personnalité juridique? Aujourd'hui, les pratiquants de ces disciplines sont exempts de poursuites et ne sont pas considérés comme maltraitants envers les animaux.
Cet amendement permet de répondre à une grande pétition de 30 Millions d’Amis exigeant cette modification… même s’il ne crée pas de statut de l’animal (contrairement à ce qu’ont dit une grande partie des médias).
Source: Site Assemblée nationale - capté le 16 juillet 2014
Décryptage d’un point juridique au cœur de l’actualité. Aujourd'hui, retour sur la modification du statut juridique de l’animal.
Mardi, les animaux sont passés de l’état de «biens meubles» à celui «d’êtres vivants doués de sensibilité», par la grâce d’un vote des députés. Cette modification du Code civil était attendue depuis longtemps par les défenseurs des animaux, l’association «30 millions d’amis» ou le philosophe Luc Ferry, prêt à remettre en cause Descartes et son animal-machine. Depuis un siècle, notre manière de considérer notre chihuahua ou la charolaise qui part à l’abattoir, a changé. Le droit, lui, n’a pas toujours suivi. Juridiquement parlant, qu’est-ce qu’un animal?
«Le droit ne le définit pas: qui classe-t-on dans cette catégorie?, interroge Muriel Falaise, maître de conférences à Lyon III et membre du comité scientifique de La fondation Droit animal, éthique et sciences. Il faudra bien un jour se tourner vers les scientifiques: à partir de quel stade de développement, de quel niveau de sensibilité définit-on un animal?» En France, il n’y a pas non plus de statut juridique de la bête – l’Angleterre s’en est approché en instaurant le Animal welfare act, pour l’animal domestique – mais un empilement de textes éparpillés dans plusieurs codes et des droits qui varient d’un animal à l’autre. «Mieux vaut être une petite souris de compagnie qu’un rat de laboratoire», résume Muriel Falaise. Mieux vaut être un taureau parisien que nîmois: le Conseil constitutionnel a estimé la corrida tout à fait légale dans les régions où elle représente une «tradition locale ininterrompue», pas ailleurs sur le territoire.
L’animal domestique (1) est protégé par le code pénal et le code rural, tandis que l’animal sauvage n’est concerné que par le Code de l’environnement, au nom de la «préservation des espèces». Il arrive aussi que les textes soient dissonants. Alors que le code civil ne considère, jusqu’à présent, l’animal que comme un «bien meuble» (il est mobile) ou «immeuble» (la vache d’une exploitation est, en droit, attachée au sol), bref, comme un objet, l’article L.214-1 du code rural, lui, stipule depuis 1976 que «tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce». Tout comme le traité d’Amsterdam, ratifié par la France. C’est justement ce décalage que les députés ont voulu harmoniser: il n’y a donc rien de révolutionnaire au vote de mardi dernier.
«Le statut de l’animal n’en sera pas changé, ce qui ne veut pas dire qu’une chaise a autant de droit qu’un animal, rectifie Sonia Desmoulin-Canselier, chercheure à Paris I. L’animal est déjà considéré comme un objet d’affection, ce qui sous-tend, par exemple, le droit au locataire de garder son animal de compagnie. Et si votre animal se fait renverser, vous pourrez être indemnisé pour la douleur ressentie de perdre un être cher, ce qui ne sera pas le cas pour votre voiture customisée.»
Le code pénal, enfin, prévoit une peine maximale de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende pour les auteurs «d’abandon volontaire» ou de «sévices graves, ou de nature sexuelle, ou d’actes de cruauté» contre un animal domestique ou apprivoisé. Un Marseillais en a récemment fait les frais: il a été condamné à un an de prison pour avoir jeté un chat contre un mur (et avoir diffusé la vidéo sur des réseaux sociaux).
Si les droits des animaux se sont améliorés, c’est traditionnellement pour une raison simple: l’intérêt de l’homme. La première loi française de protection animale, la loi Grammont, en 1850, interdisait déjà les mauvais traitements infligés aux animaux en public… pour protéger la sensibilité des jeunes personnes, comme le rappelle la juriste Muriel Falaise. Qui note: «De la même manière, la notion de droit animalier a émergé au niveau européen autour des questions de santé animale, intimement liées à la santé humaine.»
La volonté de garantir des droits aux animaux en tant qu’êtres vivants, pour des raisons éthiques, est plus récente, et le droit français n’est pas en avance. Pourtant, depuis les années 80, les rapports et colloques se sont multipliés, preuve que le rapport de l’homme à l’animal a été bouleversé. Depuis le XIXe siècle, des travaux scientifiques ont établi que l’homme n’était pas si éloigné de l’animal (Darwin), et que celui-ci pouvait ressentir du plaisir ou de la souffrance (Jeremy Bentham, père des prisons panoptiques mais aussi des théories utilitaristes) «L’animal s’est dé-réifié et humanisé, écrivait la magistrate Suzanne Antoine, dans un rapport remis en 2005 à Dominique Perben, alors ministre de la Justice. L’inverse étant tout aussi vrai: l’homme se trouve relié à l’animalité dont il est issu. Ces idées ont naturellement leur écho dans le monde juridique. […] L’animal-chose est un concept périmé.»
Le Code civil créé par Napoléon en 1804 a été modifié une première fois en 1999 pour distinguer l’animal de la chose. Mardi dernier, les députés ont donc reconnu que l’animal était un «être vivant doué de sensibilité». Mais, tout de suite après, ce nouvel article du code civil stipule: «Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels.» Bref, l’avancée est symbolique: «L’animal reste une chose , regrette Muriel Falaise. L’Allemagne, l’Autriche et la Suisse ont au contraire inscrit dans leur Constitution que l’animal n’était pas une chose.»
Dans le droit français, l’animal a donc un statut pour le moins ambigu: c’est un être vivant doté d’une sensibilité, mais rangé dans la catégorie des biens qu’on s’approprie, puisqu’il a une valeur marchande, patrimoniale. Des juristes proposent d’aller plus loin et de faire de l’animal un «bien» à part, une catégorie spéciale au sein des «choses», à laquelle on reconnaîtrait une protection et des droits particuliers comme le droit au bien-être.
Ou, plus radical, créer une «personnalité juridique animale», une nouvelle catégorie du droit, entre la «personne» et les «biens». Ce qui bouleverserait la dichotomie entre la «personne» («les sujets de droit qui agissent», décrypte Sonia Desmoulin-Canselier) et la «chose» («les causes à propos desquelles les personnes se disputent») qui remonte au droit romain. Comment concilier une «personnalité juridique animale» avec la chasse, la pêche, la recherche pharmaceutique, l’élevage ou la corrida? «Ça ne le serait pas plus que lorsqu’on a inventé le concept de personne morale, qui désigne des associations ou des entreprises», estime quant à elle Muriel Falaise.
(1) Est domestique l’animal «qui vit sous la surveillance de l’homme», selon la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 1895.
Auteur: Sonya Faure
Source: Libération du 18 avril 2014
Comme les animaux domestiques, désormais qualifié d'êtres doués de sensibilité dans le Code civil, ceux vivant à l'état sauvage doivent bénéficier d'une telle mesure, estime Geneviève Gaillard.
La députée PS Geneviève Gaillard, présidente du groupe d’étude sur les animaux à l’Assemblée nationale, a déposé mardi une proposition de loi pour que les animaux sauvages soient eux aussi reconnus comme «des êtres vivants doués de sensibilité» dans le code civil, qui les considère comme des «biens meubles».
«Je veux faire en sorte que dans cette proposition de loi, les animaux ne soient plus considérés comme des biens meubles mais aussi étendre la reconnaissance d’êtres sensibles aux animaux sauvages», a-t-elle dit lors d’une conférence de presse à l’Assemblée. «Nous avons aussi voulu rassurer les chasseurs à travers cette proposition de loi [...] la chasse est reconnue comme un fait sociétal et nous ne voulons pas qu’ils croient que leur activité de chasse sera arrêtée. Par contre, comme la société évolue, les pratiques de chasse peuvent évoluer», a-t-elle estimé. «On peut chasser avec des règles précises, comme on peut manger des animaux avec des règles précises lors de l’abattage, considérant que l’animal est un être doué de sensibilité», a-t-elle insisté.
Le 15 avril, La commission des lois de l’Assemblée nationale a reconnu aux animaux la qualité «d’être vivants doués de sensibilité», alors que jusqu’à maintenant le Code civil les considère comme «des biens meubles». Actuellement, le code rural et le code pénal «reconnaissent, explicitement ou implicitement, les animaux comme des êtres vivants et sensibles» mais pas le code civil, avaient expliqué les auteurs de l’amendement, dont le député PS Jean Glavany.
Pour Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Bardot, «l’amendement Glavany se limite à sortir les animaux des biens meubles» alors que le groupe d’étude de Geneviève Gaillard «donne la possibilité d’attaquer pour acte de cruauté aussi pour actes commis sur les animaux sauvages». «C’est une énorme avancée, car la proposition de loi remet en cause certaines pratiques cruelles de chasse mais pas la chasse elle-même», a-t-il ajouté.
De son côté, Réha Hutin, présidente de la Fondation 30 millions d’amis, s’est félicitée «que le débat au sein du parlement se poursuive» jugeant «nécessaire d’aller au bout de ce processus». «Il s’agit d’une rare opportunité qu’il ne faut pas laisser passer. En effet, cela fait des années que la question de l’évolution du statut juridique de l’animal est soulevée mais sans traduction législative concrète», a-t-elle dit.
Les actes de cruauté envers les animaux sont passibles de 30 000 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement.
Source: AFP / Libé du 3 juin 2014